VERS TEL AVIV 34 / TOWARDS TEL AVIV 34
“Lire un sympt ôme”
L’hétéro et le réel du symptômeCommentaire de quelques extraits de la Conférence à Genève sur le symptôme de J.LacanClaudia Iddan*Pour ce séminaire (1) j’ai décidé de me référer à cette conférence sur le symptôme (2) qui justement porte le nom de la ville qui nous accueille aujourd’hui, en lui rendant hommage ainsi. La structure de cette conférence est très intéressante, car elle regroupe plusieurs aspects autour du symptôme, en effet, à mon avis, elle évoque la structure d’un nœud borroméen. On pourrait se représenter un rond pour le corps, un autre pour la jouissance phallique et le troisième pour la jouissance de l’Autre, tous trois noués par le symptôme. Je voudrais d’abord la situer dans son contexte, il s’agit d’une conférence prononcée en octobre 1975, c’est à dire pendant l’intersession entre le séminaire R.S.I. et le séminaire Le Sinthome. En d’autres mots il s’agit du dernier enseignement de Lacan où l’accent est mis d’un côté sur le nœud borroméen et de l’autre côté sur la différence entre le signifiant et la lettre, cette fois -ci par l’introduction du terme sinthome.On pourrait se poser la question du pourquoi de cette conférence? Pour deux raisons. Une première raison – parce que le texte présente un éventail de symptômes qui mettent en relief les éléments centraux en rapport avec celui-ci. Pour cela, j’exposerai les remarques qui figurent dans le texte au sujet du symptôme phobique et du phénomène psychosomatique en donnant des points de repère dans le parcours effectué par Lacan autour de la fonction du symptôme. Un parcours qui va de la définition du symptôme comme « un mode de jouir tel que l’inconscient le détermine » [définition du séminaire RSI] à celle du séminaire Le Sinthome où « le symptôme est le réel », l’écrit.La deuxième raison est que Lacan s’appuie d’abord sur deux textes freudiens afin de mettre en valeur la place du symptôme pour mieux accentuer par la suite le point sur lequel ils diffèrent. Il s’agit de deux Conférences d’introduction de Freud, la conférence XXIII et la conférence XVII.Lacan y précise que écrire et dire sont deux choses différentes. Au moyen de cette différence entre écrire et dire, il nous introduit à la distinction entre le signifiant et la lettre. Cette distinction est parallèle à celle qui existe entre le sujet de la chaine signifiante et le parlêtre ou entre le sujet del’inconscient et le corps parlé. C’est une différence qui se réfère, en particulier, à l’inclusion du corps quand l’accent est mis sur la jouissance.Le texte réalise un parcours qui commence d’une certaine manière par la fin de l’analyse en évoquant le dispositif de la passe mais cette fois-ci, il est abordé par le biais de la question sur l’agir et la fonction de l’analyste dans le dispositif analytique. Il me semble que le but serait de nous amener à nous focaliser précisément sur le symptôme, on pourrait dire sur la particularité du cas. Cette particularité est en effet reliée à la façon dont celui qui s’autorise en tant qu’analyste se place dans le dispositif. L’accent est donc mis sur le symptôme mais je dirais qu’à partir de deux éléments spécifiques reliés au corps. Un premier élément est le symptôme vu à partir de ce qui est écrit sur le corps, où la lettre est un élément central, et le deuxième élément est celui du symptôme vu à partir de la capture exercée par l’image du propre corps où la pensée du parlêtre s’enracine. Donc, nous avons d’un côté, l’écrit sur le corps, le réel, et de l’autre côté l’image et la pensée. Ces aspects reliés au corps attribuent une place renouvelée à l’ordre de l’imaginaire, cette fois-ci du point de vue de la jouissance.En ce qui concerne ce qui s’écrit sur le corps, il introduit la dimension de la langue, l’influence de la langue parentale, de ce qui s’instille dans le corps du parlêtre, c’est à dire de lalangue en un seul mot. Lacan introduit ce terme comme un jeu de mots avec la lallation pour souligner la parenté avec les premiers sons émis par l’enfant avec la façon dont lalangue fonctionne en la différenciant ainsi du langage ou de la parole. Lacan dit à propos de cettelangue à la page 11: « Les parents modèlent le sujet dans cette fonction que j’intitule du symbolisme. Ce qui veut dire…la façon dont lui a été instillé un mode de parler, ne peut que porter la marque du mode sous lequel les parents l’ont accepté », c’est à dire « la façon dont il a été désiré ». Je voudrais faire ressortir ici, la place du désir des parents comme élément déterminant qui s’instille par la parole et laisse une marque sur le corps qui est étroitement reliée à la façon dont il a été désiré. Non seulement cela détermine le discours de ce sujet et safaçon d’établir des relations sociales, mais aussi, il faut le souligner, la propre image du parlêtre. En ce qui concerne l’élément de la capture imaginaire, c’est la propre image privilégiée du corps qui introduit justement la dimension de la pensée. Dans ce texte Lacan la définit comme un engluement, un engluement dans l’imaginaire, c’est à dire que la pensée est gluée au corps et lui donne sa consistance. « Le parlêtre adore son corps », dit Lacan dans Le Sinthome [page 66 ], et cela ne met pas seulement en relief la capture radicale par la voie du regard, comme Lacan le souligne dans cette conférence, mais aussi, dirais-je, la matérialité créée par le jeu entre la capture de l’image et l’engluement-pensée. C’est à dire que cette adoration du parlêtre vis à vis de son corps est la capture qui résulte de la relation qui se tisse entre le point d’où le parlêtre est regardé et l’image de son propre corps, et dans cette capture il est attrapé. A la page 11, Lacan dit: » …c’est dans la rencontre de ces mots [les mots des parents et de sa propre pensée] avec son corps que quelque chose se dessine ». Sur ce point, d’après ce que j’ai entendu, il faut mentionner que pendant les dernières journées desSections Cliniques à Montpellier, J.A. Miller a mis en relief la place de l’imaginaire et de sa matérialité dans le dernier enseignement de Lacan autour du nœud borroméen. Je vais relever quelques passages du texte, je me réfère plus spécifiquement aux pages 12-13 et 19-20, pour en faire une lecture qui fasse ressortir quelques points sur le symptôme, il est évident qu’on ne pourra pas faire une lecture exhaustive du texte.Je commencerai par les pages 12 et 13:1- À propos de matérialisme, Lacan parle de motérialisme en se référant à lalangue qui représente le côté matériel du langage, et ce matérialisme se manifeste dans le fait que les mots sont équivoques, c’est à dire que le matérialisme se rapporte à, pourrait-on dire, ce qui reste en dehors du sens dans le mot, à savoir: les lettres. Il ajoute et dit: « Il est tout à fait certain que c’est dans la façon dont lalangue a été parlée et aussi entendue pour tel et tel dans sa particularité, que quelque chose ensuite ressortira en rêves, en toutes sortes de trébuchements, en toutes sortes de façons de dire ». La prise de l’inconscient réside donc dans ce matérialisme de lalangue qui émerge dans les formations de l’inconscient, et de ce fait c’est aussi lalangue, le matérialisme qui soutient le symptôme. Dans RSI [21-5-75], Lacan présente le symptôme comme une fonction mathématique, et le x de cette fonction est ce qui peut se traduire dans l’inconscient par une lettre parce que, c’est seulement dans la lettre que l’identité de soi à soi s’isole de toute qualité. Dans le noyau du symptôme se trouve la lettre, le motérialisme.2- Lacan rappelle deux conférences freudiennes pour souligner précisément l’apport de Freud en ce qui concerne l’idée que les symptômes ont un sens et que la seule manière de les interpréter de façon efficace – Lacan dit correctement – est de le faire en fonction de la rencontre du parlêtre avec sa réalité sexuelle. En d’autres mots, les interpréter à partir des premières expériences du parlêtre et de la singularité, pourrait-on dire, de sa rencontre avec la jouissance.Dans ces conférences, Freud fait ressortir la dite réalité sexuelle, ainsi que le terme d’autoérotisme qui pour Lacan représente non seulement une question centrale, mais aussi un point de désaccord avec lui. Lacan mentionne que c’est une chose « qui ne lui arrive pas tous les jours » et que c’est un point de désaccord au nom justement de l’œuvre de Freud même. Quel est ce point? Pour l’illustrer Lacan nous réfère au cas freudien du petit Hans et met en relief un aspect paradigmatique du symptôme en général.Le récit du cas fait ressortir la découverte de la réalité sexuelle de cet enfant, sur son propre corps en premier lieu, et Lacan nous dit que ce que le petit Hans appelle son « Wiwimacher » « s’est introduit dans son circuit », à savoir qu’il a eu ses premières érections, un premier jouir. Ce jouir premier, cette rencontre avec l’érection, avec une jouissance étrange avec laquelle le parlêtre ne sait pas quoi faire, exige une invention. Et quelle est cette invention? C’est celle de l’inconscient qui établit la dimension de ce que l’on ne veut pas savoir dans cette rencontre avec la réalité sexuelle. Cette dimension inconsciente fait en sorte d’éviter un excès de satisfaction mais en même temps elle tend à récupérer la perte de jouissance. Bref, le sujet est divisé. Par la suite Lacan oppose au terme freudien d’autoérotisme le terme « hétéro » pour accentuer l’aspect étrange de cette rencontre, du dit autoérotisme, étrange jusqu’au point d’être à la base du symptôme et souligner de cette manière son désaccord avec Freud. En outre Lacan explicite la façon dont cet enfant perçoit cette expérience étrange de jouissance, qui est incompréhensiblepour lui, par la voie d’un rejet, par la voie d’une externalisation, d’une incarnation dans des objets externes: « le cheval qui piaffe, qui rue, qui se renverse ». Le paragraphe conclut en disant que le symptôme, c’est l’expression, la signification de ce rejet. Quelle est par conséquent la signification de ce rejet? Elle est la condensation de la jouissance en l’objet perdu, une perte de jouissance. Le symptôme est donc un rejet d’une expérience du corps, d’un événement du corps qui devient hétéro, en dehors du corps. On peut ici relier l’hétéro de la jouissance à la définition lacanienne de la jouissance phallique, comme étant celle en dehors du corps. Jean-Louis Gault exprime cette idée d’hétéro d’une manière juste et élégante quand il dit que le symptôme est un mode sous lequel s’incarne l’extimité de la jouissance.3- Lacan mentionne la réalité sexuelle et sa relation avec l’inconscient, c’està dire le fait que le parlêtre sait sans savoir qu’il sait, et pour renforcer le lieu de cette découverte il se réfère à Freud et à lui même comme des « honnêtes imbéciles ». C’est l’inconscient qui fait de tout parlêtre un imbécile par rapport au réel, un débile mental parce que le symbolique ment par rapport au réel. J’imagine que le fait d’utiliser le terme honnête est une façon de dire que Freud et lui même ont révélé et dévoilé à ciel ouvert les différentes formes de ce ne pas vouloir savoir en les transformant en cause de recherche. Qu’est ce qu’il souligne en parlant d’imbécilité? A mon avis ce terme lui permet de nommer l’effet de l’impact du langage sur le corps. Le sujet est imprégné par le langage tout comme la terre est imprégnée par la pluie. C’est une idée qui est développée plus en détail dans « Lituraterre ».Je cite, page 14 [conférence à Genève]: « L’eau du langage laisse quelque chose au passage, quelques détritus » c’est à dire quelques restes dans des lieus déterminés, délimités, je continue la citation: « avec lesquels il va jouer….détritus… auxquels, sur le tard, parce qu’il est prématuré, s’ajouteront les problèmes de ce qui va l’effrayer. Grâce à quoi il va faire la coalescence de cette réalité sexuelle et du langage ». Les résidus ou les lettres avec lesquels le parlêtre joue, comme par exemple le jeu de Fort-Da ou l’usage de n’importe quel son de lalangue, exercent une fonction semblable à celle du ronronnement du chat [La Troisième] et en tant que telle ils prennent possession du corps entier, cesont lesmotériels qui fusionnent avec la jouissance hétéro et qui effrayent le parlêtre.En se basant sur le parcours effectué dans le texte on peut conclure que le symptôme phobique est un exemple paradigmatique du caractère hétéro du symptôme, d’une jouissance intime rejetée hors du corps et incarnée dans des objets extérieurs éleves au rang de partenaires-symptômes. Un exemple qui l’illustre clairement est l’affirmation de Lacan sur le fait qu’une femme est le symptôme d’un homme.À présent nous allons passer à la page 19-20 et analyser ce qui est exposé autour du phénomène psychosomatique. Ceci constituera notre deuxième référence. À la page 19, on trouve la réponse suivante à propos d’une question adressée à Lacan sur la position des patients psychosomatiques par rapport au signifiant: « …c’est tout de même de l’ordre de l’écrit…tout se passe comme si quelque chose était écrit dans le corps, quelque chose qui est donné comme une énigme ». Lacan situe clairement le phénomène psychosomatique dans le domaine de l’écrit et dans le cadre d’une relation particulière avec le corps, bien différente d’une conversion hystérique: « le corps considéré comme cartouche, comme livrant le nom propre ». Qu’est-ce qu’un cartouche? D’après le dictionnaire de l’Académie française un cartouche est un symbole hiéroglyphique, de forme allongée et fermé par un nœud, qui contient le nom d’un Pharaon. Il symbolise tout ce que le soleil entoure, c’est-à-dire l’univers, et a pour fonction de protéger le nom du Pharaon. En d’autres mots, il s’agit d’un symbole, d’un écrit qui codifie un nom propre royal [une sorte d’ornement représentant une Carte déroulée et qui sert a encadrer une inscription, une devise. En termes d’Antiquité, il se dit d’une sorte d’anneau elliptique qui dans les inscriptions hiéroglyphiques, entoure les noms propres, les titres honorifiques]. En général, on a tendance à considérer le nom propre comme quelque chose qui ne se traduit dans aucune langue, quelque chose qui n’a pas forcement d’équivalent. Face à un nom propre on ne se demande pas ce qu’il veut dire, ou quelle est sa signification mais par contre on peut se poser la question en ce qui concerne la référence de ce nom, en ce qui concerne l’être, c’est-à-dire ce qu’il dit, ce qu’il fait, etc. Lacan dit dans le séminaire IX, inédit, qu’en effet le nom propre ne se traduit pas, qu’il se transfère, et que dans l’énonciation le sujet, c’est-à-dire le sujet de l’inconscient, élide quelque chose qui est ce qu’il ne peut pas savoir, le nom de ce qu’il est en tant que sujet de l’énonciation [IX, 10-1-62]. De ce point de vue le nom propre énonce quelque chose qui ne se traduit pas et qui en même temps fait ressortir le manque de quelque chose au niveau de l’énonciation, ce qu’il est en tant que sujet del’énonciation. En d’autres mots, ce qui manque et que le sujet ne peut pas savoir c’est le nom de ce qu’il est au niveau de la jouissance, c’est-à-dire le « se jouit » acéphale impliqué.Dans le même séminaire, dans le cours du 20-12, Lacan souligne la relation existant entre le nom propre et l’écriture, précisément au moment où il parle de l’identification, du deuxième type d’identification selon Freud, c’est-à-dire l’identification avec le trait unaire ou la marque: Einziger Zug, un trait dans le champ de l’Autre à partir duquel le sujet divisé nait. Ainsi, il relie la question du nom propre au surgissement du sujet de l’inconscient et à la lettre.On remarque qu’à partir du moment où la représentation du phénomène psychosomatique est symbolisée par un cartoucheavec tout ce que cela implique, nous sommes confrontés à deux effets. Nous avons d’un côté un signifiant intraduisible, comme le nom propre qui revient sur lui-même sans se rattacher aux autres et qui de ce fait perd son caractère de signifiant pour devenir un signe. D’un autre côté, nous avons ce S1 qui se retrouve tout seul, en dehors du circuit symbolique, rejeté par lui, qui devient immanent au corps, qui se fait corps.En effet, au sujet de la différence entre le mot écrit et le mot parlé le texte ajoute que: « […] ce soit par l’écrit que la parole fasse sa trouée, par l’écrit et uniquement par l’écrit de ce qu’on appelle les chiffres… Il y a quelque chose qui est de l’ordre …de l’immanence ». L’écrit introduit alors, l’ordre de l’immanence. De quoi s’agit-il? La phrase suivante du texte l’éclaircit: « Le corps dans le signifiant fait trait, et trait qui est un Un. J’ai traduit le einziger Zug que Freud énonce dans son écrit sur l’identification, par trait unaire. C’est autour du trait unaire que pivote toute la question de l’écrit. » On pourrait dire que les exigences du corps pulsionnel, son excitation, se poursuit, reste dans ce qui fait trait dans le signifiant, l’Un, l’Un qui s’itère sans cesse dans la chaine des signifiants parlés. Dans le dernier enseignement de Lacan l’accent, comme vous le savez bien, était placé sur la jouissance, afin de souligner ce qui dans l’inconscient constitue la façon singulière dont chacun de nous jouit. Ceci l’a amené à mettre en relief la place de l’écrit dans l’inconscient incarné dans la lettre, le signifiant-lettre qui incarne sa dimension ininterprétable. Il s’agit du S1 homologue à l’objet petit a, à savoir un reste opaque de jouissance à la fin de l’analyse. Ce reste déconnecté de l’inconscient et qui n’invite plus à l’interprétation, pourrait être défini comme un reste immanent au corps pulsionnel. S’agit-ild’immanence par rapport au phénomène psychosomatique? Quelle est la différence avec un symptôme, en particulier avec une conversion hystérique? Lacan évoque ici la métaphore du gelé pour se référer à la jouissance ‘spécifique’ en jeu dans le phénomène psychosomatique et met ainsi en relief la place de la fixation. « Ce ne pas pour rien non plus que Freud emploie le terme de Fixierung- c’est parce que le corps se laisse aller à écrire quelque chose de l’ordre du nombre ». Qu’y a-t-il de spécifique dans cette fixation qui est en rapport avec le nombre? D’abord il s’agit d’une fixation gelée, holophrasée au niveau de la structure signifiante. En fait, il n’y a pas d’articulation signifiante par opposition à une conversion où il y a une substitution signifiante au niveau du corps. En outre, le corps se laisse aller à écrire cette holophrase déconnectée de l’Autre du signifiant. Il se produit alors un rejet du symbolique et le corps, dirais-je, se laisse faire Un avec le trait unaire. L’Un se un-réifie ou peut être devrait-on dire se corpo-un-réifie [se fait chose dans le corps] et produit une lésion dans le corps. A. Merlet et A. Zenoni se réfèrent au rejet de ce trait de la jouissance, au rejet de l’Un, comme d’une espèce de forclusion qui trouve dans la corpo-réification une sorte de localisation de la jouissance en tant qu’alternative à sa non-localisation et au retour de l’Un dans la perception, dans le langage ou dans le passage à l’acte, en particulier dans la psychose.Et qu’en est-il du nombre? Cette idée de l’écrit en tant que nombre établit une différence entre la fixation sur le trait de la lettre et la fixation gelée , pétrifiée dirais-je. Ce qui établit la différence entre les deux types de fixation de la jouissance, c’est la différence existante entre la lettre et le nombre. Le nombre souligne plutôt une fréquence d’unités qu’une répétition, vu qu’une répétition implique déjà un ordre. Une fréquence c’est tout simplement: Un, Un, Un. En général on considère le phénomène psychosomatique comme un rejet, une forclusion, d’une jouissance, d’une jouissance externalisée à l’Autre car sur ce point il n’y a pas de sujet divisé. Cela nous conduit à envisager l’hypothèse qu’il ne s’agirait pas d’un trait en dehors du sens mais d’un trait en dehors du langage, rejeté du langage et par conséquent situé dans le domaine de la jouissance de l’Autre. La lettre est un reste de la symbolisation, « un effet du discours » [Séminaire XX], la seule chose qui puisse isoler l’identité de soi en soi de toute qualité [RSI-21-1-75], dit Lacan. C’est un signe en dehors du sens qui en tant qu’effet du discours est tourné d’un côté vers le symbolique. Par contre le nombre, en tant qu’Un, accentue le fait que l’unité se referme sur elle même, sans ordre, sans aucune loi qui établisse un ordre. Cela amène Lacan à affirmer que l’Un n’est pas un nombre, même si la série de nombres est faite de uns [RSI, 14-1-75]. Enfin, la lettre est le résidu d’un ordre tandis que le nombre implique le rejet de tout ordre. Comme vous le savez, dans la langue hébraïque chaque lettre a une valeur numérique. Par exemple, dans le calendrier hébreu on écrit l’année en toutes lettres, puisque, comme nous venons de le dire, chaque lettre a sa valeur numérique équivalente. Ce que je voudrais souligner ici c’est le fait que, même si le phénomène psychosomatique n’est pas défini comme symptôme parce qu’il ne s’agit pas d’un retour de ce qui était refoulé, il est, parmi les phénomènes symptomatiques, celui qui fait le plus émerger la présence opaque du réel et de ce point de vue, il est paradigmatique.*Claudia Iddan, membre de la NLS, GIEP-NLS, responsable à Tel Aviv de la préparation scientifique du Xe Congrès NLS.(1) Exposé au séminaire de préparation au Xe Congrès de la NLS, Lire un symptôme, organisé par l’ASREEP-NLS à Genève, 18 février 2012. Ce séminaire est animé cette année alternativement par Luc Vander Vennet et Claudia Iddan.(2) J.Lacan, « Conférence à Genève sur le symptôme », in Le bloc-notes de la psychanalyse n° 5, 1985.
Nouvelle École Lacanienne de Psychanalyse — New Lacanian School of Psychoanalysis
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Association Mondiale de Psychanalyse – World Association of Psychoanalysis
www.wapol.org http://www.wapol.org