Entretien avec Jean-Daniel Matet, président de l’ECF – Journées 41 – Praxis lacanienne de la psychanalyse
Alors, à quinze jours des Journées, on ne vous entend pas beaucoup ! Le point du Jour nous avait habitué à une plus grande présence sur les listes. Qu’en est-il de l’événement attendu : les Journées Lacan ?
Vous aurez remarqué que la rentrée lacanienne a été active et nous (le directoire) avons voulu donner toutes nos forces à la rendre plus active encore. Rarement un mois de septembre n ‘aura été aussi riche en événements. Dès le 6 septembre l’ECF, la soirée à l’hôtel Pullman de Montparnasse, a permis a plus de 400 personnes de se retrouver pour accompagner cette rentrée que Jacques-Alain Miller avait engagée avec les Lacan Quotidien et la sortie de Vie de Lacan, accompagnant la sortie du Séminaire …ou pire et du volume Je parle aux murs. Cela devenait la priorité.
L’activité éditoriale de cette rentrée est particulièrement fournie ?
Effectivement, nous allons voir à la librairie des Journées une floraison d’ouvrages qui accompagne cette rentrée, trente ans après la mort de Lacan, démontrant la vie de son œuvre et de ce que son enseignement inspire. Des numéros spéciaux des revues (Le diable probablement déjà sorti, La Cause freudienne, Quarto), des ouvrages nombreux de collègues (Nœuds de l’amour et L’intranquillité du psychanalyste qui reprennent des temps forts de l’année d’enseignement à l’ECF) et beaucoup d’autres que nous allons découvrir.
Le terrain est fertile et le contexte politique est plutôt agité ?
Vous voulez parler de la bagarre engagée par Jacques-Alain Miller pour s’opposer aux manœuvres qui visent à effacer son nom, associé, par la volonté de Lacan, à l’écriture des Séminaires. ? C’est un moment important de la vie de l’École et ce qui se passe évoque pour moi ce qui s’est passé au début de l’ECF, une bagarre quotidienne pour exister contre tous ceux qui contestaient la légitimité de JAM et de ceux qui le suivaient. Les manœuvres de quelques-uns, aujourd’hui marginalisés dans leur existence institutionnelle, apparaissent comme une tentative de revanche qui échouera. Mais nous devons rester vigilants et ne pas considérer que le monde que constitue aujourd’hui l’AMP et ses Écoles soit une forteresse. La psychanalyse lacanienne est très vivante, mais pour le rester, ses acteurs, analysants et analystes doivent rester offensifs et aucune tradition ne la protègera.
L’ECF s’est-elle transformée en mouvement politique en participant à la demande de libération de Rafah Nached ?
Comment pourrait-on parler de reconquête du Champ freudien si nous n’avions pas la conviction, et une certaine expérience passée avec les pays de l’Est européen et certains pays d’Amérique centrale ou du sud, que la psychanalyse est totalement solidaire de la pratique démocratique. Qu’elle soit menacée ou abolie, c’est la psychanalyse elle-même qui est en péril et nous ne pouvons pas négliger que dans notre histoire récente, des collègues ont payé de leur liberté cet attachement à la psychanalyse. C’est le cas aujourd’hui en Syrie de Rafah Nached, arrêtée arbitrairement quand elle prenait l’avion pour visiter sa fille qui accouchait à Paris. Notre soutien va à une personne qui a su dire que son combat pour la psychanalyse s’est confondu avec celui pour la liberté de son peuple. Quand JAM nous a sollicité pour engager ce mouvement pour la libération de Rafah (Du raffut pour Rafah), nous n’avons pas hésité et avons engagé à signer les pétitions qui se présentaient sans exclusive ainsi qu’à rejoindre, en tant qu’association, le comité de libération à l’initiative du site Œdipe. Le temps est à l’union pour obtenir la libération de cette collègue.
L’Assemblée générale de l’ECF qui se réunit vendredi 7 octobre en débattra ?
Je l’espère. Au-delà des bilans de notre action dont les membres jugeront, nous espérons les débats les plus animés sur cette actualité. Cette AG verra le renouvellement des instances de l’ECF, de son Conseil et de ses cartels de la passe. Trois du Conseil se présentent pour un second mandat et souhaitent poursuivre l’action engagée pour la psychanalyse dans l’ECF.
Revenons aux Journées
Ce qui va s’y passer n’est pas disjoint de l’actualité. C’est ainsi que j’entends la psychanalyse en acte. Celui qui est au cœur de la pratique comme celui qui fait exister dans la société le discours psychanalytique comme alternative de civilisation.
Depuis plusieurs mois, pour témoigner du caractère vivant de l’enseignement de Lacan dans nos pratiques, nous avons distribué 91 phrases issues des Séminaires ou des Ecrits afin qu’elles inspirent le point de praxis lacanienne que chaque analyste a choisi d’évoquer pour en noter la spécificité. Ce fut le travail de l’été confié aux mentors que de relire chaque texte, suggérer des améliorations, des rectifications pour aboutir à une série d’interventions qui côtoieront les interventions qui ont été retenues après proposition d’un argument. Faire lire par un autre son travail avant de le présenter, c’est faire exister une communauté de travail et améliorer la présentation publique de nos travaux sans banaliser l’énonciation de chacun qui ne se transmet qu’à ses risques. Dans les régions, les Journées ont été l’objet d’une attention soutenue des ACF qui exposeront dans une série d’affiches leurs activités marquantes de l’année.
Nous attendons de ce samedi 8 octobre, dans dix salles multiples un effet « feu d’artifice ».
Que devient le travail des Analystes de l’École, toujours très attendu?
La forme actuelle des Journées ne permet pas que tous les AE en fonction s’expriment le dimanche et nous avons réservé la séquence de deux heures des AE aux premiers témoignages des AE de l’École-Une, ce qui nous permettra d’entendre, une AE italienne, deux espagnoles, une brésilienne et une française.
Bien que l’intervention en grande salle donne un retentissement immédiatement plus large, il nous est apparu que les communications en salles multiples n’étaient pas un second choix et que les meilleurs y avaient leur place. Pour cela nous avons sollicité les AE en exercice et les anciens AE afin qu’ils interviennent sur le thème des Journées, à partir d’une phrase de Lacan, et qu’ils nous en donnent ainsi l’interprétation la plus précise. Ils interviendront en début de matinée ou d’après-midi, dans chaque salle.
Après un tel programme pour le samedi, qu’attendre du dimanche ?
Après l’ouverture, quatre analystes femmes, à partir de leur lecture d’une phrase de Lacan qui leur a été confiée, parleront du désordre amoureux et de son traitement par la praxis lacanienne.
Les AE auront deux heures pour nous donner leur premier témoignage. La matinée sera donc intense et pleine.
L’après-midi, devant l’abondance de l’actualité, nous donnera à entendre comment le discours psychanalytique n’est pas un discours de référence à une théorie figée mais que sa praxis, en prise sur les symptômes du temps, est bien vivante dans et en dehors du cabinet de l’analyste.
Jacques-Alain Miller a bien voulu prendre une part importante dans l’animation de cet après-midi et au-delà de l’intervention attendue qu’il nous proposera, il a souhaité que notre combat pour la libération de Rafah Nached trouve les soutiens qu’il nécessite dans la société. Pour la première fois, un affichage en partenariat avec l’EuroFédération de psychanalyse sera visible sur la façade du palais des congrès, annonçant les Journées, leur thème et ce que l’actualité commande pour la libération de Rafah.
Des surprises sont à venir dans les jours qui viennent. Cet événement ne sera exceptionnel qu’à la mesure de votre participation massive. Alors il est encore temps de vous inscrire en trois clics : http://www.causefreudienne.net