De Tel Aviv à Athènes
par Anna Pigkou et Hélène Molari
Reading a symptom ; non pas seulement écouter, être supposé savoir, mais déchiffrer et lire un symptôme jusqu’à la lettre, tel était l’enjeu pour la NLS durant le trajet parcouru de Londres à Tel Aviv.
La tâche était vraiment ardue pour les cliniciens de la plus jeune des Écoles du Champ Freudien. Mais petit à petit, à l’aide de l’argument de Jacques-Alain Miller, de la bibliographie soigneusement choisie par Anne Lysy, des séminaires «Nouages», des intercartels, de la rubrique «Réflexions» à l’initiative de Claudia Iddan, le plaisir de cette lecture inventive a vaincu les réticences du début. Nous avons ainsi pu travailler intensivement et, comme les grands démiurges de la langue cachée, des sons ébranlés, des images décomposées de l’art contemporain, avancer dans notre pratique jusqu’au cœur du symptôme, là où, selon le docteur Lacan, résonne l’âme du sujet.
Nous avons eu l’occasion d’entendre les premiers résultats de cette entreprise de lecture de longue haleine au cours du IXe Congrès de la NLS à Tel Aviv. Dans le cadre particulièrement confortable et lumineuxqu’offraient les salles de conférences du Centre culturel ZOA où les membres de la communauté locale nous ont accueillis, nous avons constaté avec une vive émotion, en écoutant les allocutions, l’effort accompli parnos collègues pour toucher du doigt l’opacité de la souffrance de leurs patients, pour l’éclairer, la dénouer et la renouer parfois à des articulations heuristiques à même de la rendre plus supportable.
Cela a notamment été le cas de nos trois AE, Sonia Chiriaco, Paola Bolgiani et Leonardo Gorostiza, qui, répondant au désir d’Anne Lysy, sont venus partager avec nous leur savoir-y-faire avec ce dont on ne veut rien savoir.
Mais pour la NLS le travail de lecture ne s’arrête pas en Israël. Il se poursuivra sous la forme d’une enquête, comme nous l’a proposé Éric Laurent lors du discours de clôture, « sur la façon dont nous lisons aujourd’hui, dans la pratique qui est la nôtre, ce que le mot psychose veut dire pour la psychanalyse ». Dans ce parcours, nous sommes passés, au-delà de la systématicité de la clinique psychiatrique classique et de la clinique psychiatrique contemporaine soumise à la médecine, à ces inclassables de la clinique ― selon le titre donné par Jacques-Alain Miller à l’un des congrès PIPOL ― qui, par le biais du symptôme, peuvent mettre en valeur la singularité d’un sujet.
Car, comme l’a fait remarquer Éric Laurent, ce qui nous intéresse aujourd’hui, dans notre pratique de la psychanalyse, ce sont « les formes de discours par lesquelles le sujet s’insère, jamais tout à fait, dans la civilisation, en s’appuyant sur son symptôme ». Mettant en valeur la parole en acte, les actes de langage du sujet psychotique qui aboutissent à la formation d’un nouveau langage capable d’assumer l’entreprise de nomination de la jouissance (Meaning is use, le sens est usage, mais usage de nomination de la jouissance), ce modèle porte le nom de « Joyce le sinthome ». L’effort psychotique, que Lacan généralise à l’ensemble du champ clinique, désigne le langage comme le lieu d’une équivoque généralisée et la clinique comme le lieu de la singularité subjective définie par le symptôme de chacun.
Ainsi se trouve posée la question de la psychose ordinaire, laquelle, « en contraste avec le tragique banal de l’Œdipe », part « des formes ordinaires de la métaphore délirante, de l’effort de signification singulier, de l’effort de réduction du sens à l’écriture ».
Du sujet psychotique, nous avons ainsi à apprendre « comment le sujet névrosé fait de son symptôme une langue ».
Enquête, donc, sur la psychose au XXIe siècle, qui trouvera sa scansion lors du Congrès d’Athènes et marquera le dixième anniversaire de la NLS, que nous célèbrerons en bonne et due forme, selon les vœux de notre président, Dominique Holvoet.
Anna Pigkou, Hélène Molari