Comme
le famillionnaire de H. Heine, l’expression Mariage pour tous est un
Witz contenant une mise en cause de l’efficacité absolue de la famille à
satisfaire les jouissances. Au moment de la mobilisation de l’ECF pour
soutenir le vote de cette loi, Jacques-Alain Miller a témoigné au Sénat
que l’idée du mariage homosexuel le faisait dans un premier temps plutôt
rire. C’est quand on a découvert que certains psychanalystes se
positionnaient au nom du Père pour brandir les fantômes de la
catastrophe qui nous attendait si cette loi passait, qu’il nous a
réveillés afin de défendre la légitimité d’un au-delà de l’Œdipe. En
effet, pour pouvoir s’occuper du réel qui s’impose à nous aujourd’hui,
mieux vaut en prendre acte sans croire au retour possible d’un père
Noël.
L’expression mariage pour tous ramasse en trois mots un certain
aboutissement d’un vieux conflit de civilisation entre la sexualité et
la morale. Élevée par la chrétienté au niveau d’un pacte sacré avec Dieu
conduisant à la procréation, la tentative de concilier la jouissance
sexuelle avec une forme de légitimité symbolique existait déjà dans les
civilisations païennes. C’était justement pour conquérir la sympathie
des populations que les Pères de l’Église s’accordaient avec les mœurs
du mariage, là où leur tendance première était d’interdire toute forme
de commerce sexuel dont le but serait le plaisir. Or, comme Freud le
souligne, là où le mariage devait ouvrir la voie à une sexualité
acceptable, il est devenu une forme d’oppression corrélée à une débilité
mentale. En effet, la répression de la sexualité requiert une certaine
inhibition de la pensée.
Ce conflit est aujourd’hui polarisé et mis en scène. Une ouverture aux
modes de jouissance les plus singuliers et inventifs va main dans la
main avec un nouveau puritanisme fondamentaliste qu’on ne peut plus
attribuer uniquement aux monothéismes de nos pères. Ce puritanisme
s’accroît tous les jours même dans les milieux les plus progressistes où
l’on condamne toute forme de manifestation de l’Éros.
Intervention au XIe congrès de l’AMP à Barcelone « les psychoses ordinaires et les autres, sous transfert », avril 2018.