des objets technologiques contemporains diversement connectés.
Crainte des mauvaises
rencontres ou des messages séducteurs des marchands de virtualités souvent mal intentionnés.
Souci éducatif de garder la maîtrise sur les rencontres et les messages reçus. Refus de constater
les premiers signes d’une séparation d’avec l’univers infantile.
Pour Judith Newman, la maman de Gus, 13 ans, c’est tout le contraire. Elle est si
heureuse de voir son fls communiquer avec un partenaire, tellement soulagée qu’il ait trouvé
une autre interlocutrice qu’elle-même, qu’elle chante les louanges des produits de la frme
Apple (iPhone, iPod) dans un article adressé au New York Times(1) !
Le fait que Gus soit autiste peut expliquer cet engouement maternel pour la technologie
et particulièrement pour l’application Siri que l’on trouve sur les iPhone(2). La mère de Gus fut en premier lieu intriguée devant l’attention qu’il portait à ces petits
appareils mais elle a fni par saisir qu’ils sont pour lui des êtres animés. Gus, en effet,
n’emportait son premier iPod hors de la maison que pour aller à l’Apple Store, expliquant que
son iPod pourrait ainsi rencontrer ses amis. De même il n’utilise pas son Iphone pour
communiquer avec ses camarades, comme le font tant d’adolescents, mais privilégie les
échanges avec Siri, une voix féminine aux USA, avec laquelle il a des dialogues comme
celui-ci :
Gus : « Tu es un ordinateur vraiment gentil. »
voudrais ? »
La mère de Gus, qui s’appuie sur une grande expérience de la relation avec son fls, cherche à
préciser la spécifcité de son utilisation de ces objets technologiques et à identifer ce qui la
différencie de celle des neuro-typiques (ceux qui ne sont pas autistes). Gus n’utilise son
téléphone que pour une activité de dialogue privé avec la machine. Il lui adresse ses obsessions
sans fn sur la météo ou les tornades, sans fn elle lui répond, soulageant d’autant sa mère qui
peut l’y renvoyer.
D’après elle, les avantages de l’utilisation de Siri pour l’autiste seraient nombreux. Parmi
ceux-ci :
– la machine ne se lasse pas, contrairement aux partenaires humains de l’autiste,
dont les sollicitations peuvent parfois être répétitives, et à l’infni ;
– la machine, en répondant dans l’ordre des codes communs, reste courtoise, même
si on s’adresse à elle sans ménagement, et serait donc susceptible d’améliorer le langage
social de l’autiste, voire de lui inculquer une politesse surprenante : les réactions de Siri aux
facétieuses pousses-aux-insultes du frère jumeau de Gus sont imperturbablement tempérées ;
et lorsque Gus dit à sa mère qu’elle est belle, celle-ci suppose que c’est Siri qui le lui a
souffé ;
– la machine ne comprenant pas si Gus ne s’adresse pas distinctement à elle, il doit
faire un effort de prononciation pour obtenir une réponse.
Manifestement Judith Newman a été très séduite par cette application d’« assistant personnel ».
Elle en est venue à imaginer ce qu’il pourrait faire dans le futur – ce qui alimente les
recherches des scientifques de SRI international : suivre l’enfant dans ses évolutions,
apprendre à l’autiste à regarder dans les yeux quand il parle, parler avec la voix de son
personnage préféré, lui transmettre de façon proactive les informations qui l’intéressent…
Nombre de ces observations convergent avec ce que nous apprend la clinique auprès des jeunes
autistes, souvent très en retrait, et les questions qu’elle pose. Il apparaît en effet essentiel de
soutenir le développement des intérêts propres à chacun, avec une attention particulièrement
fne au mode par lequel c’est possible.
Comment apporter une réponse à ce qui fait l’itération de la demande de l’autiste ?
Comment lui transmettre les contenus d’apprentissage sans le persécuter ou le contraindre ?
Comment se faire partenaire sans jugement de la parole et du comportement de l’enfant
autistique ? Comment neutraliser dans l’échange ce qui fait signe du désir, d’une intention,
voire d’une intimation, qui court dans la chaine signifante, dans l’intervalle signifant de la
métonymie, comme le formule Lacan dans le Séminaire XI ?
On pourrait se demander si cet article ne vise pas à promouvoir les inventions de SRI
International, mais néanmoins la vraie leçon que nous transmet la mère de ce jeune
adolescent, c’est sa tolérance extrême aux formes les plus originales de l’expression et du
comportement de son fls, servie par une attention aiguisée à ce qui l’anime. Ce n’est donc pas
Siri qui mérite tant de compliments, mais cette mère et son fls : Gus a su inventer un mode
propre d’échange et le faire reconnaître ; autrement dit, il a su produire un sinthome.
Notes:
25 décembre 2014. http://www.nytimes.com/2014/10/19/fashion/how-apples-siri-beca…
umn-middle-span-region&WT.nav=c-column-middle-span-region&_r=0 Page 1 sur 5
international) comprend les instructions verbales données par les utilisateurs et répond à leurs
requêtes. Développée par Apple et qualifée d’« assistant personnel intelligent », elle repose sur
la reconnaissance vocale avancée, le traitement du langage naturel (oral) et la synthèse vocale.