drapeau noir de l’Isis hissé sur l’obélisque de la Basilique Saint-Pierre donne un certain frisson
– même si c’est un photomontage. Les réponses moqueuses des romains, reprises par le
Washington Post (1), sont peut-être à la hauteur des hooligans hollandais, dignes descendants des
Landsknechte de Charles Quint, mais est-on conscient de ce qui est en train de se passer ?
L’Islam fait peur (2). Non seulement aux non musulmans, mais aussi à ceux qui
appartiennent à l’Oumma islamique (3).
l’origine de la religion musulmane. La clef est écrite dans la Sourate LXI, 6 du Coran, où
Mahomet est l’Envoyé de Dieu, identifé au Messie juif et au Paraclet chrétien : il est le
Prophète de la fn du monde et du Jugement dernier. On comprend la déception de Mahomet
quand il se rend à l’évidence que ni les juifs ni les chrétiens ne s’empressent de le reconnaître.
Mais dès que lui arrive par révélation le « Certain », il entreprend aussitôt de combattre les
réfractaires à ses doctrines et de ramener par la force ceux qu’il n’avait pu conquérir par la
persuasion.
montrèrent les plus hostiles à le reconnaître, en raison de sa connaissance précaire du Livre.
Voici le trait que nous retrouvons dans le rapport de Mahomet et de ses fdèles concernant les
deux autres grandes religions monothéistes : cette religion considère dépassées les religions
juive et chrétienne parce qu’elles ne sont que des formes corrompues de la vraie, celle
d’Abraham, qui prend forme uniquement dans le Coran.
juifs et les chrétiens, dès leur refus de suivre Mahomet, Islam deviendra le nom de la nouvelle
religion, qui sera, pour l’humanité entière, défnitive et eschatologique – en nouant étroitement
la mort et le Paradis.
Depuis lors, parmi les obligations rituelles, il faut mentionner le djihâd, la guerre sainte.
Elle ne sera plus portée contre les agresseurs, mais contre les infdèles : païens, juifs, chrétiens,
athées. Actuellement l’objectif est d’arriver à un État, un grand Khalifat – dont le nom renvoie
à l’immédiate descendance du Prophète et aux sanglants affrontements entre sunnites et
chiites, encore aujourd’hui à l’ordre du jour.
Contre cet esprit guerrier, l’Occident a plusieurs fois dû faire face. Qu’on se souvienne
de la bataille navale de Lépante en 1571, voulue obstinément par le Pape Pie V, ou de la
défense de Vienne en 1683. Mais, pour ce qui concerne Rome, déjà en 846, la Basilique Saint-
Pierre avait été pillée par les troupes sarrasines.
Deux visions de la religion
Mais pourquoi les djihadistes veulent-ils Rome ? « Rome, dans la langue du prophète
Quels sont les rapports entre Rome et l’Islam ? Il faut considérer deux aspects : primo, les
rapports entre la religion et la politique ; secundo, la visée universelle des deux religions. En ce qui concerne le premier point, ce qui a donné sa puissance à l’Islam est, depuis le |
soi que tout vivant est soumis à Dieu – ce que l’on peut, à la limite, concevoir. Mais cela
comporte la reconnaissance de son Prophète et l’obéissance aux règles théocratiques. Il est
probable que l’universalisme islamique provienne de l’universalisme paulinien. Mais alors que
le salut islamique est bien fxe, celui du Christ est interprété par l’Église, ce qui donne des
variations. Il sufft de comparer ce que le Concile de Florence proclame en 1442, Extra Ecclesia
nulla salus, avec le salut éternel pour tous les hommes de bonne volonté, formulé par le dernier
Concile, Vatican II. Les musulmans sont compris dans ce dessein du salut, soit du fait de leur
reconnaissance du Créateur, soit pour avoir la foi d’Abraham qui leur permet d’adorer –
comme font les juifs et les chrétiens – le Dieu unique et miséricordieux du Jugement dernier (4).
inexorable mouvement de la doctrine catholique, et cela, malgré les dogmes. L’universalisme
islamique se base sur la conquête territoriale et corporelle, l’universalisme chrétien va vers
l’assentiment personnel et singulier des esprits.
monothéistes. On verra que cette conception donnera une vision différente de la religion et de
l’intériorité. Par exemple, dans l’Islam, il n’y a pas à proprement parler de sacerdoce, et donc il
n’y a pas de médiateur entre Dieu et le fdèle. Mais il semble que ce soit l’intériorité qui fasse
défaut à la religion musulmane, bien que le soufsme en témoigne, plus particulièrement les
mystiques et les poètes arabes.
rapport à Dieu aient été interprétés par ses coreligionnaires comme athéisme et qu’il fût donc
exécuté en 922 : « Pour celui qui aime, il sufft d’isoler le Un » (5).
Notes:
1: http://www.washingtonpost.com/blogs/worldviews/wp/2015/02/20/the-islamic-state-threatens-to-come-to-rome-
italians-respond-with-travel-advice/ 2 : Parmi les nombreux ouvrages en italien cf. M. Molinari, Il Califfato del terrore. Perché lo Stato islamico minaccia l’occidente, Milano, Rizzoli, 2015. 3 : Cf. Tahar Ben Jelloun, E’ questo l’Islam che fa paura, Milano, Bompiani, 2015. 4 : Cf. Constitution dogmatique du Vatican II Lumen gentium, art. 16 (Rome, 1965). 5 : Cité par H. Küng, Islam. Passato, presente e futuro, Rizzoli, Milano, 2005, p. 400. |