Annie Dray-Stauffer éclaire la pratique clinique du CPCT en reprenant la lecture que fait Jacques-Alain Miller de l’énoncé de Jacques Lacan : « Le désir est le désir de l’Autre », dans son Cours « Du symptôme au fantasme et retour ». Il y interroge l’interprétation à donner à cette formule. Il récuse « l’idée que le désir cause le désir » pour en venir à « essayer la formule : le désir ne cause le désir, que via l’objet ».
Il commence par distinguer la place de l’objet dans différentes structures cliniques. Dans l’hystérie, c’est l’objet manquant qui cause le désir, un désir insatisfait de structure. Dans le scénario du pervers, au contraire, l’objet, les objets même, sont particulièrement présents. Dans la structure obsessionnelle, « l’objet dont il s’agit […], c’est le moi […]. C’est en affirmant la permanence de son ego […] que corrélativement il témoigne de l’évanouissement de son désir devant l’objet – enfin, quand il l’a. » Chez le psychotique, le fantasme ne parvient pas à limiter la jouissance, « limites qui protègent de ce que Lacan a appelé par ailleurs la Chose, ce sont des limites qui protègent du voisinage de la Chose, la Chose en tant que distincte de l’objet ». Il voit en das Ding « la première assise de l’orientation subjective, [un] rapport pathétique à un Autre absolu, [dont] il s’agit de faire quelque chose dans l’expérience analytique […] un réel par rapport à quoi il s’agit de s’arranger avec la gravitation signifiante ».
Et comment faire ? Il s’agit d’articuler das Ding à l’objet a, ainsi que J.-A. Miller le souligne : « Lacan va inventer l’objet a… pour rendre das Ding, [la Chose] opératoire […] et la rendre opératoire spécialement dans le discours analytique. Avec l’objet a, on prend la Chose de la façon dont on peut la manier dans l’expérience analytique ».
« Le premier effet du désir, ce n’est pas le désir, c’est l’angoisse… chez le névrosé », ce qui « introduit la problématique de ce qui vient répondre, tamponner cette angoisse ». C’est l’objet a qui vient se loger à cette place, qui tamponne l’angoisse. (Miller J.-A. « Du symptôme au fantasme et retour », leçons des 3 et 17 novembre 1982).
Ne peut-on pas rapprocher de cette analyse ce qu’en déduira Jacques-Alain Miller plus avant dans son Cours, ainsi que le relève Pénélope Faÿ pour la Newsletter : « Le non-rapport sexuel veut dire que le partenaire essentiel du sujet est l’objet petit a. C’est quelque chose de sa jouissance à lui, son plus-de-jouir. » (Miller J.-A., « La théorie du partenaire », Quarto n°77, juillet 2002, p 13).