PREMIÈRES JOURNÉES DE TRAVAIL DE LA SOCIÉTÉ BULGARE DE PSYCHANALYSE LACANIENNE
GROUPE ASSOCIÉ DE LA NEW LACANIAN SCHOOLPar Anguelina Daskalova
Les Premières journées de travail dont le thème était »Devenir mère/devenir femme. Questions de filles » ont eu lieu les 10 et 11 novembre 2012 à Sofia, Bulgarie.
C’était un moment très émouvant puisqu’il s’agissait du premier événement de la Société Bulgare de Psychanalyse Lacanienne, groupe associé de la NLS qui succède au Groupe du Champ Freudien en Bulgarie. Lors de ces Premières journées de travail, 107 professionnels y participèrent – de Sofia, Varna, Roussé, Gabrovo, Veliko Tarnovo, Triavna, Shoumen, Novi Pazar, Veliki Preslav, Sliven, Plovdiv, Stara Zagora, Vidin, Pleven et bien d’autres villes de toute la Bulgarie.
Ces Premières journées de travail montrent où nous en sommes aujourd’hui et quel chemin notre groupe psychanalytique a parcouru.
Notre rencontre avec la psychanalyse eut lieu il y a 14 ans dans le champ de la prise en charge des enfants qui grandissent sans parents. C’était le début. Néanmoins, dès la deuxième année de notre travail, nous nous sommes penchés sur le thème des »Enfants qui grandissent avec ou malgré leur parents ». Ceci nous a amené à la question de »Comment grandit la fille et comment grandit le garçon ? » Ont suivi : »L’accueil de l’enfant. Les lois de l’hospitalité », »Les marques de la différence », »L’enfant et ses symptômes », »Apprendre la langue de l’enfant ».
Chemin faisant, nous nous sommes confrontés aux questions qui mènent vers le thème de ces Premières journées de travail : » Devenir mère/ devenir femme. Questions de filles ». Un thème qui a été non seulement le résultat de notre travail pendant ces 14 ans, mais qui a aussi été provoqué par une question, posée à la fin du Deuxième Colloque Jacques Lacan en novembre 2011 : « Les pères aujourd’hui ».
Notre groupe est vivant, respirant et changeant. Cette dernière année qui a suivi le Colloque »Les pères aujourd’hui » en témoigne. Nous avons travaillé dans le laboratoire interdisciplinaire »L’enfant et ses symptômes » sur le thème : » L’angoisse des mères et les réponses des enfants » ; nous avons traduit des textes de Jacques-Alain Miller et d’autres articles, liés au thème Mère/Femme ; nous nous sommes rencontrés plusieurs fois à Sofia, Roussé, Gabrovo, Sliven, Shoumen, Veliki Preslav, Novi Pazar, pour discuter des cas cliniques et des textes, liés à la préparation de ces Premières journées de travail. Ainsi, avons-nous préparé le thème final pour ces premières journées de travail, l’argument, le programme et 14 exposés, dont celui de Anne Lysy, qui nous a accompagnés pendant toute cette année avec Yves Vanderveken et Bernard Seynhaeve. Cela a été une année d’un véritable travail de collaboration avec la NLS. Pour la préparation et la réalisation de ces journées, ont contribué non seulement les membres du Conseil d’administration, mais aussi la plupart des membres de la Société Bulgare de Psychanalyse Lacanienne, ainsi que des collègues externes avec qui nous travaillons et des bénévoles. Au cours du travail et la réalisation de ces journées, de nouveaux membres se sont joints, ce qui rend notre groupe encore plus vivant.
Quelles étaient les questions soulevées lors de ces Journées de travail et comment avons-nous tenté d’y répondre ?
» Pourquoi une femme veut-elle laisser son futur enfant à l’État au moment où son partenaire refuse d’être le père de cet enfant ? », » Pourquoi une jeune femme, qui a donné ses bons soins à ses frères et sœurs, n’arrive-t-elle pas à faire pareil pour son propre enfant ? », » Pourquoi certaines femmes changent-elles après l’accouchement et n’arrivent-elle pas à être tendres avec leurs bébés ? », « Pourquoi d’autres femmes se comportent-elles comme si, avec l’arrivée de leur bébé, elles ont eu tout ce qu’elles ont toujours souhaité avoir, au point qu’elles cessent de s’intéresser à leurs maris et au monde qui les entoure ? »
La liste des questions est bien longue. Ce qui en témoigne, c’est l’effort que le sujet est amené à faire lorsqu’il doit parcourir le chemin de femme à mère. La liste de ces questions, ainsi que toute notre expérience acquise à travers les années, témoignent qu’être femme, ce n’est pas une donnée anatomique, mais que cela passe à travers l’épreuve du »devenir femme ». Pour être mère, ce n’est pas non plus une donnée, ni un réflexe anatomique. Pour faire le chemin de fille à femme, ce n’est pas du tout facile parce qu’il faut trouver seule les réponses à certaines questions – on ne peut pas les recevoir de sa mère, elles ne se transmettent pas d’une génération à l’autre.
Bernard Seynhaeve à la fin des Journées a d’ailleurs souligné que toute la question consiste en la façon dont le réel peut être subjectivé. La présentation des cas cliniques de beaucoup de femmes et filles en témoignent. L’amoureuse Fanny par exemple va jusqu’au crime, tout comme Médée, » le moment Médée » a dit Anne Lysy dans son commentaire. Puisque le réel qui surgit l’identifie au déchet de l’homme qu’elle aime. La question soulevée par Evguenii Guenchev a été très intéressante aussi – comment les hommes arrivent-ils à se débrouiller avec les femmes folles amoureuses d’eux. Certains s’enfuient, d’autres comme Eredia finissent par la mort.
Nous avons donc vu, souligné à juste titre par Bernard Seynhaeve, que le réel peut surgir dans le corps, comme pendant la grossesse qui fait vaciller le sujet femme. Par exemple, Adriana est prise par l’angoisse au moment où sa féminité est mise à mal, alors elle demande de l’aide à sa mère. Nous avons entendu aussi d’autres cas qui traitent la question de » comment être fille à une mère et à une femme, fille à un père, comment en tant que fille le sujet peut s’inscrire dans la génération des femmes ».
À travers ces cas cliniques, nous avons pu faire la distinction entre le symptôme hystérique et les questions qui sont liées à la féminité, questions au-delà de la structure. Nous avons vu dans les cas où il est question du symptôme hystérique, qu’il y a quelque chose qui a affaire avec les générations, quelque chose qui se transmet d’une génération à l’autre.
D’autre part, il est impossible de dire La Femme. Ceci relève du trou dans notre savoir. Une des séquences des Journées y a été consacrée, notamment à la question de la féminité dans la position subjective.
Nous avons vu que la subjectivation du réel de l’enfant mis au monde se présente de façons bien différentes. Grâce aux cas présentés sur ce thème, nous avons eu la possibilité de mieux comprendre les deux « Notes sur l’enfant » de Lacan, plus précisément là où Lacan dit que l’enfant incarne l’objet du fantasme de la mère. Bernard Seynhaeve, lors de la conclusion, a soulevé un point qui illustre bien l’esprit de ces Journées : » Nous avons entendu des choses bizarres. Un médecin qui dit que cela peut arriver avec tous les bébés, d’un coup ils commencent à téter. Néanmoins ceci est loin d’être la thèse de Théodora Pavlova. Ce qu’elle énonce paraît bizarre aussi – l’enfant a un inconscient. Suite à ça, il y a un désir, et elle nous le démontre ».
Yves Vanderveken, non sans raison, a rajouté que » la question liée au fait que l’enfant ait un inconscient, est une question éthique. Puisqu’il y a de l’inconscient, il y a du désir. D’autres cas l’ont démontré, notamment celui de Vessela Banova, qui a soulevé à travers le travail analytique la question de comment faire pour que l’inconscient puissent naître. Nous avons vu que ce pari, de par son essence éthique et l’acte qui devrait le soutenir, donnent des résultats ».
Les Journées de travail étaient très intéressantes, les cas cliniques présentés très riches aussi. Nous sommes loin de l’idée d’avoir fait le tour de toutes les questions soulevées, mais nous avons fait germer les graines.