et Cinéma
Vendredi 15 juin 2012
Séance 20 h 30
ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND
de
Michel GondryScénario
de Charlie Kaufman
Le partenaire ineffaçable
!
The world forgetting, by the world forgot ;
Eternal sunshine of the
spotless mind !
Each pray’r accepted, and each wish
resign’d.
Alexander Pope, Épître
d’Héloïse à Abélard
Argumentaire
Par
Charles-Henri Crochet
Si
le titre d’Eternal… est issu d’une lettre d’Héloïse à Abélard, les
personnages, eux, portent les prénoms des protagonistes de
L’Arrache-Coeur, Clémentine et Joel. Michel Gondry affectionne l’oeuvre
de Boris Vian. Une adaptation de l’Écume des jours sera, d’ailleurs, son
prochain film. On retrouvera, aussi, dans Eternal…, des échos de
L’Herbe rouge sur la manipulation du temps.
L’héroïne, Clémentine
Kruczynski incarnée par l’excellente Kate Winslet, est une jeune femme
pétillante et bavarde, quelque peu extravagante et perdue. Après deux ans de vie
commune, elle décide, sans mot dire, de mettre un point final à son histoire
d’amour tumultueuse affectée par la routine. Clémentine opte pour une séparation
radicale. Elle souhaite rendre littéralement étranger l’homme avec qui elle
partage sa vie. Plus, elle demande à la médecine d’être amputée d’une partie de
son histoire. Pour ce faire, Clémentine appelle à la rescousse la firme médicale
Lacuna Inc.
Le Dr Howard Mierzwiak offre à sa clientèle les moyens
d’une rupture nette, précise et indolore. Sa salle d’attente ne désemplit pas le
jour de la St Valentin. Le procédé Lacuna dénoue unilatéralement les
liens auparavant tissés. La perte d’un être cher ne saurait faire souffrir. Nul
travail de deuil n’est nécessaire. La rupture et l’oubli opèrent par les voies
des neurosciences. L’investigation non invasive, guidée par l’imagerie
cérébrale, anéantit l’autre. La science répond à l’exigence contemporaine d’une
séparation efficace sans perte.
Jim Carrey, dans le rôle de Joel Barrish,
est un garçon peu disert, discret voire effacé. Au détour d’une conversation, il
apprend son propre effacement par sa compagne. Trahi, il décide de la suivre
dans les méandres de l’oubli. Joel nous entraîne, pour nous perdre, dans le
labyrinthe de ses souvenirs. Son intimité est projetée sur l’écran via un
scénario d’une grande finesse. On parcourt alors les chemins alambiqués de sa
vie psychique où la réalité se mêle aux souvenirs, à l’imaginaire. Rupture et
rencontre s’entrechoquent : « Rendez-vous à Montauk. » Les personnages
déambulent dans leur histoire comme dans un rêve, un cauchemar…
Récit
gigogne, s’il en est, chaînes qui se déploient, hors du temps et de l’espace,
antithèse du programme des neurosciences, mais jusqu’où ? L’opération
neurocognitive n’est pas simple pour celui qui désire.