Pierre Loti, Le Corbusier, Fritz Zorn…Pour ce numéro trois de notre jeune revue, la littérature et l’art s’invitent au Courtil ! Qu’ils soient écrivains, professeur de littérature ou architecte-urbaniste, qu’est-ce que l’institution, pourrait-on dire, peut bien gagner à frayer avec « ces gens-là ? ».S’il n’est pas question de faire la psychanalyse de ces artistes à partir de leurs productions, il faut se remémorer les mots de Freud, et Lacan à sa suite, qui montrèrent si bien en quoi le créateur, via son œuvre, « précède le psychanalyste », qu’il ouvre un chemin sur lequel il nous faut le suivre pour nous laisser enseigner, celui d’un savoir-y-faire avec une jouissance débordante que le tracé du trait, la lente élaboration d’un corpus, ou encore l’acharnement mis à se faire un nom ont pu venir limiter. Ce faisant, il nous est donné d’entrevoir à quel intolérable réel ces sujets touchés par la faille symbolique eurent affaire : car nulle sublimation qui viendrait permettre à Loti, Le Corbusier ou Zorn de se, et nous jouer de leur manque, grâce à leurs fantasmagories. Comme le montrent Sophie Marret, Claire Brisson et Alain Merlet, dont Sophie Simon a épinglé la récente conférence sur Fritz Zorn, l’art peut permettre de venir pallier le trou de la rencontre impossible avec le sexuel, sur le versant d’une absence radicale donc.Cela n’est pas sans nous concerner, au quotidien, dans le travail avec les jeunes du Courtil comme des différentes institutions qui s’orientent de la lecture de Freud et Lacan : notre clinique, au plus près des solutions inventées par chaque sujet, peut-elle s’inspirer de ce que nous apprennent ces auteurs de leur psychose, en nous donnant accès à des modes d’extraction de l’objet en trop qui firent pour eux appui, et qui sont à remettre jour après jour sur le métier, pour les sujets que nous accompagnons ?Alors, tous artistes, les jeunes du Courtil ? Certainement pas au sens où chacun d’entre eux aurait pu se saisir d’un mode singulier d’expression partageable avec tous, pour dire leur monde comme le nôtre. Mais chacun des intervenants qui témoigne, à travers la suite des textes de la journée de rentrée qui s’est tenue au Courtil en septembre 2010, notamment, mettent au jour de manière saisissante combien au-delà de la singularité des enfants présentés et des difficultés auxquelles ils sont confrontés, tous sont au travail de tracer, avec l’aide des intervenants qui les accompagnent, une écriture : avec leurs corps, qu’ils déplacent dans l’institution et auxquels ils tentent de dessiner des contours, mais aussi grâce à la sanction, qu’Annick Brauman nous présente originalement comme une scansion qui vient faire point d’arrêt, et plus généralement, par le biais du transfert.Une ligne continue donc à se tracer, dans ce numéro, après nos deux numéros de lancement, et avant celui que nous consacrerons à l’autisme, en mai 2012 : nous espérons que vous en suivrez avec plaisir les éclairants méandres !
Variations de l’écriture dans l’institution,éditorial du n°3
par Virginie Leblanc | le 02 avril 2012