de l’Instituto del Campo freudiano en España
Pour qu’une analyse puisse finir, encore faut-il qu’elle ait commencé ; il arrive aussi que le processus s’éternise lorsque le transfert ne trouve pas sa résolution ; d’autres cures s’interrompent ; quelques-unes, enfin, parviennent à leur terme… Jorge Alemán et Marta Serra, coordinateurs de cette Conversation, nous faisaient ainsi remarquer combien les modalités de terminaison d’analyse se disposent en un éventail fort large et notablement bigarré.
Samedi et dimanche derniers à Barcelone, soutenu par les éclaircissements incisifs de Jacques-Alain Miller, le rendez-vous annuel de l’Institut du Champ freudien en Espagne n’a pas failli à sa réputation printanière : public attentif et alerte (près de 450 participants) ; conversation dense et vive ; rigueur et bonne humeur… sans oublier les bons soins de la commission d’organisation (Miquel Bassols, Mónica Marín et Rosalba Zaidel).
Lus avant la conversation par les participants, six cas, présentés par José Manuel Alvarez, Guy Briole, Manuel Fernández Blanco, Julio González, Rosa López et Vicente Palomera, ont été détaillés un par un. De l’ensemble des points débattus, j’évoquerai seulement quelques traits.
Trois cas de psychose dénudaient chacun à leur façon un phallus sans consistance, pur semblant n’embrayant pas sur les sensations et le réel du corps ; au travers de quels signifiants, constructions, solutions… les mots et les choses peuvent-ils dès lors se connecter ? L’incroyance dans le Nom-du-Père se fait ici ironie : comment peut-elle s’appareiller pour devenir pacifiante ? Là où l’un se pose en maître de la signification et parvient à trouver une suppléance dans une image ou dans une fonction sociale, l’autre, identifiée à un père massif et mauvais, pâtit de cet excès de père, non symbolisé. Comment, d’autre part, concevoir la terminaison de la cure lorsque la présence réelle de l’analyste supplée à un symbole absent ? J.-A. Miller nous a par ailleurs rappelé que la psychose n’est pas déductible de l’histoire du sujet, aussi précise et construite soit-elle : il y a toujours une béance entre les causes présumées et les effets observés.
Les cas de névrose nous ont donné l’occasion de sonder comment le style de l’analyste peut être corrélé au symptôme que le sujet vient traiter. Avec l’un, en prise avec les commandements d’un surmoi impitoyable, un certain corps à corps analytique s’est avéré nécessaire pour opérer un déplacement et ouvrir à une séparation d’avec la puissance de la voix féminine ; c’est dans la lecture que le sujet trouvera l’appui oraculaire lui permettant finalement de se séparer du partenaire-analyste et de terminer sa cure. Pour l’autre, sublime anorexique, une question très light – « Quand tout cela a-t-il commencé ? » – aura suffi pour enclencher un processus analytique qui s’est déployé à partir de cette intervention, unique, exemplaire. Quant au troisième, il a pu consentir dans la cure à une déflation de sa passion christique à l’égard de la castration ; ce jeune homme s’est décroché de sa position de phallus de contrebande, de phallus imaginaire et mortifié de la mère, pour s’orienter, pas sans Witz, vers un autre statut du phallus, plus légitime et plus opératoire dans ses relations avec les femmes.
Comment, en chaque cas, apprécier ce qui, des modalités de jouissance du sujet, s’est maintenu, modulé, déplacé ou transformé ? Telle fut l’une des questions renouvelée par cette rencontre accorte et sans formalisme sous le soleil catalan.