“Serge Leclaire : Vous nous avez parlé du symbolique, de l’imaginaire. Mais il y avait le réel, dont vous n’avez pas parlé.
Jacques Lacan : J’en ai tout de même parlé quelque peu. Le réel est ou la totalité, ou l’instant évanoui. Dans l’expérience analytique, pour le sujet, c’est toujours le heurt à quelque chose, par exemple le silence de l’analyste.”
(Lacan J., “Le symbolique, l’imaginaire et le réel”, Des Noms-du-Père, Paris, Seuil, 2002, p. 53)
Comment naît le désir de l’analyste ? La première réponse qui vient, en appui sur cette citation, est : pour que naisse chez un analysant le désir de l’analyste, il faut qu’il se heurte à quelque chose “de l’analyste”. Le réel lui vient par là, dans l’expérience analytique. Ailleurs, soit il vous engloutit, soit il est à jamais “toujours perdu” : où il se voit qu’il peut être identifié à la jouissance.
C’est bizarre que le réel, qui peut donc être identifié à la jouissance toujours perdue et pourtant susceptible de vous engloutir, soit rencontré “dans la personne de l’analyste telle qu’elle est constituée dans son être”, pour citer Lacan dans la page suivante. C’est bizarre, mais Lacan indique que “c’est un fait de l’expérience analytique”.
Mais de quel ordre est donc ce “heurt” ? Lacan nous aide, en donnant un exemple : le silence, qui fait “heurt”, quand il devient “le silence de l’analyste”. Il faut quelquefois longtemps, mais d’autre fois c’est fulgurant, pour que le silence, toujours présent dans une séance, soit que l’analysant le comble absolument, soit qu’il se plaigne du sien, surgisse comme un attribut de l’analyste, c’est-à-dire comme l’indice d’un désir absolument énigmatique, qui, soudain, peut faire “totalité” – et alors c’est l’angoisse -, ou bien s’évanouir dans l’instant – laissant le sujet dans une tristesse sans fond.
Nous parions donc que l’on trouvera, à chaque fois, ce heurt lors de l’acte de naissance du désir de l’analyste.
Comme l’indique Lacan dans le paragraphe suivant, à propos des rêves que l’analysant produit, le désir de l’analyste à venir “porte la marque absolument saisissante de la réalité de l’analyste”, de son analyste. Ça passe par là : on le sait, parce qu’on s’y cogne, on ne veut pas le savoir, parce que c’est le pôle exquis de la contingence. Ça vous arrive “à cause de” l’autre, et c’est vous que ça regarde. Est-ce comme cela que vient l’idée d’occuper la place de cet autre-là pour un qui pourrait s’y heurter ?
Voilà qui sera à vérifier…