26, 27, 28, 29 et 30 avril 2010
Palais des Congrès, Paris
Editorial n° 7
Par Éric Laurent
Editorial n° 7 Les particularités du sinthôme
C’est au Chili que le cardinal-évêque de Frascati, secrétaire d’Etat de la curie Romaine depuis 2006, camerlingue depuis 2007 a, lundi 12 avril, énoncé une proposition clinique aventurée. « De nombreux psychiatres et psychologues ont démontré qu’il n’existe pas de relation entre le célibat et la pédophilie mais beaucoup d’autres ont démontré qu’il existait un lien entre l’homosexualité et la pédophilie ». Aujourd’hui, le porte parole du Vatican a pris ses distances devant le tollé, en renvoyant à un débat de spécialistes. En revanche, le porte parole du Ministère des affaires étrangères français – où nous serons reçus le lundi 26 avril – s’est indigné et a souligné que « la France rappelle son engagement résolu contre les discriminations et les préjugés liés à l’orientation sexuelle et l’identité de genre ». Tarcisio Bertone s’appuie sur une clinique du choix d’objet, faisant fi de la distinction des âges et pratiquant l’amalgame. Roland Vinexer, président du mouvement pour l’intégration et la libération homosexuelle au Chili a immédiatement fait objection en rappelant que l’un des scandales majeurs de prêtre pédophile au Chili avait mis en cause un ecclésiastique mettant enceinte une adolescente. Il choisit donc une clinique centrée spécifiquement sur l’âge, quel que soit le sexe. On pourrait ajouter aussi l’étrange cas du Père Maciel, prêtre mexicain fondateur de la rigoureuse et fortunée congrégation de la « Légion du Christ ». Elle éduque actuellement l’élite mexicaine. Le 3 mars 2010, une mexicaine qui affirme avoir eu pendant trente ans une relation conjugale avec Marcial Maciel a témoigné avec ses trois fils, hors d’un prétoire, à la radio, sur les mœurs de ce sujet hors du commun. Deux ans après la mort de Maciel en janvier 2008, qui s’était retiré en « pénitence » sur décision du Vatican, deux de ses fils dénoncent les viols et autres abus dont ils auraient été victimes de la part de leur père, surtout quand ils voyageaient ensemble. Leur mère, Blanca Estela Lara a connu Maciel en 1976 quand elle avait 19 ans, déjà un enfant, et lui 56 ans. Elle ne se doutait pas de son identité car il a fourni des papiers sous deux noms différents pour reconnaître ses deux enfants. Il se disait cadre d’une grande compagnie pétrolière ou bien encore agent de la CIA. C’est un article de 1997 dans une revue avec photo qui lui a révélé l’identité de celui qu’elle appelait « son dieu ». Elle a rompu avec lui en 1999 après que son fils lui eût révélé les abus sexuels. Ce fils a semble-t-il cherché à obtenir une compensation financière de la Légion du Christ en échange de son silence. L’affaire est donc complexe et mobilisera sans nul doute et l’Eglise et la justice civile. Il n’est pas sûr que dans des cas pareils, l’on puisse atteindre une objectivité clinique rassurante où les sujets s’inscriraient dans des cases bien délimitées. L’obligation de déférer les ecclésiastiques coupables d’actes sexuellement délictueux devant les autorités civiles selon une procédure mise en ligne aux yeux de tous sur le site du Vatican ce lundi, témoigne du virage décisif des autorités de l’Eglise et de la façon dont elle est soumise à la tyrannie de la transparence. Cette orientation avait été amorcée par le Pape actuel mais maintenue discrète. Elle donnait lieu dans les faits à des procédures internes. C’est maintenant le moment de conclure. Pourra-t-on gagner dans ce passage à la justice des hommes en clarté clinique ? Ce n’est pas certain. Les difficultés de l’expertise dont témoignaient nos collègues lors de l’après-midi du Forum de dimanche – qu’avait précédé un numéro très intéressant de « Mental » – augurent mal des clarté que nous obtiendrons. La criminologie contemporaine, par les embarras qui lui sont propres, renvoie surtout à ce que nous ne voulons pas voir en nous de notre méchanceté d’humain.
Il n’y a pas que l’Eglise qui défère ses scandales sexuels aux tribunaux civils, mais aussi, selon une logique très freudienne, l’armée. Le procès, le 13 avril, d’un Général de l’Armée française en témoigne. Il est ancien chef de cabinet militaire de deux ministres de la Défense et avait dirigé le service d’information et de relations publiques des armées et l’Institut des hautes études de défense nationale. On l’avait beaucoup vu, à ces multiples titres, durant la guerre du Golfe. Il était retraité depuis 2002. Il comparaissait pour avoir téléchargé 3400 photos pornographiques mettant en scène des sévices sexuels sur les enfants des 6 à 12 ans, entre 2004 et 2008. Comment ce sujet couvert d’honneur, militant dans les zones d’engagement pour la protection des populations civiles, spécialement des femmes et des enfants, pouvait-il ressentir une excitation sexuelle devant de telles photos ? Il répond à la procureure et se l’explique à lui-même, alors que ces photos le « dégoûtent », par le fait qu’il souffrait d’une tumeur au cerveau dont il avait été opéré une première fois en 1981, puis, récemment, en 2006. Il se range de lui-même parmi les sujets dont les atteintes neurologiques frontales ont aboli « le sens logique, le sens critique ». Le chirurgien qui l’a opéré en 1981 a témoigné en ce sens. Il souhaite donc se compter parmi ces sujets que les travaux d’Antonio Darmasio ont mis en valeur. C’est sur la cartographie des atteintes qui provoquent des « libérations pulsionnelles », qu’il tente de localiser le moi, les fonctions de contrôle, voire le self, dans le cerveau. Dans le cas d’espèce, le sinthôme défie la libération simple et la cartographie cérébrale robuste. Les faits ont duré quatre ans, le sujet a été expertisé, et aucune « abolition du discernement » n’a été remarquée. Il a aussi fait preuve de prudence et de tact en dissimulant parfaitement cette compulsion à l’ensemble de sa famille et de ses proches. Décidément, dans sa particularité, le sinthôme, même dans sa dimension la plus primitive de « fait psychiatrique » défie l’assignation à résidence psycho-pathologique.
Lors du deuxième jour du Congrès, nous poursuivrons l’enquête sur les particularités du sinthôme à partir de l’horizon de la passe. Nous continuerons à entendre les témoignages des AE le matin, puis trois séries d’exposés l’après-midi. Une première série donne trois exemples par où l’horizon de la passe s’actualise dans la cure. Une deuxième série interroge l’articulation de la parole et de l’écrit dans l’expérience. Une dernière interroge la place de l’Ecole comme adresse de la cure.
Demain, nous saurons comment s’organise le jeudi 29. Nous connaîtrons enfin le thème du prochain Congrès de 2012.
A demain,
Eric Laurent, le 14 avril 2010
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Programme du Mardi 27 avril
Aggiornamento della Passe (2)
Président : Eric Laurent
Matin
9h30h – 11h00
Témoignage des AE :
Patricia Bosquin (ECF)
Leonardo Gorostiza (EOL)
11h00 – 11h30 : Pause café
11h30 à 13h00
Anne Lysy (ECF)
Silvia Salman (EOL)
Après-midi
15h – 16h
Le pas vers la passe
Présidents : Luis Solano, Flory Kruger
Les temps démêlés Anaëlle Lebovitz (ECF)
Passo dopo paso verso la mia passe. Raffaelle Calabria (SLP)
Un lapsus del analista Blanca Sanchez (EOL)
16h – 17h
La Parole et l’écrit dans la passe
Présidents : Luis Solano, Antonio di Ciaccia
El testimonio y los limites del « parlêtre » Samuel Basz (EOL)
Dictature de l’homogénéité ou droit à la jouissance autistique du Sinthome Tania Coelho (EBP)
Entre l’écrit et l’oral Nassia Linardou-Blanchet (NLS)
17h – 18h
L’objet de l’École
Présidents : Luis Solano, Jorge Forbes
Idiota Antoni Vincens (ELP)
L’École comme objet ? Catherine Lacaze-Paule (ECF)
Incidencias del analisis en la formacion del analista Diana Wolodarsky (EOL)