les ateliers du ri3
« Évaluer tue »
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Modérateur : Jean-Robert Rabanel
Les armes du RI3
Catherine Lacaze-Paule
L’ouverture de Judith Miller donnait le ton : une guerre entre l’évaluation, les TCC et la psychanalyse est ouverte, et ce, pour la décennie à venir. Dans l’après-coup des journées, voici quelques remarques qui essaient d’établir les forces et les armes du champ de la psychanalyse. Tout d’abord, les approches évaluatives et comportementales semblent, pour ce que nous avons entendu, animées d’un désir d’embaumeurs, là où les intervenants, dont le rapport à l’analyse s’entendait dans le relation qu’ils entretiennent à ce qu’il ne savent pas, étaient animés d’un désir de créer et d’innover, de bien dire. La psychanalyse apprend, non pas à rejeter ce qui ne se sait pas, à l’ignorer, mais plutôt à se confronter à l’opacité de sa propre jouissance comme l’ont démontré les AE qui sont intervenus.
D’un côté, le funeste de l’impéritie économico-administrative, de l’autre, le gai savoir. Si l’évaluation fait pour vœux de faire marcher l’autre comme une machine, les intervenants du RI3, formés à la psychanalyse, se consacrent à ce qui ne marche pas chez l’autre. Si les psychanalystes sont « insoumis au discours du maître et veulent le rester », comme l’indiquait Bernard Seynhaeve, les intervenants ont montré qu’ils connaissent bien les ressors de ce discours et savent user du semblant. Au « tous pareil et de la même façon », les psychanalystes préfèrent la méthode de la singularité et la pratique à plusieurs. Ils s’opposent au spéculatif de l’approche évaluative pour proposer une pratique pragmatique très efficace. Le psychanalyste ne se contente pas du statistiquement significatif, de l’approche moyenne, mais propose à la place la vérité du cas, sa démonstration logique, et sa mise en série.
Soixante interventions, centrées sur des cas, ont été présentées ce week-end là, et presque cent, si l’on compte les 37 numéros du Feuilleton. C’est une performance que de pouvoir produire une série de cas distinguant si rigoureusement, l’urgence, la hâte, l’empressement, la précipitation, l’angoisse, etc., et proposant des modes de traitement immédiat aussi variés, rapides qu’efficaces. Et pourquoi ne pas pub-lier davantage encore, au-delà des institutions du RI3 ? Produire un peu de pub pour cette pratique, et établir du lien avec les praticiens isolés. Fermer une porte, en ouvrir une, donner la parole et non pas l’imposer, accorder un droit au silence sans contraindre, se taire ou parler pour faire coupure, se faire discret, absent, savoir ne pas voir, ou au contraire se rapprocher et prêter sa présence, sa main, sa voix, préférer faire ou agir, pour savoir, au lieu d’attendre un savoir à tout faire pour s’exécuter. Nulle CAT (conduite à tenir), nul protocole qui vaille pour ses sujets si peu protocolaires. Contrairement aux démarches qualités, les intervenants ne posent pas la question : « Êtes vous satisfait ? », mais ils satisfont, et se satisfont de satisfaire, au regard des conséquences de leur acte.
Création devant l’urgence d’un silence, ceux des parents, d’un abri pour la parole, d’abric-à-brac, don d’un gâteau en lieu et place du chapardage, donner et priver dans un même geste, invitation à se débarrasser d’un objet en trop, ici et maintenant, admission extrême pour une exception. « Savoir faire cas de l’urgence », trouver de toute urgence le verbe qu’il faut quand le sujet fait défaut, se passer du sens et choisir le hors sens quand tout, ou rien, ne fait sens, toutes les interventions regorgeaient d’inventions et de trouvailles illustrant que le sujet s’éduque ou se soigne avec l’autre, bien plus qu’on ne l’éduque ou le soigne, même si cela contredit les protocoles de soins.
Toutes ces interventions témoignaient de l’art, non pas de s’occuper, mais de se préoccuper de l’autre, attentivement, distraitement, intimement ou à distance, directement ou dans le style indirect de l’autre. Jusque dans les moindres détails, soigneux et attentifs, l’organisation, à chaque moment du déroulement du week-end, se tenait à la hauteur de cette exigence. Considération, débrouillardise, implication, décision, détermination, action, présence singulière sont les traits marquants et séduisants des intervenants du RI3 formés à la psychanalyse ; ils savent faire une rencontre et les évaluateurs ont du souci à se faire.
Pour conclure, Laure Naveau, après avoir donné la logique, après la passe, de son savoir obtenu sur l’urgence du début de l’analyse et la hâte de la sortie, témoignait d’un nouvel usage de l’arrogance du présent. Puis elle citait à point nommé le mathème de J.-A Miller : « La hâte, plus le surmoi, plus l’éthique des conséquences. » Soit un cocktail Molotov percutant qui aura son effet : faire « flamboyer le désir », selon la belle expression d’A. Stevens.
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