L’urgence de vivre
Valentine Dechambre – Clermont-Ferrand
Le feuilleton préparatoire aux Journées des 23-24 janvier attend vos textes aux adresses
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Paul, sept ans, m’est présenté lors d’une séance d’analyse de la pratique dans un foyer de l’Aide Sociale à l’Enfance où il est accueilli depuis six mois. Chétif, le visage marqué par la désolation, il tombait constamment à son arrivée dans le foyer. La maman dit à l’équipe éducative : « Tout allait bien jusqu’à ses quinze mois, jusqu’à ce qu’il marche. Là, quelque chose nous échappait, ce n’était plus un bébé, on ne savait plus comment faire avec lui. » Paul arrive ainsi dans l’institution : laissé tomber dans ses premiers pas, dans son échappée vers la vie, vers la découverte du monde. C’est au moment de son entrée à l’école, un an auparavant, qu’un signalement sera fait sur l’errance dont témoigne l’attitude de cet enfant qui semble avoir été déposé là, sans Autre.
Avant d’arriver dans le foyer, il est d’abord hospitalisé en urgence dans un service spécialisé. Le médecin qui l’accueille diagnostique un trouble : une phobie de l’eau. À partir de ce repérage, un programme de soin cognitivo-comportemental peut se mettre en place : le bain thérapeutique. Installé dans une baignoire, l’enfant est soumis à des exercices, des scénettes au cours desquelles le volume d’eau de la baignoire augmente peu à peu, jusqu’à ce qu’il consente à « avoir de l’eau jusqu’au ventre ». L’enfant est toujours aussi triste. Il a les jambes couvertes d’hématomes dus aux nombreuses chutes à quoi l’entraîne sa marche peu assurée.
Au bout de quelques mois, l’enfant est placé dans un foyer. Quinze jours après son arrivée, Paul surprend l’équipe éducative : il ne tombe plus. Mieux : insatiable explorateur, il présente une curiosité vive à tout ce qui l’entoure ! Il questionne, s’étonne, chantonne. La jeune équipe soutient chaleureusement ses découvertes, émue de la transformation si rapide de l’enfant qui les surprend. Une éducatrice accueille alors cette parole de la mère: « À douze ans, j’ai été placée deux ans en foyer, c’est un très bon souvenir. » C’est la première fois que cette dame manifeste une émotion dans sa parole. Il y a du désir là, à l’endroit de l’Autre institutionnel. Je souligne ce point d’ancrage préalable dans le désir de la mère à l’endroit de l’institution.
Un point cependant préoccupe l’équipe : l’enfant se soumet aux exigences parfois cruelles des petites filles de l’institution, quand elles jouent à la maîtresse d’école avec lui. Cette position passive n’est pas sans résonner avec le traitement qu’il poursuit à l’hôpital, deux jours par semaine, « le bain thérapeutique ». Il est décidé, par l’institution, d’y mettre un terme. L’enfant sera surpris, peu de temps après, jouant au dentiste avec les petites filles, très investi dans son rôle de soignant… Entendons Freud : « Si le docteur examine la gorge de l’enfant ou lui fait subir une petite opération, on peut-être certain que cette expérience effrayante sera le contenu du prochain jeu. En même temps qu’il passe de la passivité de l’expérience à l’activité du jeu, l’enfant inflige à un camarade de jeu le désagrément qu’il avait lui-même subi et se venge ainsi sur la personne de ce remplaçant. […] nous avons bien là la preuve […] qu’il existe plus d’une voie et d’un moyen pour que ce qui est en soi déplaisant devienne l’objet du souvenir et de l’élaboration psychique. »1 Autrement dit par Lacan : « Toute formation humaine a pour essence, et non pour accident, de refréner la jouissance […] le principe de plaisir, c’est le frein de la jouissance. »
1. Freud S., « Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort », Essais de psychanalyse. petite bibliothèque payot, p.62.
2. Lacan J., « Allocution sur les psychoses de l’enfant », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p.364.
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