L’urgence de la re-nommée
Florence Marion – L’Île Verte
Le feuilleton préparatoire aux Journées des 23-24 janvier attend vos textes aux adresses
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La question de l’urgence nous invite à penser l’institution comme un lieu où les enfants peuvent se risquer à re-tracer la manière dont le langage a émergé pour eux. Il y a urgence à ce que leur effort inventif soit connu et reconnu par l’Autre, incarné par les intervenants de l’institution.
Ainsi, dans les moments de crise, Alice se sauve en courant à toutes jambes, crie ou se blottit dans un coin, apeurée. Elle tient à la main une peluche usée qu’elle brandit et fait parler d’une voix mécanique. Premier effort de civilité, elle nous présente sa peluche : « Voilà Coco. Dis bonjour Coco Lapin. Je m’appelle Alice, dis bonjour Alice et toi comment tu t’appelles ? » Accueillir Alice avec Coco a pour effet de la rassurer et de lui assurer une place. Elle dit à sa peluche : « C’est pour moi ici, on me soigne. »
Au cours d’une promenade, Alice manque de tomber dans l’eau au niveau d’une écluse. Elle est rattrapée par Philippe, mais sa peluche lui échappe et tombe dans l’ouverture de l’écluse. Du trou causé par la chute de l’objet qui déchire son être, surgit la nomination de l’urgence pour cette petite fille : « Il faut sauver ma fille ! » Dont acte, Philippe récupère et sauve Coco. Cet événement contingent introduit une coupure et inscrit une trace dans la mémoire d’Alice.
Il y avait urgence à prendre en considération son invention « Coco », objet où s’origine son être et son entrée dans la langue ; ce qu’elle me confie : « Coco, elle utilise la même langue que moi. Je lui ai appris à parler. Quand elle était bébé, elle avait crié, je lui ai donné une petite voix quand elle était une petite fille. » Alice situe dans sa peluche le trou d’où sort le cri et la voix. Elle lui a donné un prénom, Coco, première nomination qui lui ouvrira la voie inversée vers son propre prénom, Alice, qu’elle refusait comme refus de la marque de l’Autre, incarné par la mère.
Alice construit une série de fictions où Coco Lapin est renommé « Coco L. » (son patronyme) : « C’est une fille, ma fille », puis « Coco 1 » : « C’est la première fille, et moi, Alice, la deuxième ; Coco 1, ses parents l’ont abandonnée quand elle était bébé et je l’ai trouvée. Elle a retrouvé sa famille lapin de départ ; j’étais Alice 1 et je vais retrouver ma famille. Coco 1 s’était perdue, mais moi je l’ai pas perdue. Je l’ai perdue dans une rivière. » L’expérience de la chute de l’objet s’est inscrite et peut s’écrire dans une histoire.
Aujourd’hui, dans l’institution, Alice est celle qui invente des histoires à partir des contes ou des récits contemporains de mangas ou Pokémons qu’elle ré-interprète. Il y a toujours dans l’histoire un personnage qui porte son prénom. Dans l’espace littoral du récit, elle se trouve à la fois auteur et interprète. Dans l’espace de l’institution, elle a acquis une petite renommée qui laisse une place au sujet Alice. Elle consent à passer et à être appelée par son prénom. Sa voix, ses gestes, ses expressions, traversés par les affects, se sont humanisés.
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