Le tourbillon
Sabine Harckman – Antenne 110
Le feuilleton préparatoire aux Journées des 23-24 janvier attend vos textes aux adresses
Jim, six ans, fortement envahi par l’autre, traite son corps comme un objet d’expérience et représente par là un réel danger pour lui-même. Il se cogne beaucoup, tombe fréquemment, fait des sauts périlleux, s’enfonce des morceaux de craie dans les narines, scrute l’espace comme s’il envisageait de s’y jeter afin de tester la résistance de son corps. Il ne tire aucune leçon des accidents précédents ; rien ne s’inscrit chez lui.
Il se prétend invincible et cherche à le prouver. Si cette invincibilité est mise en doute, il réagit alors par des pleurs complètement disproportionnés et se retrouve totalement anéanti. C’est le cas lorsqu’il est atteint par une blessure, même minime (une griffure par exemple), qui déchire son enveloppe corporelle. Les catastrophes et les situations extrêmes, sortes d’instants de vérité, de quitte ou double, peuplent son discours : accidents, naufrages, tremblements de terre, inondations, incendies, le fascinent et le terrorisent tout à la fois.
Dans les ateliers, ce chaos, cet anéantissement est mis en scène par une destruction quasi permanente : il construit des objets, puis les casse quasi systématiquement.
D’autre part, Jim est envahi par le besoin d’être sans cesse en mouvement. À son arrivée à l’Antenne, il y a un an et demi, il se désignait lui-même comme quelqu’un qui fait des « tourbillons » ou qui doit « encore faire un tour », en effectuant, sans pouvoir s’arrêter, un parcours en boucle à travers la maison. Quand il n’est pas lui-même en mouvement, ce sont les objets qu’il tient en main qui tourbillonnent. Son attention est également secouée par la même agitation et il est rarement capable de la soutenir pendant une période prolongée. Cette emprise du mouvement est telle qu’il lui arrive de déclarer qu’il s’ennuie au moment de trouver le sommeil et par conséquent d’avoir à s’immobiliser.
Dernièrement, il apporte lui-même un éclairage nouveau qui permet de nouer les deux problématiques auxquelles il est confronté : le mouvement qui s’impose à lui et la gestion de ce corps qu’il voudrait invincible. Au terme d’une violente altercation avec un autre enfant et dans le but de souligner l’importance des faits ainsi que de leur répétition, il est séparé du groupe et est invité à se présenter chez la directrice. Il lui est proposé, afin de « reprendre son souffle », de s’essayer à rester assis deux minutes sans bouger. Alors que, malgré ses efforts et sa bonne volonté, il n’y parvient pas, il finit cependant par déclarer très clairement : « Ne pas bouger, c’est comme quand on est mort. »
Ainsi, nos tentatives d’arrêter ou de tempérer le mouvement incessant de Jim devront tenir compte de la fonction de bouclier qu’occupe pour lui le tourbillon face à l’horreur de la mort.
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