L’urgence comme réponse
Jean-Pierre Klotz – Bordeaux
Le feuilleton préparatoire aux Journées des 23-24 janvier attend vos textes aux adresses
[email protected]
[email protected]
Le psychanalyste est réputé plus attentiste qu’urgentiste. Imagerie liée à la passion de sa disparition qui anime ses contempteurs, sans omettre les innombrables qui confondent sa gloire et son enterrement. L’urgence est pourtant au plus proche de ce qu’il est. L’attente ne vise qu’à produire ses conditions. Toute latence est faite pour en déchaîner l’instant aigu où il n’y a plus à différer. L’acte a certes moins pour résultat d’éteindre la pression que de la déplacer, de la relancer, de la manier ou de permettre au sujet de muter vers du plus vivable. Car son extinction définitive ne pourrait en être que mortelle.
Je me contenterai ici de piquer une référence ne cessant de scander l’enseignement de Lacan de bout en bout, même si son invention ne visait pas l’expérience analytique proprement dite : la fonction de la hâte, introduite par le jeu logique des trois prisonniers avec l’offre à eux faite de se libérer, solution impossible à déduire hors de son inclusion dans le procès. Le résultat pratique du jeu mis effectivement en œuvre démarque cette solution parfaite. Il l’approche et la réitère avec ce qui reste dans l’expérience. Le cas d’urgence ne peut que résonner pour qui s’inspire de Lacan avec la hâte ainsi mise en fonction.
Une certaine ambiguïté subsiste, de cette urgence qui ne se sort pas d’elle-même, qui ne cesse d’inclure de l’inextinguible. Celle-ci se retrouve dans la pression de l’Autre (social en l’occurrence), sommant de trouver des solutions faisant table rase de ce qui là émerge. Il s’agit pourtant de ne pas systématiquement la lever, pour laisser un espace au sujet. Si le psychanalyste est là dans son élément, sa pratique du cas d’urgence le pousse à y agir sans l’étouffer, sans méconnaître le contexte et sans s’en laisser submerger. Tâche aiguë, où une mise en œuvre plurielle (la pratique à plusieurs) peut ouvrir à aussi plus de réalisme, celui que je n’hésiterai pas à qualifier de symptomatique. Trouver le symptôme nouant le sujet avec du réel de façon plus vivable suppose de prendre là l’urgence comme une opportunité. Mais il ne peut s’agir d’adopter une position d’éradication.
J’associerai une phrase plusieurs fois citée par Jacques-Alain Miller, apparemment loin du sujet, sinon par le fait qu’elle concerne aussi l’urgence : la formule formidable d’Henri Queuille, Président du Conseil de la ive République, il y a soixante ans : « Il n’y a pas de problème qu’une absence de solution ne permette de résoudre. » Rien n’est plus évocateur pour nous. Ne pas tout ramener au couple problème/solution, dans cet ordre, comme a pu le dire Jean-Claude Milner. Une urgence est moins un problème qu’une solution imposée par le sujet, à l’inverse de ce qu’on imagine, voire impose souvent comme abord universalisant. Tout l’enjeu est de faire émerger quelque chose de la question, pour contribuer à une meilleure subjectivation de la réponse.
Le cas d’urgence est en fait le pain quotidien (plus ou moins) secret du psychanalyste : il vaudrait mieux qu’il ne l’ignore pas lui-même, si les autres ne veulent rien en savoir. Il n’a pas tout son temps, même s’il ne peut que récuser les normes évaluatrices du temps de l’Autre où on ne cesse de vouloir l’enfermer. Comme tel, il n’est pas moins à sa place dans une pratique à plusieurs où le pluriel permet de coincer des bouts de réel de façon moins trompeuse que d’autres, pour peu que Lacan et ceux qui savent prendre son vent soient passés par là.
Toutes les informations concernant les Journées sont sur le site
http://www.ri3.be/
> pour se désinscrire de la liste, envoyer un message sans objet à [ [email protected] ]
> pour s’inscrire, adresser un message vierge et sans objet depuis sa boite à [ [email protected] ]