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La Lettre mensuelle 282 – novembre 2009 (extrait 2)
Nous poursuivons la publication de l’entretien de la LM avec les organisateurs des Journées 2010, Maryse Roy, Philippe Lacadée, Daniel Roy.
LM : Ce que vous désignez comme « cas d’urgence » est de plus en plus souvent situé comme « troubles du comportement » ou comme « violence » ? Pouvez-vous nous dire ce qu’implique de prendre tous ces évènements plutôt à partir de cette notion d’urgence ?
Notre embarras est souvent bien réel face à l’urgence qui surgit dans le quotidien de l’institution, ou face aux demandes d’intervention urgente venant des familles ou des services sociaux. C’est pour cela que nous voulons insister sur la modalité de réponse à ces moments-là : sur quoi se fonde notre décision ? Comment soutenons-nous qu’il y a là du sujet possible? Si nous essayons de faire exister dans nos institutions « une loi accueillante », c’est bien pour accueillir les enfants et adolescents avec leur particularité même la plus extrême. Il y a bien sur le moment d’urgence, mais il y a surtout à repérer ce qui l’a déclenché et ce à quoi dès lors il répond. Notre argument prend l’urgence comme « une modalité particulière de l’adresse qui ne demande pas, mais exige impérativement de l’autre une réponse.» Nous pensons en effet que quelque chose s’est donc là décidé en lui et exige de nous de le prendre en compte.
LM :Mais où est le sujet là ?
– C’est là que nous considérons qu’il est urgent de répondre à l’urgence, car la dimension de l’urgence subjective ne peut surgir qu’à partir de la présence d’un Autre qui tente d’en border le côté hors-sens, le côté déréglé. Ainsi dans l’une de nos institutions, nous avons mis en place un cahier de bord où chacun peut venir écrire ce qui a surgi dans ces moments dits d’urgence. Si dans un temps 1, on écrit sur ce cahier ce qui a soudain fait signe sur le mode de l’urgence, dans un temps 2 cela est repris sur le mode d’un dialogue, d’une conversation à plusieurs pour offrir le recours , voire le secours d’un possible discours. On tente d’établir à minima une prise de discours non à partir de l’urgence comme événement mais de ce à quoi elle est venue répondre. C’est aussi une façon d’humaniser dans nos institutions ce qui de plus en plus les déshumanise.