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JOURNAL DES JOURNÉES N° 48 le jeudi 22 octobre 2009, édition de 19h 09
Laura Petrosino : Tomber analyste Quel est le sens précis de « devenir » dans le titre « Comment on devient analyste ? » Le terme « devenir » en tant que passage d’un état à un autre, implique l’idée d’un processus, d’une évolution progressive. Par ailleurs, dans le champ de l’amour, le français comme l’anglais admettent à « devenir » une expression intéressante, celle de « tomber amoureux », « to fall in love ». Le Littré (article « tomber ») indique que « tomber » suivi d’un attribut, par exemple « amoureux », équivaut à « devenir » : « Par extension, tomber amoureux, devenir amoureux. « Mais la belle est tombée amoureuse de moi », Regnard, Le Joueur, III, 11. « Croirai-je que vous êtes tombé subitement amoureux de moi ? » Marivaux, L’Epreuve, 4. ». Le Grand Robert, y ajoute une nuance temporelle : « devenir après une évolution rapide ». Le Trésor de la langue française donne quelques citations illustrant cette notion d’immédiateté: « Tout à coup, je tombai amoureux… » Gide, Si le grain ne meurt, 1924, p. 406 ; « Il serait immédiatement tombé amoureux de toi… » Triolet, Le premier accroc coûte deux cent francs, 1945, p. 167. Autrement dit « Tomber amoureux » ne serait pas équivalent au « devenir amoureux ». D’autre part, je constate que le Littré attribue au mot « tomber » la signification de contingence et de rencontre : être jeté dans, fortuitement ou malgré soi, arriver à l’improviste chez quelqu’un, tomber sur un vers, sur un passage, le trouver sans le chercher, recevoir du hasard telle situation, faire une rencontre inopinée. Enfin, « tomber », dans le Littré toujours, implique encore la chute, la réduction : tomber en, dans, être réduit à, être jeté dans, se détacher, en parlant de parties du corps vivant, céder, disparaître, dégénérer en, devenir l’objet, la possession. Par ailleurs, je m’aperçois avec surprise que l’amoureux est un état différent de celui de l’amant puisqu’il n’est pas réciproque. Le Grand Robert note ainsi dans l’article d’amoureux : « homme qui aime sans être aimé (opposé à amant) ». Le TLF donne une citation allant dans ce sens : « Il avait pensé se faire aimer et c’était lui qui était tombé amoureux » Larbaud, Femina Marquez, 1911, p. 118. L’expression « devenir analyste » ne pourrait-elle pas, pour un certain nombre de cas, être éclairée par une autre, qui n’est pas lexicalisée : « tomber analyste » ? Expression qui tout en conservant la signification du « devenir », y ajoute celle de la contingence, de l’immédiateté et de la chute.
************** LE DEBAT DE L’ECOLE Sont successivement entrés dans le débat, par ordre chronologique : Nathalie Jaudel, Jean-Daniel Matet, François Leguil, Lilia Mahjoub, et maintenant. Carole La Sagna.
Carole La Sagna : Le sens de notre action Le sens d’une action se perd. C’est souvent au cœur d’une nouvelle action que la série dont elle s’origine est rappelée ou bien effacée. Ce qui se passe actuellement dans l’Ecole, ce vent nouveau qui souffle, fait résonner les événements qui l’ont précédé. Faut-il, pour saluer la formidable impulsion actuelle, penser qu’elle ne trouve son origine que dans la négation de ce qui l’a précédé ? Je soutiendrai plutôt une thèse dialectique (dépasser en conservant), ou topologique : impulsés par Jacques-Alain Miller à partir d’un point extérieur à l’Ecole, les Forums ont maintenant des effets sur l’Ecole, comme le montre ce qui a surgi lors de la préparation des Journées. Le combat pour la psychanalyse, c’est aujourd’hui un combat pour la formation du psychanalyste. Mais, avant cela, à partir de 2003, la réponse à l’attaque subie par la psychanalyse avait pris la forme des Forums des psys. Une dizaine de forums et meetings, onze exactement, entre 2003 et 2008, (ajoutons-y un Colloque au ministère de la Santé,) ont enclenché un mouvement pour que vive la psychanalyse, proportionnel au coup porté. On s’en souvient, c’est sous la figure du cognitivo-comportementalisme, de l’évaluation à tout va, du chiffrage infini, que l’attaque a eu lieu. Les instances et les membres de l’Ecole ont, dès le départ, manifesté leur soutien au mouvement, ce qui n’a pas empêché l’Ecole de demander l’utilité publique, au contraire : elle l’a fait à voix haute, en disant ce qu’elle refusait, et aussi ce qu’elle défendait : un espace de liberté, un espace pour le choix, un espace pour le secret si besoin. Les Forums et l’obtention de l’utilité publique ont eu partie liée. C’est parce qu’il y a eu les Forums que M. Douste-Blazy, alors ministre de la Santé, a accédé à la demande que lui avait formulée de vive voix Jacques-Alain Miller, d’accorder l’UP à l’ECF. C’est ensuite Lilia Mahjoub qui a su constituer et défendre le dossier, et négocier nos statuts. Le courage et la volonté de l’Ecole se sont manifestés dans cette occasion, ceux de beaucoup de ses membres aussi, et ils se manifesteront dans les combats à venir. Le réel ne saurait manquer de les convoquer et de les mettre à l’épreuve. Les Forums ont aussi vu émerger une « Génération Forums ». Car ils ont rassemblé à plusieurs reprises plus de 1000 participants, voire 1300, inquiets des menaces que l’époque faisait peser sur la psychanalyse. Cette génération saura gré à Jacques-Alain Miller de réouvrir les conditions de possibilité de construction d’un avenir pour la psychanalyse. Beaucoup se sont rapprochés de l’Ecole à cette occasion et dans ces circonstances. Ce sont ceux-là qui posent aujourd’hui la question de Comment on devient analyste au début du XXIe siècle ? Cette question implique ainsi une histoire des faits, des dates, des récits, dont nous manquons peut-être parfois dans notre champ. L’histoire, nous avons tendance à penser que nous la faisons – que nous devons la faire – plutôt que d’en faire le récit circonstancié. C’est vrai. Pourtant, le sens de notre action doit être rappelé à certains moments cruciaux, pour que se transmette une orientation, le pourquoi et le comment des décisions. Je vois dans l’éditorial de Jacques-Alain Miller du JJ n° 41 une indication de cette nécessité, quand il écrit : « La psychanalyse ne progressera et ne prospèrera au 21e siècle qu’à la condition qu’une part au moins de cette énorme quantité de savoir qui, dans le champ freudien, s’élabore et s’échange par la parole, se dépose également dans l’écriture ». Il me paraît aujourd’hui que ce qui est impliqué par cette phrase ne peut se réduire au seul savoir théorique et clinique, mais comporte également un volet politique. Un jour, au sein d’une réunion du Conseil de l’AMP, Jacques-Alain Miller évoquait la possibilité d’accueillir les nouveaux membres avec un cadeau de bienvenue : un porte-documents, dans lequel seraient glissés, non seulement un annuaire et les statuts, mais aussi d’autres textes, des documents qui pourraient être utiles. L’Ecole pourrait s’inspirer de cette idée. Et parmi ces textes, il devrait y avoir de quoi transmettre aux nouvelles générations qui vont entrer dans l’Ecole quelque chose de ce qui a fait de l’ECF ce qu’elle est aujourd’hui. Il me semble que c’est la voie adoptée par Lilia Mahjoub dans ses « Remarques sur le n° 45 » (JJ n° 46) : mettre au point des textes, clairs, documentés et précis sur le pourquoi de choses récentes ou moins récentes. C’est aussi ce qu’a fait utilement pour tous Agnès Aflalo, avec son livre récent. L’autre façon de répondre est de faire des propositions pour l’avenir, et c’est ce que fait Jean-Daniel Matet dans son texte « Projets pour une présidence de l’ECF », qui souligne d’emblée la nécessité pour l’Ecole d’affirmer sa position de force et d’indépendance. Cette position de l’Ecole a été acquise, elle n’a pas été donnée. Il faut à l’occasion, étudier, préciser, raconter comment, pour que le combat, à l’avenir, se poursuive.
LETTRES ET MESSAGES
Clotilde Leguil : Russel Grigg, sartrien Dans l’après-coup de la soirée d’hier, au cours de laquelle Russel Grigg nous a brillamment démontré que le fondamentalisme peut être lu comme un retour du monothéisme refoulé, je songe à cette phrase de Sartre, à la fin des Mots : « L’athéisme est une entreprise cruelle et de longue haleine : je crois l’avoir menée jusqu’au bout ». C’est ainsi que Sartre achève son autobiographie, l’histoire du fils d’un père toujours déjà mort, l’histoire d’un être humain pour qui le délaissement fut une évidence première, une certitude inaugurale, et qui affirma se méfier de toute morale laïque prétendant supprimer Dieu sans en payer le prix. Comme le rappelait Eric Laurent hier soir, reprenant Lacan, l’athéisme est une position difficile à supporter car, ainsi que Sartre l’avait vu, que Dieu n’existe pas change tout à l’existence de l’homme, qui se retrouve sans appui, ayant le devoir de s’inventer lui-même. Ainsi faut-il peut-être suivre Sartre et sa morale du délaissement pour devenir véritablement athée, et ne pas simplement refouler l’hypothèse de l’existence de Dieu, l’hypothèse d’un Etre qui ne dormirait jamais ayant toujours un œil sur nous. Sartre est d’abord entré en littérature comme on entre en religion, et puis il a changé. « Martyre, salut, immortalité, tout se délabre, l’édifice tombe en ruine ». Alors qu’est-ce qu’on fait ? On arrête tout, on ne croit plus en rien ? Sartre continue d’écrire, mais sans plus croire à sa propre destinée, ayant réussi à penser contre lui-même, ayant réussi à opérer cette révolution de l’athéisme sans la manquer (selon la phrase de Benjamin que nous rappelait Russel Grigg). Alors, si on « range l’impossible Salut au magasin des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui ». Olivier Ripoll : A Jacques-Alain Miller, sur Twitter J’ai lu votre « Nouvelle Carte du Tendre », et je vous remercie vivement pour ce texte. Je me permets de vous le dire, c’est exactement ça, Twitter. Je l’imagine donc maintenant comme une Carte de Tendre, « pliée » en cross-cap, sans dessus dessous, pleine de passe-murailles. J’essaie à présent, tant bien que mal, de faire éviter à tous le Lac d’Indifférence, et souhaite à cette nouvelle Carte un destin tout aussi heureux, comme le dit Clélie.
Agnès Aflalo : Compte-rendu des tirages au sort d’hier soir Ils ont eu lieu, dans la bonne humeur, au local de l’ECF à Paris, le 21 octobre à 21h. JAM a demandé au benjamin de l’assistance, Léo Chiriaco 17 ans, aidé de Romain Renou, 35, de tirer au sort les noms des trois premières séries de noms annoncés dans le JJ. Les présents avant le début du tirage au sort, et qui ont bien voulu noter leur nom, sont :Aflalo Agnès, Alkorta Luisa, Bati Colette, Bigot Marie, Bonnaud Hélène, Chanjou Philippe, Chiriaco Sonia, Corouge Sandrine, De Fesquet Marie-Ange, Georges Nathalie, Gregoropoulou Vassiliki, Jaudel Nathalie, Padilla Rosane, Prost Pauline, Rezki Corinne, Valerim Soraya, Varela Eugénia, et Zelter Edouard. Il y a 9 salles confirmées ; une option est prise pour une dixième. Les 27 noms des orateurs se répartissent donc en trois séries horizontales de 9 noms, Première série du samedi matin : 9 des analysants de Lacan, témoignant de sa pratique. Deuxième série du samedi matin : 9 AE et ex-AE. Première série du début du samedi après-midi : 9 AE et ex-AE, suite du tirage. Le découpage vertical donne les 18 « superséquences » prévues dans le texte « Hommage à Factorielle 36 ». Les 9 superséquences du matin, notées de Sigma 01 à Sigma 09, comportent 2 noms, pris aux 2 premières séries horizontales, 4 autres noms restant à venir. Les 9 superséquences de l’après-midi, de Signa 11 à Sigma 19, ne comporte qu’un nom, prélevé sur la troisième série horizontale, 5 noms restant à venir. Résultat du tirage au sort S. 01 : Philippe La Sagna, Véronique Mariage S. 02 : Carole La Sagna, Rose Paule Vinciguerra S. 03 : Lilia Mahjoub, Bernard Seynhaeve S. 04 : Jean-Robert Rabanel, Céline Menghi S. 05 : Yasmine Grasser, Antoni Vicens S. 06 : Jo Attié, Philippe Stasse S. 07 : Esthela Solano, Dominique Laurent S. 08 : Susanne Hommel, Monique Kusnierek S. 09 : Viviane Marini, Pierre Naveau S. 11 : Massimo Termini S. 12 : Alain Merlet S. 13 : Anna Lucia Lutterbach Holck S. 14 : François Leguil S. 15 : Jacqueline Dhéret S. 16 : Patrick Monribot S. 17 : Laure Naveau S. 18 : Marie-Hélène Roch S. 19 : Marie-Hélène Brousse Chaque nom sera par JAM couplé avec un autre nom, dont le travail fera « effet de sens » avec le premier. Lorsque la dixième salle sera confirmée, nous aurons la S.10, composé du nom d’un analysant de Lacan, non encore confirmé, et de (Catherine Lazarus-Matet ou Sonia Chiriaco). La S. 20 aura le nom restant. Les salles du Palais des Congrès sont notées par des chiffres, les amphithéâtres sont désignés comme Bordeaux et Havane. JAM s’est proposé de les rebaptiser pour l’occasion. Les présents n’ayant pas émis d’objections dirimantes, les noms de baptême choisis par le directeur des Journées ont été tirés au sort, comme suit : La salle 341 sera la Salle Kurt Gödel ; la 342, la Salle des Imbroglios ; 342 b, Salles des Insights ; 343 : Salle Belle Bouchère ; 352 : Salle des Mathèmes ; 352a : Salle Parlanchina ; 352b : Salle Sabina Spilrein, 353 : Salle Vater und Sohn (Père et fils, mais en allemand, sur la suggestion de Nathalie Georges) ; Amphi Bordeaux : Amphi De Minimis, ; Amphi Havane (si confirmé) : Amphi Theodor Reik. Une fois achevée la composition des superséquences, elles seront affectées à chacune des salles par tirage au sort, à raison d’une matinale, plus une postprandiale.
Complément, par Jacques-Alain Miller Ce matin : la dixième salle est confirmée ; l’analysant supplémentaire, qui parlera de Lacan analyste, sera Jean-Claude Maleval, seul à s’être proposé dès hier. Il a bien voulu me préciser à ma demande les dates de son analyse avec Lacan : « Je me suis autorisé en 1975, encore en analyse avec Laurence Bataille. J’ai cherché alors un contrôleur. Audouard. Une catastrophe dès la première séance. Je suis allé voir Lacan. Le contrôle s’est vite transformé en une poursuite de l’analyse. En 1977, l’analyse s’est achevée, et j’ai repris un contrôle avec lui. J’ai été nommé membre de l’EFP en 77. J’ai continué le contrôle jusqu’en juillet 81. Je croisais parfois Eric Laurent. J’ai fait la passe, avec l’accord de Lacan, fin 1980. Les événements ont fait que je n’en ai jamais eu de retour. »
15h 20. La situation se complique. Razavet se propose comme « analysant de Lacan » pour la salle supplémentaire, et me fait parvenir un texte rédigé à la hâte, relatant des faits marquants de son analyse avec Lacan, tout en m’indiquant qu’il m’aurait « annoncé » ce texte la veille, ce dont aucun de mes deux ordinateurs ne garde la trace. Mais peu importe :
- En vertu des pouvoirs discrétionnaires (?) que me confère ma fonction de directeur des Journées, et dont je n’ai pas fait usage jusqu’ici, me mettant ainsi à l’abri de tout reproche (?) d’abus de pouvoir ;
- vu la situation embrouillée, créée par la fameuse « mouche du coche » Dominique Miller, dont le désir féminin est évidemment de faire dérailler, pour le plaisir, les trains masculins trop assurés d’eux-mêmes, dont le mien, tout en collaborant ardemment à la réussite du voyage, démontrant ainsi une duplicité désirante de la plus belle eau, et du meilleur effet ;
- vu la qualité du texte de Razavet, ce qu’il m’apprend sur Lacan, le plaisir que j’ai eu à le lire ;
- je décide d’inscrire et Maleval et Razavet dans la Sigma 10, ces deux collègues formant ainsi la première paire (« séquence ») achevée du programme de ces Journées.
Je souligne, à toutes fins utiles, et à bon entendeur salut, que je ne lèse ainsi aucun des collègues ayant envoyé son texte avant la deadline, puisque cette double inscription se fait sur le contingent imprévu de 12 places supplémentaires que m’apporte la dixième salle voulue par Dominique Miller. M’être mis dans la position de me justifier sans arrêt – plus précisément, de démontrer interminablement à un Autre exigeant, méfiant, et passablement féminin, qui abuse de ma faiblesse, que je suis juste et que je raisonne bien – me fait sentir par quels fils je suis encore relié à mon fantasme, et que je suis loin d’atteindre à cet « athéisme » qui est prôné à la fois par Sartre, Lacan, Eric Laurent et Clotilde Leguil. Sauf que, évidemment, loin de me faire souffrir mille morts, comme dans mon enfance et mon adolescence, ce rapport torturant à cet Autre fantasmé m’amuse le plus souvent, et parfois me dope. Ma jouissance est là, tout le monde s’en aperçoit. Au lieu de me causer du déplaisir, ce plus-de-jouir, certes pas ramené à zéro, me cause maintenant, grâce à la reconfiguration issue de mes analyses, du plaisir. Là est la source intime de la doctrine qu’il m’arrive d’exposer à mon cours sur la fin de l’analyse. Au fond, je suis un cas clinique assez instructif, et théoriquement utilisable. J’en parlerai à Rennes. Cependant, de l’Autre et de ses caprices, même si moi, ça me branche, point trop n’en faut dans l’institution. Je suis bien content d’avoir vu passer ce matin sur Twitter l’annonce d’une conférence de mon vieil ami Gérard Wajcman, qui, si je me souviens bien, critiquera l’exigence contemporaine de transparence absolue. Je lui en demanderai le texte. [Comme je ne sais même pas s’il lit le Journal, puis-je vous demander, Laure, de lui envoyer ce numéro ? (Laure est Laure Naveau).]
PS. Francesca Biagi-Chai et Rose-Paule Vinciguerra m’ont fait savoir qu’elles avaient le désir d’intégrer le corps des nouveaux mentors, et qu’elles avaient les qualités requises. C’est avec plaisir que je les y accueille, en les remerciant. POLITIQUE ET PSYCHANALYSE 1 Para una izquierda lacaniana Jorge Aleman
Mon ami Aleman, philosophe et psychanalyste distingué, remarquable styliste, membre de l’AMP, conseiller culturel de l’Ambassade d’Argentine à Madrid – nommé, je crois, par Pépé Nun, déjà mentionné dans ce Journal – m’adresse ce texte de lui, paru aujourd’hui dans Página 12, le Libération argentin (plus réussi que Libé…). Pas le temps de le traduire. Si quelqu’un se propose pour le faire, je republierai en français cette précieuse contribution à notre réflexion. Je serais content de savoir comment le prendrait, par exemple, une Cynthia Fleury, ou même un Milner, ou encore, dans un autre ordre d’idées, une Carole La Sagna, voire tous les candidats au Conseil de l’Ecole, voire le président de l’AMP, voire les membres de l’EOL et de l’ELP, voire tout le monde dans le Champ freudien.
El autor propone una praxis de izquierda fundada en “el pensamiento de Jacques Lacan, única teoría materialista sobre el malestar del siglo XXI”, y sostiene que “la enseñanza de Lacan puede iluminar lo que aún permanece impensado: la derrota, a escala mundial, del proyecto revolucionario de izquierda”.
La expresión “izquierda lacaniana” reúne términos que no han surgido en principio para estar juntos, lo cual abre una cuestión sobre la legitimidad de su vinculación. Salvando las distancias, es como cuando en Europa decimos “izquierda peronista” y de inmediato se multiplican las suspicacias. Intentaré determinar en qué puede consistir lo que llamo una izquierda lacaniana.
¿Qué significa ser de izquierda en el siglo XXI? ¿Qué valor tiene la expresión y qué tipo de compromiso designa cuando el relato histórico que dio lugar a la misma se ha desvanecido tanto en su praxis teórico-política como en su eficacia simbólica para otorgar un principio de legibilidad sobre lo que es la realidad? Ninguna realidad por consistente y hegemónica que se presente, como por ejemplo es el capitalismo actual, debe ser considerada como definitiva (es cierto que, actualmente, para no considerar definitivo al capitalismo es necesario hacer un gran esfuerzo, ahora que, en su amalgama con la Técnica, ha logrado poner todo el “ser de lo ente” a disposición para emplazarlo como mercancía). Ser de izquierda implica insistir en el carácter contingente de la realidad histórica del capitalismo.
No se puede hablar de “lucha anticapitalista” porque el discurso capitalista que plantea Lacan no ofrece un punto desde donde se pueda localizar el sitio donde efectuar el corte. El discurso capitalista le confiere a la realidad una conexión de lugares capturados en un movimiento circular con respecto al cual una lucha directa es un absurdo lógico, un absurdo como luchar contra la técnica o el rizoma. A su vez, la salida histórica es irrepresentable, porque tal vez convenga dejar por ahora vacío el lugar que surgiría más allá o después del capitalismo. Cualquier definición reinscribiría ese lugar en un sentido ya consumado históricamente. No hay una semántica “anticapitalista”, hay siempre una tensión hacia un significante “nuevo” y aún por descifrar.
Por otro lado, no hay una historia de la humanidad que necesariamente fuera a desembocar en el capitalismo. En este aspecto, entendemos por capitalismo algo diferente a una evolución progresiva de los “modos de producción”; más bien se trata de una serie de bifurcaciones históricas contingentes que han entrelazado de modo inestable la técnica, la mercancía, el saber, en aquello que denominamos el relato moderno. A su vez, el relato moderno es una categoría narrativa, más que un orden histórico perfectamente delimitado. Ahora bien, es propio de cierta tendencia historicista transformar un acontecimiento, por el solo hecho de haber sido posible, en necesario. Esta tendencia la reconocemos cuando, frente al hecho acontecido, se explican los antecedentes que, “inevitablemente”, conducían al mismo.
De cualquier modo, aun cuando la salida del capitalismo o pasaje a otra realidad haya quedado diferida, aun cuando ese tránsito nunca esté garantizado y pueda no cumplirse, aun cuando esa otra realidad distinta a la del capitalismo ya no pueda ser nombrada como socialismo, en cualquier caso ser de izquierda es no dar por eterno el principio de dominación capitalista. Este principio de dominación, desde una perspectiva lacaniana, es primero de orden político, aunque en el caso del capitalismo es evidente que la economía juega un papel determinante. Pero no ya como “determinación en última instancia”. Hay que tener en cuenta que también el mercado está atravesado por la fractura entre lo real y la realidad, y puede dislocarse; de allí que ahora se vuelva más pregnante que nunca el “qué quiere el mercado de nosotros”.
También es necesario destacar que la dominación no pertenece exclusivamente a la época del capitalismo. Hay dominación porque el sujeto, en su propia constitución, no puede darse a sí mismo su propia representación. La barrera simbólica que lo constituye lo separa de la pulsión, pero a la vez establece una donación de un plus de satisfacción pulsional que se asocia a una serie de “mandatos”, “dichos oraculares y primeros”, “imperativos”, significantes amos que, sin representar al sujeto exhaustivamente, determinan su lugar.
La subversión de dichos significantes amos nunca se realiza en una toma de conciencia o en una destrucción crítica de los mismos. Este es precisamente el problema de la ideología en lo que podríamos llamar su fijeza fantasmática. La ideología no es una ilusión o una falsa conciencia, es una articulación entre los significantes amos que surgen fuera de sentido, como designadores del encuentro con lo real, y los objetos que el propio sujeto pierde en el acceso a lo simbólico. Una amalgama entre el significante amo y el plus de gozar que produce el taponamiento contingente de la división constitutiva del sujeto. La ideología es una articulación entre mandatos o ideales, por el lado del significante amo, y rechazos o “imputaciones al Otro” del lado de los objetos de la pulsión. Y ésta es la mezcla de servidumbre y satisfacción sádica que toda ideología, en el límite, pone en juego.
Sujeto neoliberal Actualmente, se percibe con claridad que no sólo el totalitarismo intentó producir un sujeto nuevo, sino que también el llamado “neoliberalismo” es el intento de construir, sobre la aniquilación del sujeto moderno (el crítico, el freudiano y el marxista), un individuo autista y consumidor indiferente a la dimensión constitutivamente política de la existencia, un individuo referido sólo al goce autista del objeto técnico que se realiza como mercancía subjetiva en la cultura de masas. No obstante, no se trata de criticar o rechazar a este individuo, ni de despreciar su masividad mediática desde una nostalgia seudo aristocrática; más bien, al modo freudiano, se trata de hacer comparecer la sentencia que podemos formular así: “Allí donde el individuo neoliberal del goce autista es, el sujeto excéntrico del inconsciente debe advenir”.
El individuo neoliberal es el punto de partida para pensar cuál es la práctica operativa que se corresponde con su tiempo. Si decimos punto de partida es porque el individualismo liberal, por consistente que aparezca en su autismo consumidor, no puede clausurarse sobre sí mismo. El tiempo de su existencia establece las condiciones para que ese individuo pueda ser desestabilizado en sus propios fundamentos, y allí, en esos resquicios y puntos de fuga, es donde la práctica política que incluya al psicoanálisis debe intervenir. En este punto, se trata de tensar al límite la relación histórica entre la vocación política de izquierda y el psicoanálisis, desde el único hecho histórico que le puede otorgar fuerza a la interpelación: tanto la invención freudiana como el desarrollo de la enseñanza de Lacan se constituyen, de entrada, como una lectura sinthomática de la izquierda, una lectura de sus textos, prácticas y aspiraciones.
A su vez, ser de izquierda es pensar que la explotación de la fuerza de trabajo y la ausencia de justicia no sólo sigue siendo un insulto de primer orden hacia la propia construcción de la subjetividad, sino que la brecha ontológica en la que el sujeto se constituye, la división incurable que marca su existencia con una singularidad irreductible sólo puede ser captada, en su “diferencia absoluta”, por fuera y más allá de las jerarquías y divisiones instauradas por el poder del mercado. Por ello, el impensable fin del capitalismo, si tuviera lugar, sería paradójicamente el comienzo del viaje, el inicio de la afirmación tragicómica de la existencia, el “tú eres eso” de un sujeto por fin cuestionado, sin las coartadas burguesas que desde hace tiempo lo llevan inexorablemente a estar disponible para todo. La izquierda marxista puede elaborar su final en el único ámbito en el que ese final puede adquirir un valor distinto al de cierre o cancelación, un final que no es tiempo cumplido, sino oportunidad eventual para otro comienzo. Ese ámbito tal vez pueda ser el pensamiento de Jacques Lacan, única teoría materialista sobre el malestar de la civilización propio del siglo XXI. El hecho de que Lacan planteara la elaboración de su discurso como una “praxis sobre lo real-imposible”, sobre un real al que no puede acceder el discurso, pero que a la vez es a través del discurso (comprendiendo en esto la escritura) que se puede acceder, esta cuestión primordial de lo real es lo que distingue su intento teórico de la hermenéutica, de la deconstrucción y de las “otras éticas”.
Considero que Lacan constituye el único intento serio de poner a prueba hasta dónde lo simbólico puede y no puede transformar, a través de una praxis, lo real. Sólo admitiendo cuáles son las condiciones de constitución del sujeto, y cómo experimenta el límite de sus transformaciones, podemos aprender sobre las condiciones, soportables o no, de una mutación subjetiva que no sea mero estupor o perplejidad y que pueda ser transmitida en su condición de experiencia. Por ello, tal vez no haya otro discurso como el lacaniano para reconocer con la mayor honestidad lo que enseña una praxis en su impotencia por modificar lo real. Y por esto mismo, el pensamiento de Lacan puede ser la oportunidad para iluminar con un cierto coraje intelectual lo que aún permanece impensado en el final: la derrota a escala mundial, a partir de los setenta, del proyecto revolucionario de izquierdas. Derrota que el saber posmoderno escamoteó para el pensamiento. En este aspecto, Lacan desde el comienzo ha preparado, a través de lecturas y puntuaciones diversas, las condiciones para que el pensamiento marxista pueda elaborar su propio final, en el único lugar donde la elaboración es posible: en el trabajo de duelo que se hace fuera del hogar, del hogar filosófico.
Lacan comenzó “deshegelianizando” el materialismo de Marx, planteando un hiato irreductible entre la verdad y el saber. Pero este hiato constituirá la ocasión de un homenaje definitivo a Marx; para Lacan, el inventor del síntoma como verdad imprevisible e incalculable que no puede ser domesticada por el ejercicio de un saber, es Marx, y no Freud. Desde esta primera perspectiva general se puede encontrar en Lacan, a partir de 1938, un desmontaje meticuloso de todos los motivos marxistas: el análisis de la mercancía incorporando la temática del goce pulsional, las distintas objeciones a la teleología histórica y a la metafísica de su sujeto, la presentación de una temporalidad problematizada con las distintas modalidades del retorno y liberada de todo fantasma utópico.
Donde tampoco se trata de “progresismo”, porque la temporalidad del sujeto que surge como resultado de la brecha ontológica no es rectilínea, es un “futuro anterior” que reúne de un modo absolutamente específico los éxtasis temporales del pasado, presente y futuro, en una doble conjetura: lo que “habré sido” para “lo que estoy llegando a ser”. Y no se trata de utopía, porque utopía siempre implica la reconciliación final de la sociedad consigo misma. Por último, la izquierda lacaniana debe subvertir la semántica de la revolución. Una izquierda lacaniana es siempre una reescritura de un legado y una herencia, un desciframiento que establezca y pruebe suerte con un nuevo tipo de alianza con la pulsión de muerte inscrita en el modo en que la civilización acontece en el país.
Una de las primeras posiciones de Lacan es no admitir el telos histórico del materialismo marxista, ni los movimientos dialécticos del en sí-para sí, pero sí dar todo su valor de verdad a la plusvalía estableciendo una compleja homología con lo designado por Lacan como “plus de gozar”: el verdadero secreto del capitalismo reside en una economía política del goce. La operación fantasmática a través de la cual el sujeto conquista su realidad y su consistencia toma su punto de partida en ese plus de gozar que funciona incluso en condiciones de miseria extrema. De lo que se despoja a las multitudes es de los recursos simbólicos que permitan establecer e inventar en cada uno el recorrido simbólico propicio para el circuito pulsional del plus de gozar. La miseria es, en este sentido, el estar a solas con el goce de la pulsión de muerte en el eclipse absoluto de lo simbólico. La no “satisfacción de las necesidades materiales” no sólo no apaga el circuito pulsional, sino que lo acentúa de modo mortífero. En este aspecto, el capitalismo, al igual que la pulsión, es un movimiento circular que se autopropulsa alrededor de un vacío que lo obliga siempre a recomenzar, sin que ninguna satisfacción lo colme de un modo definitivo. Aunque siempre realice un plus de goce parcial y excedente a toda utilidad. Para una izquierda lacaniana, pensar las consecuencias de esa “parte maldita” en los procesos de subjetivación es una exigencia política de nuevo cuño. Por ello, si es cierto que actualmente el poder ha devenido biopolítico, tomando para sí como asunto esencial la “vida” biológica, en una perspectiva lacaniana agregaríamos que, tratándose de la vida de los cuerpos parlantes, sexuados y mortales, es la vida del plus de gozar. El cuerpo del parlante no es otra cosa que la sede del plus del goce. Series televisivas de médicos, forenses, operaciones televisadas, programas de salud, en todos los casos se intenta capturar, en la época en que la ciencia quiere borrar la frontera entre el ser parlante y el animal, el plus de gozar que anima a la biología del cuerpo. ¿Podrá la técnica volver el plus de goce una unidad discernible, cuantificable, localizable? No es una paradoja menor que el goce pulsional sea la única “autonomía” (no consciente ni reflexiva) que le queda a la existencia parlante frente a la exigencia técnica de que el mundo devenga imagen.
* Extractado de Para una izquierda lacaniana. Intervenciones y textos, de reciente aparición (ed. Grama). © 2000-2009 www.pagina12.com.ar | República Argentina | Todos los Derechos Reservados
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