JOURNAL DES JOURNÉES N° 32 le mardi 6 octobre 2009, édition de 15h 05
LETTRES ET MESSAGES
Nathalie Georges : Le rêve du loto Cher Jam, vous qui n’avez pas la télévision, avez-vous jamais assisté au tirage du loto ? J’ai rêvé que nous, les deux cents, nous trouvions ballottés dans ce simili-accélérateur de particules transparent, réduits – shrink’d – et emmaillotés comme des Hopis dans nos textes arborant un grand numéro, à l’entrée de la salle bleue (oui je sais, nous avons changé d’amphithéâtre, mais le rêve ignore le temps comme vous savez). En même temps nous, grandeur nature, dans nos affûtiaux ordinaires, faisions sagement antichambre en devisant sotto voce, et donc des préposées (oui, c’étaient des dames, on est responsable de son inconscient) procédaient au tirage et constituaient l’un après l’autre des tiercés, deux exposants et un président, qui étaient alors appelés, et c’est ainsi que se distribuait le sort, sourd et aveugle, dans le désordre imprévisible que forment les arrivées en ce Palais, tributaires des trains, métros et autres vicissitudes des transports parisiens, et tout cela s’écoulait, fluide et tranquille, comme le long fleuve de la vie. Et le reste ? Eh bien, le reste était naturellement envoyé à la revue, lu avec grande attention et édité avec grand soin par son équipe dévouée et très intéressée à la suite des opérations comme vous le savez aussi. Et le reste du reste ? Il faut demander à Gérard W., spécialiste.
Corinne Rezki : Que les piropos sont doux… Cher Jam, voici la façon dont j’ai accueilli votre échange avec Lilia Mahjoub dans le JJ: Que les piropos sont doux aux oreilles d’une femme qui se sait aimée… Les anti- piropos la touchent également, lui rappelant qu’elle n’est qu’une femme… Mais qui mieux qu’une femme ne connaît la mascarade des mots, dont seul l’ajustement dans un bien-dire peut provoquer amusement, rire, larme, pleurs… Bien prendre ou mal prendre ce qui se dit, ce qui s’écrit… dépendrait-il de cette capacité, de cette dis-position, de cette dite-position (féminine, et celle du psychanalyste), à percevoir dans le mi-dire des mots: witz, wunsch…wunderbar!
Adélaïde Ortéga : Siffler le piropo Monsieur, dans les souvenirs – (écrans ?) – de mon éducation de jeune fille espagnole, on appelait « un piropo » le sifflement admiratif – pas de mot en français ? – émis par un homme, dans la rue, à la vue d’une belle femme. Il fallait le prendre comme tel, mais ne pas y répondre, ne fût-ce que par un regard. A distinguer du sifflement dépréciatif à la vue d’une Française en short (souvenir personnel). Un savoir-faire, siffler, était réservé aux hommes, et servait à dire bien des choses. Plus distingué : l’art de faire un mot – d’esprit, si possible – digne de la beauté de la femme. En Andalousie, les garçons devaient sans doute s’entraîner, non seulement à siffler, mais à composer ces petits compliments. Dans la tradition du flamenco chanté par les hommes, on retrouve ce genre de phrases élogieuses sur la beauté féminine. J’ai ces sons en mémoire, et je saurais peut-être les reproduire, malgré l’interdit ! J’espère trouver confirmation de cette interprétation du piropo auprès du SSS espagnol. Note de Jam : donc, appel au lecteur espagnol, latino – et italien, peut-être aussi.
Marie Laurent : Le grand écart Cher monsieur Miller, oserais-je vous comparer à Jeff Koons installant l’art kitsch à Versailles pour notre plus grand bonheur ! L’annonce des people aux JJ, la jubilation de quelques-uns, l’esbroufe des humeurs en direct tout-ça-en-un-temps-record, un peu de grotesque, un peu de brillant, un zeste de délice, et voilà que l’on entend le rire de Dieu raisonner dans les murs du si sérieux château…Cette école de psychanalystes travailleurs a bien un pied dans le 21ème siècle. Tant que l’autre est planté en terre étrangère, plus loin, ailleurs, ça me va… Parce que c’est à ce prix seulement que le rire n’est pas un ricanement, juste une condition de notre moderne humanité, qui ne coïncide pas avec elle-même, n’est-ce pas ?
Jacques-Alain Miller : Rélexions en marge La fantaisie, pour se donner libre cours, exige de la rigueur. C’est comme ça dans l’analyse, où « une régularité quasi bureaucratique » (Lacan) s’avère nécessaire à libérer une alvéole subjective d’improvisation absolue. Les consignes ont été respectées de presque tous ; de ce fait, le classement des travaux a été grandement facilitée. ; Pierre Naveau fonce. Invariable, à une heure du matin, il dresse la liste des textes reçus. Par Internet, je me trouve avoir le plaisir de communiquer, en public et en privé, avec un nombre croissant de personnes, connues ou inconnues de moi, des épars désassortis, selon l’expression de Lacan soulignée par Jeanne Joucla. C’est risqué, je m’éparpille et me désassortis de moi-même, mais… comme c’est amusant ! Et cette Marie Laurent, qui a tout compris – mon goût des bouffonneries, ma parade du « tout-ça-en-un-temps-record », les ravages de mon esbroufe, de mon ironie… et surtout le grand écart de l’analyse entre le bel aujourd’hui et le hors-temps de l’inconscient. D’où sort-elle ? Par retour de mail, je lui demande de m’appeler – aussitôt, sonnerie du téléphone, c’est elle. Médecin à Bordeaux, dirige un service d’addictologie – elle se présentait dans son mail comme « une petite voix en analyse »… Oui, sans doute, mais une plus grosse voix dans son service, nécessairement… Pourquoi ce sentiment étrange de familiarité ? Ah oui ! c’est son nom… Il me rappelle Méry Laurent, la voisine et la muse de Mallarmé, le m’introduire dans ton histoire… La communication immédiate caractérise l’époque, pour le meilleur et pour le pire. Elle a du bon : augmentation de notre puissance d’agir, liberté croissante, agilité, faculté permanente de faire salon, mise en commun des ressources intellectuelles, la vie quotidienne vécue à plusieurs… enfer ou paradis… Twitter ! Message à Luc Garcia : Twitter, j’y suis inscrit, mais je ne comprends pas comment faire fonctionner le truc. Voulez-vous m’expliquer en détail, dans le Journal ? On va voir ce qu’on peut en faire pour les Journées. Le pire ? Pas de doute, c’est une tyrannie. La contemplation, la méditation, la mélancolie, l’acédie, la dépression, l’otium, le loisir, la lenteur, les langueurs, le flâner, le musarder, le baguenauder, le glander, non pas seulement le dimanche de la vie de la triade sacrée Hegel-Kojève-Queneau, mais même le sacro-saint Week-end franchouillard, et, par dessus le marché, « les sanglots longs des violons de l’automne… » – toutes ces institutions augustes de la pensée, et de la sensibilité fléchissent sous les assauts incessants du signifiant toujours dispo. Que nul n’entre dans le XXIe siècle s’il n’est hypomane… L’appareil dit nomade, ou portable, si serviable, corvéable à merci, jamais un mot plus haut que l’autre, a fait son nid dans notre cervelle, il y a pondu ses œufs, il y est désormais accroché comme une tique à la peau d’un chien. Alléluia ! un nouvel organe nous est poussé, Notre cher et vieux In-der-Welt-sein s’en trouve chaviré de façon irréversible. Quelque chose du rapport du Dasein à l’espace et au temps, resté intouché depuis l’origine, a été pollué, qu’aucune écologie ne nous rendra pur. Des constantes anthropologiques parmi les plus assurées, ont désormais la danse de Saint-Guy. Le monde de la longue durée n’a pas disparu, non. Il n’est pas englouti comme l’Atlantide, non. Il est toujours là, oui. Il survit, il vivote, il papote, il tremblote, il est passé au rang de patrimoine. Il fait l’objet de tendres nostalgies, il est le ressort de résistances féroces, mais tout le monde sent bien que c’est une cause perdue, comme la monarchie héréditaire et l’Algérie française. Tout doucement, il sort de l’actualité, il s’efface, fade away… Bientôt, demain, tout à l’heure, il sera hors service, honoré, muséifié. Tel le Roi d’Egypte, c’est « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui » qui triomphe au son des trompettes d’Aîda. Rien à voir avec l’éternel présent du « Sonntag des Lebens », où l’on se prélassait aux frais de la princesse. Quelle princesse ? Prinzessin Geschichte, la princesse Histoire, venue à bout de course, et retirée des affaires du monde. La vieille coquette entretenait dans sa thébaïde un gigolo fourbu, Herr Geistes, qui passait son temps à siroter des apéros dans un petit caboulot, en racontant les bobards de ses hauts faits. Enfin Georg Wilhelm Friedrich Hegel vint. Il prit au sérieux le vieux cabot, et se fit son amanuensis, comme le furent pour Socrate, Samuel Johnson et Napoléon, Platon, Boswell et Las Cases. Sur une île déserte, qu’emporterais-je plus volontiers ? La Phénoménologie de l’Esprit, ou Casanova, l’Histoire de ma vie ? Plus de concepts d’un côté, de femmes de l’autre. Au fond, avec la Bible, on a les deux. Voilà pourquoi ce bouquin a tant de fans. Notre présent à nous est parcouru des secousses instantanées. Valéry disait déjà de Bossuet : « il spécule sur l’attente qu’il crée, tandis que les modernes spéculent sur la surprise ». L’instant impensable, impalpable, et informe, ne règne, ni ne triomphe, car, pour ça, il faudrait encore qu’il durât. Il fulgure. Il n’a pas plus de réalité dans le temps que le point dans l’espace. L’instant est dématérialisé, et, nous qui vivons au rythme du signal instantanée, il nous dématérialise à sa suite. La séance avec Lacan, telle que je l’imagine, n’était pas « courte », elle était instantanée, dématérialisante. Ah ! mais… voilà pourquoi ce grand appétit de « Journées », de raouts, de fêtes – de rencontres, dit Z* : apporter son corps, trouver des corps…
ELECTIONS A L’ECF Les textes de cette rubrique sont publiés dans leur ordre d’arrivée à l’adresse [email protected] Parus : Agnès Aflalo, Francesca Biagi-Chai, Philippe De Georges, Dominique Holvoet, Jean-Daniel Matet, Nathalie Georges, Anne Ganivet-Poumellec, Jean-Pierre Deffieux, Pierre Naveau ; à paraître : rien pour l’instant. Ci-dessous, textes de Paolo Siqueira, candidat au Conseil ; d’Eric Laurent et Jacques-Alain Miller, candidats aux Cartels de la passe.
Paulo Siqueira : Pour un Conseil du temps des Carnavals L’ECF, si je comprends bien, d’après ce qu’on annonce comme innovations pour les prochaines Journées, aspire à une nouvelle période dans son existence, où, au moins une fois par an, et sans renoncer à la série du un par un dans nos congrès aux rituels immuables, l’on va admettre le multiple, dans l’esprit des Carnavals, selon Jam. Quoi de plus naturel dans ce cas, qu’un Brésilien d’origine, et Français par choix forcé, devant la perspective que l’École, connue par son esprit de sérieux (au sens lacanien du terme) adopte désormais le style de la Folia (l’autre nom du Carnaval en langue portugaise ), veuille donner sa contribution à un tel renouveau de l’esprit de notre vie associative ? Bref, je me suis décidé à me porter derechef candidat aux prochaines élections des membres du Conseil de l’ECF, après avoir échoué l’année dernière dans ma première tentative. Je ne crois pas avoir servi ma cause (ni la Cause freudienne) en vous adressant alors une lettre de candidature dans le style de Magritte : « Ceci n’est pas une candidature » , ce qui a provoqué un malentendu compréhensible chez des amis qui ont pris cette phrase au pied de la lettre. Non sans surprise, moi qui croyais qu’avec mon style, je serais sûrement le moins voté des candidats, j’ai réussi quand même à arriver au bout des décomptes des voix en avant-dernière position ! Pourtant, ce qui advient maintenant à l’École m’a tout l’air d’être les prémices d’un nouveau vent qui s’engouffre dans nos voiles de l’ECF, grâce, encore une fois à Jam, qui fidèle à sa fonction d’au-moins-un, nous fait sortir de nos automata! Le nouvel esprit de nos échanges par courriel laisse présager qu’on laissera désormais la place au happening, non seulement dans nos Journées (oh combien sérieuses, studieuses, etcetera, mais réfractaires à toute surprise, et de plus en plus prise dans le pousse-à-l’ennui), mais aussi dans son style en général. Ce qui me redonne l’envie de me jeter à l’eau, de demander une deuxième fois à notre communauté de membres, qu’elle me donne la chance de contribuer dans le Conseil au renouvellement de notre École, afin de porter le souffle rafraîchissant de ces Journées au-delà, c’est-à-dire, dans le fonctionnement le plus quotidien de notre École… Tant pis si, jetant encore une fois les dés qui jamais n’abolira le hasard, je ramasse encore une fois une gamelle ! Voici les postes de responsabilité que j’ai assumés dans le Champ freudien.
- Responsable du Collège Franco-Brésilien
- Rédacteur en chef de la revue La Cause freudienne
- Membre élu en AG du Comitê d’Action de l’AMP-Ecole Une.
- Directeur de l’Envers de Paris
Eric Laurent, Jacques-Alain Miller : Acte de candidature Nous nous présenterons aux suffrages de l’Assemblée pour intégrer, deux ans durant, les Cartels de la passe. Nous voudrions, avec nos huit collègues, contribuer à faire souffler le vent des Journées sur la procédure et sur l’élaboration.
OUKAZE Le choix des exposés, leur distribution en salles, et la confection du programme, seront assurée par le directeur des Journées de Novembre, J.-A. Miller, avec les membres du Directoire de l’Ecole : Hugo Freda, président; Francesca Biagi-Chai, Pierre Naveau, et Dominique Miller. 1- La dead line pour intervenir aux Journées est fixée au jeudi 8 octobre à minuit. Vous pourrez toujours perfectionner vos énoncés jusqu’à la veille des Journées (non les allonger indûment). Envoyez de préférence votre texte entre le lundi 5 octobre et le jeudi 8 à minuit, envoyez d’emblée une copie au point, et non pas deux ou trois corrigeant des erreurs, c’est à rendre fou. 2- Le texte de l’exposé proposé sera envoyé par mail exclusivement. Pas de papelard. 3- Le mail devra comporter comme objet, en majuscules : NOVEMBRE. 4- L’envoi se fera aux deux adresses suivantes (pas l’une ou l’autre, les deux ensemble) : J.-A. Miller, [email protected] ; Pierre Naveau, [email protected] 5- Le texte est à taper en caractères Times New Roman, corps 12, avec double interligne; en haut, centré, votre nom, et, sur la ligne du dessous, le titre. 6- Il sera envoyé comme document Word 2004, de format spécial RTF. Sur l’item électronique porteur du texte, c’est à dire l’icône du document telle qu’elle apparaît à l’écran quand le texte est fermé, mettez comme étiquette votre nom propre – et non pas le titre des Journées, ou le titre. Si vous voulez bien respecter ce standard, cela facilitera beaucoup le classement rapide du matériel, et l’expédition au président de séance qui vous sera affecté, et qui devra aussi lancer la discussion. Précision : on peut être à la fois intervenant et président de séance (pas en même temps, pour sûr). 7- Rappelez-vous : l’exposé doit être lu en un quart d’heure (tolérance jusqu’à 20 minutes, mais pas une de plus). Donc, centrez votre propos, réduisez ou omettez les citations des auteurs. Ceci n’est pas une encyclopédie, ni un centon, c’est une flèche.
Questions sur l’envoi des travaux: Dominique, [email protected] Problèmes avec l’inscription aux Journées : Francesca, [email protected] Plaintes, protestations, concernant la préparation des Journées : Hugo, [email protected] Mise en vente à la Librairie des Journées : Anne, [email protected] Réception du Journal, liste de distribution : Philippe [email protected] Journal en pdf : Dominique, [email protected] Direction des Journées : JA, [email protected]
Les Journées 38 ont lieu les 7 et 8 novembre prochains à Paris, au Palais des Congrès ECF 1 rue Huysmans paris 6è Tél. + 33 (0) 1 45 49 02 68 S’inscrire sur www.causefreudienne.org diffusé sur ecf-messager et sur forumpsy