Editorial
Autour du thème des journées de lECF des 7 et 8 novembre 2009 : « Comment on devient psychanalyste à lorée du XXIe siècle ». Dirigées par Jacques-Alain Miller. « Une leçon de Freud psychanalyste au-delà du diagnostic psychiatrique » Dans son cours du 17 novembre 2008, « Choses de finesses en psychanalyse » Jacques-Alain Miller distingue le singulier du cas dans la cure psychanalytique qui le rend unique, du particulier qui implique en arrière plan une comparaison possible avec un cas semblable et ne relève pas du discours analytique. Ceci vaut quelque soit la structure, et cest en cela que la psychanalyse est lavenir de la psychiatrie. Il y évoque, de manière discrète, » comme en passant « , et néanmoins très éclairante, Freud exposant sa réflexion sur » un cas de paranoïa en contradiction avec la théorie psychanalytique « . Freud ne se laisse jamais enfermer dans un savoir acquis, fût-il le sien et offre à ceux qui suivront, la démarche de sa pensée articulée au désir de savoir que Lacan appelle ses « amours avec la vérité ». Ce cas de paranoïa féminine est sur ce point exemplaire. Freud reçoit une jeune femme, conduite chez lui par un avocat à qui elle sest adressée en proie à un délire de persécution. Freud accepte cette condition, la présence dun tiers dans lentretien. Il privilégie la nouveauté, la personne, au formalisme opposable en théorie à cette demande inhabituelle. Elle ne se plaint pas, elle porte plainte contre son fiancé qui aurait » fait prendre par des spectateurs invisibles des photos de leurs tendres ébats, » pour lavoir ensuite à sa merci. Un Autre devenu » méchant « , qui jouirait delle, de son être bien au-delà de toute jouissance sexuelle quelle na pu intégrer. Le déclic de lappareil photo perçu dans le réel lui en donne la certitude. Après le récit détaillé, digne de la nouvelle de Flaubert » un coeur simple « , Freud reconstitue la vie de cette jeune femme avant la rencontre amoureuse, puis les caractéristiques assez surprenantes de celle-ci. Il y découvre la conjoncture sexuelle du déclenchement et le délire qui sy greffe dans laprès-coup. A ce moment là, la paranoïa est conçue par lui comme une défense contre « les tendances homosexuelles ». Dans ce premier entretien cela ne se vérifie pas. Le second « apporte des compléments » que Freud est allé chercher dans la » finesse » du cas. Le déclenchement nest plus » le coup de tonnerre dans le ciel serein » propre à la psychiatrie mais apparaît dédoublé, logifié, » nécessaire « . A son travail, un lien de tendresse privilégié lattachait à une supérieure hiérarchique, une figure maternelle. Cest à cette femme que son fiancé aurait rapporté une première visite, chaste, quelle avait faite chez lui. Cette première certitude avait déjà fissuré, en « occupant la place du père », ce que Freud appelle le « complexe maternel ». Un « appui », Un père, en labsence de métaphore du désir de la mère, surgit là comme intrus. La dimension homosexuelle que Freud retrouve là témoigne dans son écrit dun lien unilatéral de mêmeté, identitaire et non didentification, « par un petit bout de régression [
] elle est devenue elle-même la mère ». Un lien puissant résiste et progressivement déstructure le sujet. A qui naurait pas saisi, Freud replace le bruit entendu sur le plan de la réalité psychique, le réel. Et la source de ce réel est dans le corps, dans le battement du clitoris, projeté au dehors sans avoir été, donc, significantisé. Il est différent en cela des formations de linconscient. La paranoïa demeure pour Freud non élucidée, mais la place quil fait dans son désir à la singularité du cas fait quil en dit et transmet bien plus que peut être il ne le soupçonne et cest cela qui permet les élaborations ultérieures, pour peu que comme la fait Lacan rien ne soit négligé, sélectionné.
Francesca Biagi-Chai
Nouveauté du site En écoute ce mois-ci, la conférence de Gérard Wacjman, « La tyrannie du regard » donnée lors de la soirée d’enseignement « L’esprit de l’époque n’existe pas : enquête sur les artistes et les symptômes contemporains » animée par Marie-Hélène Brousse et Dominique Laurent. Il s’attache à analyser la place du regard comme centrale dans le monde contemporain et susceptible de « définir une nouvelle civilisation ». Evénements Conversation des Sections cliniques « L’Autre méchant » Dimanche 1er février Maison de la Mutualité, Salon Jussieu-Monge, 24, rue Saint Victor – Paris Ve Soirées de Février 2009
Au local de l’ECF , 1 rue Huysmans, Paris, 21h15. Voir le calendrier.
Mardi 3 : Etude du cours de Jacques-Alain Miller, « De la nature des semblants ». Pierre-Gilles Gueguen avec Victoria Horne-Reinoso et Catherine Meut. Invitée : Dominique Laurent qui parlera sur le thème « Les femmes et le semblant ».
Mercredi 4 : Conférence clinique de l’institut du Champ freudien : Jean-Pierre Deffieux : « SERIEUX ET CAPGRAS, les fous raisonnants » dans la série « La paranoïa selon les grands psychiatres » sous la présidence de Jacques-Alain Miller. Jeudi 5 : Une clinique des semblants ? Bernard Lecoeur