« L’INHUMAIN »
Une série documentaire de Martin Quenehen
DU 3 AU 7 NOVEMBRE, À 16h, SUR FRANCE CULTURE (93.5 FM)
Podcast:
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/sur_docks/
Lundi 3 novembre:
L’HOMME AUX DOIGTS DE SANG
Dans les camps de concentration et d’extermination nazis et sur les collines du Rwanda, l’inhumain a exercé son empire. Comment la haine de l’autre s’est-elle enracinée, jusqu’à éclore en génocide ? Comment l’inhumain a-t-il été élaboré en une machine de mort, un système meurtrier ?
Juifs et Tutsis ont été « déshumanisés ». Des soldats, des hommes ordinaires, se sont changés en bourreaux, en insatiables assassins en série. « J’étais comme un chien enragé », raconte un tueur hutu. Les génocidaires sont-ils responsables de leurs crimes inhumains, ou n’ont-ils été qu’obéissants, terrorisés, voire possédés ? Et les rescapés ? Revient-on jamais vivant d’Auschwitz ? « C’est une partie de notre vie qui s’éteint pour ne jamais plus se rallumer », écrit Jean Améry. « Depuis le génocide, je me sens toujours poursuivie, le jour, la nuit », confie Francine Niyitegeka à Jean Hatzfeld. À moins, peut-être, que le témoin ne prenne la plume et, à l’instar d’Imre Kertész, ne décide d’« inventer Auschwitz », avec pour tâche « de donner forme à cette négativité et d’en venir à bout »…
INTERVENANTS
> Catherine Coquio, professeur de littérature comparée à l’Université de Poitiers, présidente de l’Association Internationale de Recherche sur les Crimes contre l’Humanité et les Génocides ;
> André Glucksmann, philosophe et essayiste ;
> Jean Hatzfeld, journaliste et écrivain ;
> Anaëlle Lebovits, doctorante en philosophie, directrice de la revue Le Diable probablement (Verdier) ;
> Claude Mouchard, professeur de littérature à Paris 8 ;
> Alain Ngirinshuti, rescapé du génocide des Tutsis et Vice-président de l’association Ibuka-France ;
> Ida Grinspan, rescapée d’Auschwitz.
Mardi 4 novembre:
LE PROPRE DE L’HOMME
« Le cœur humain ne s’élargit qu’avec un tranchant qui le déchire. » Flaubert
Agression, homicide, anorexie, boulimie, tabagisme, alcoolisme, suicide. La panoplie des souffrances que l’homme inflige à ses semblables et qu’il s’inflige à lui-même est bien fournie. Elle habille toute la diversité de nos penchants inhumains. Pour nous soigner, psychanalystes et thérapeutes cognitivo-comportementalistes (qu’ils soient psycho-, hypno- ou encore électro-) n’usent pas des mêmes remèdes : le langage pour les uns, les questionnaires, la sieste ou la chaise électrique, puis la rééducation fonctionnelle par des thérapies brèves (les TCC) pour les autres.
C’est que, pour la psychanalyse, l’inhumain est au cœur de l’homme et marqué du sceau de la subjectivité : non seulement seul l’homme peut être inhumain, mais l’inhumain est le propre de l’homme, en tant qu’il est un être parlant. Au contraire, les TCC considèrent d’abord l’humain comme un corps et le corps comme une mécanique. Pour elles, l’inhumain est, au fond, une question biologique, il n’y a donc plus de morale, mais seulement des déterminismes, qu’ils soient biologique, génétique, hormonal ou encore « psycho-social » : les comportements « déviants » ne relèvent pas de la trop humaine « pulsion de mort », mais du corps ou de l’environnement social d’un individu.
C’est donc la foire d’empoigne au chevet de notre psyché ravagée, d’autant que les TCC ont décidé d’avoir la peau des tenants du divan, qu’ils rêvent de mettre en cellule capitonnée…
INTERVENANTS
> Agnès Aflalo, psychiatre et psychanalyste ;
> Jean-Luc Ayoun, docteur en médecine et acupuncteur, cofondateur de Qantic Potential Measurement (QPM).
> Francesca Biagi-Chai, psychiatre et psychanalyste ;
> Arnaud De Staël, hypnothérapeute éricksonien ;
> Georges Haberberg, psychiatre psychanalyste ;
> Anaëlle Lebovits, doctorante en philosophie, directrice de la revue Le Diable probablement (Verdier) ;
> Christine Mirabel-Sarron, psychiatre et membre de l’AFTCC ;
> José Rambeau, psychologue psychanalyste en prison ;
> Jean-Didier Vincent, neurobiologiste ;
> Patrick Visier, président de QPM.
Mercredi 5 novembre:
LA REPUBLIQUE DES CADAVRES
Notre démocratie est-elle inhumaine ? Au nom de la sécurité, de l’efficacité et de la tranquillité, la politique, cet « art de gouverner ensemble », serait-elle devenue l’art de gouverner les choses ?
À l’heure où le discours politique se (re)fait mécanique et organique – comme au temps pas si lointain de la LTI, disséquée par Viktor Klemperer –, le citoyen se voit réduit à un numéro. On le mesure sous toutes les coutures, on évalue même les ministres… Le citoyen, voilà l’ennemi ! susurre EDVIRSP. On nous flique, on nous chiffre, on nous fiche ! Et que dire des migrants clandestins, parqués dans les prisons pour étrangers appelées Centres de rétention administrative ? On s’en fiche ! C’est que le corollaire aux penchants inhumains de nos gouvernants est notre tentation tout aussi inhumaine à la servitude volontaire…
INTERVENANTS
> Sonia Combe, historienne;
> Jean-Marc Fedida, avocat ;
> Thiambel Guimbayara, journaliste, fondateur de La Voix du Mali ;
> Eric Hazan, éditeur et écrivain ;
> Anaëlle Lebovits, doctorante en philosophie, directrice de la revue Le Diable probablement (Verdier) ;
> Thierry Lévy, avocat, ancien secrétaire général de l’OIP ;
> Jean-Claude Milner, philosophe ;
> Claude Mouchard, professeur de littérature à Paris 8 ;
> Emmanuelle Perreux, magistrate, présidente du Syndicat de la magistrature ;
> Yves-Charles Zarka, philosophe, directeur de recherches au CNRS et professeur de philosophie à Paris 1.
Jeudi 6 novembre:
INHUMANUS EX MACHINA
Depuis le début du XIXe siècle, où des ouvriers anglais du textile ont inventé le luddisme – détruisant les machines qui les condamnaient au chômage, avant d’être exécutés –, en passant par 1984, où, dans le film Terminator, un ordinateur pensant décide d’éradiquer l’humanité, les machines sont perçues comme inhumaines. Aujourd’hui, le développement des biotechnologies (génie génétique, recherches sur les cellules souches, clonage…), des nanotechnologies, des neurosciences, ou encore de la bioinformatique, soulève des enjeux éthiques et des résistances farouches.
L’intelligence artificielle et la saga des robots – terme inventé en 1920 par le romancier tchèque Capek pour désigner des êtres artificiels capables de remplacer l’homme au travail – sont donc au cœur de ce documentaire, qui s’interroge également sur notre propre devenir inhumain. Les nanotechnologies, rebaptisées « nécrotechnologies » par leurs opposants, ainsi que le courant d’idées dit « transhumaniste » prônent en effet les mérites de l’« homme augmenté » pour améliorer l’espèce humaine, la libérer de ses limites biologiques, prolonger sa vie, voire la rendre immortelle…
INTERVENANTS
> Agnès Aflalo, psychiatre et psychanalyste ;
> Jean-Gabriel Ganascia, chercheur au LIP6, Université Pierre et Marie Curie ;
> Georges Haberberg, psychiatre psychanalyste ;
> Frédéric Kaplan, ingénieur en robotique et docteur en intelligence artificielle, chercheur à l’EPFL;
> Jean-Claude Milner, philosophe ;
> Rémi Sussan, journaliste.
Vendredi 7 novembre:
VOICI L’INHUMAIN
« Je veux vivre inhumain, puissant et orgueilleux / Puisque je fus créé à l’image de Dieu », Guillaume Apollinaire, Œuvres poétiques.
Le Dieu unique, pensé par l’homme comme un modèle, excède par définition l’humanité : étymologiquement, homme signifie bien « terre », par opposition aux demeures célestes des dieux. Quelle est alors cette part inhumaine de Dieu ? La colère, la toute puissance et même l’amour de Dieu sont-ils inhumains ? Et que dire de la religion, censée lier les hommes entre eux, et qui les encourage souvent à s’isoler, à s’immoler, voire à s’armer d’un pistolet ou d’une ceinture plastifiée pour obliger les hérétiques à dire leur dernière prière ?
Une sociologue, un philosophe, un anthropologue, un guide spirituel et de simples croyants évoquent les sulfureuses relations qui existent entre religion et inhumanité. Yahvé, Dieu, Allah, Noé, Abraham, Thérèse d’Avila, l’imam Hussein et même les kamikazes sont convoqués en ce vendredi – ce jour trois fois saint.
INTERVENANTS
> Des membres de la confrérie soufie Alawiya ;
> Dan J. Arbib, philosophe, AMN à l’Université Paris-Sorbonne ;
> Hosham Dawod, anthropologue, chercheur au CNRS ;
> Denis-Marie Ghesquières, frère carme ;
> Danielle Hervieu-Léger, sociologue, présidente et directrice d’études à l’EHESS.