ARGUMENTEt en pièce jointe
CLINIQUE ET PRAGMATIQUE DE LA DÉSINSERTION
Pipol 4 est la quatrième étape du Programme International de Psychanalyse appliquée d’Orientation Lacanienne, au niveau européen.Ce Programme ouvre un espace d’élaboration et de réponses aux manifestations du malaise dans la civilisation, et, en l’occurrence, à la désinsertion.
Lors de la Rencontre Pipol 3 à Paris, en juillet 2007, Psychanalystes en prise directe sur le social, un large éventail de praticiens de diverses professions relevant du champ social, de la santé mentale et de l’ éducation, tous sensibles dans leur action au discours analytique, était présent. Pipol 4 nous invite à continuer de construire de nouveaux circuits, pour que circulent plus amplement échanges et réflexions venues de pratiques, qui ont un commun souci de donner sa place à la particularité de chacun, en prenant donc à contre pied de l’empire du chiffre.
Pipol 4, sous le titre Clinique et Pragmatique de la désinsertion en psychanalyse, invite à cerner la dimension subjective présente dans les diverses modalités de désinsertion, et les voies qui permettent à chacun, à partir de son symptôme, de trouver son inscription dans le tissu social. Si le terme « désinsertion » n’est pas nouveau, l’abord psychanalytique de la désinsertion l’est entièrement. La perspective ouverte récemment par Jacques-Alain Miller sur le dernier enseignement de Lacan, en introduisant le symptôme comme réel dans le lien social, nous permet de traiter la désinsertion comme l’un des noms du réel par excellence de notre époque. Quand il n’est pas subjectivé, il rend d’autant plus insupportables les obstacles qu’il oppose à la vie subjective, à une vie qui réponde du désir.
Notre civilisation, en réduisant le lien social à la logique du marché, offre, d’un côté, des insignes homogénéisant, et, de l’autre, induit une dépendance compulsive aux objets de consommation. Les méthodes quantificatives, en travaillant à l’uniformisation de tout un chacun dans l’anonymat, ne font qu’aggraver le problème, et dégradent le lien social. L’abord du hors-norme à partir de la clinique psychanalytique ne le fige pas en carence, mais lui reconnaît sa valeur et l’accueille.
Les parcours qui conduisent à la désinsertion sont multiples. Ils vont du refus scolaire aux nouvelles formes d’agressivité chez les jeunes, des ravages des addictions aux passages à l’acte dans les névroses et les psychoses, de diverses formes d’angoisse aux pathologies du découragement dans la mélancolie.
Il nous incombe de montrer les effets de la rencontre soit avec un psychanalyste, soit avec des travailleurs sociaux et des éducateurs orientés par la psychanalyse, attentifs au cas par cas. Il nous incombe de mettre à jour par quelles voies elle permet à chacun d’extraire un nécessaire savoir-faire avec son symptôme, pour dénouer les obstacles et les conséquences subjectives catastrophiques de la désinsertion, et nouer de nouvelles solutions, propres à la particularité de chaque un.
La Commission d’organisation
PIPOL4 Barcelone 11 et 12 juillet 2009
Vers PIPOL 4
Jacques-Alain Miller
À peine pipol 3 s’achève-t-il que déjà le regard se tourne vers pipol 4.*
pipol 3 a témoigné d’une épidémie qui a gagné et gagne tous les jours dans le Champ freudien, faisant vibrer toute sa communauté européenne.
Enthousiasme inopiné
Il y a quatre ans, s’ouvrait à Paris, financé par l’École de la Cause freudienne, le cpct, le Centre Psychanalytique de Traitements et Consultations de la rue de Chabrol. S’il y a aujourd’hui une dizaine de cpct en France, plusieurs en Espagne, deux en Italie, un à Bruxelles, beaucoup en formation, si une cinquantaine d’institutions ont adhéré à ripa, notre Réseau d’Institutions de Psychanalyse Appliquée, si tout ce petit monde est en pleine activité, en pleine croissance, ce n’est dû à aucune directive, à aucune injonction. À vrai dire, il y a quatre ans, le cpct de Paris semblait promis à être une initiative expérimentale qui resterait vraisemblablement longtemps solitaire, jusqu’à ce que ses leçons soient sagement tirées par des comités scientifiques.
Un enthousiasme inopiné a balayé tout cela. Les masses du Champ freudien se sont emparées de l’idée, et l’ont transformée en force matérielle, elles ont surmonté tous les obstacles, mettant au jour des gisements insoupçonnés de bonne volonté, de disponibilité, de temps libéré, révélant des vocations, comme si chacun s’était dit : “Enfin, nous y sommes !“ Comme si nous faisions enfin retour à l’avenir. Comme si à travers nous la psychanalyse passait une nouvelle alliance avec le temps présent.
Nouveau paradigme
Nous sommes portés par ce grand mouvement, qu’il nous faut en même temps élucider, ne serait-ce que pour savoir quel est le pas suivant à faire sur le chemin de pipol.
Pour justifier à nos propres yeux la novation qu’introduisait le CPCT, pour mettre nos papiers psychanalytiques en ordre, nous avons eu recours à une vieille distinction : psychanalyse pure et psychanalyse appliquée. Très bien ! C’est classique.
Il est tout à fait exact que nous laissons intacte la psychanalyse pure, les mêmes exigences continuent de s’imposer à la formation des analystes, la passe reste le nom sous lequel nous pensons le terme vrai d’une analyse et pratiquons sa vérification.
La novation dont il s’agit s’est produite au niveau de la psychanalyse appliquée à la thérapeutique. Il était plus rassurant pour nous de penser ainsi. Nous avons introduit là un changement de paradigme, nous avons touché à des paramètres jusqu’alors constants, la durée et le paiement : durée limitée et programmée, paiement supprimé. Attention ! supprimé pour le patient, mais aussi, jusqu’à présent du moins, pour le praticien.
Sans doute la thérapie brève avait-elle déjà été pratiquée en psychanalyse et théorisée — pensons par exemple à l’un de nos anciens, Franz Alexander —, de même que le traitement gratuit — songeons au dispensaire de Berlin au temps de Wilhelm Reich —, mais, à ma connaissance, cela n’a jamais été pratiqué sur cette échelle, ni avec l’élaboration clinique ad hoc qui, chez nous, désormais l’accompagne.
Lieu Alpha
C’eût été impossible si notre référence était restée le concept fossilisé du cadre, qui se confond avec le cabinet du praticien exerçant en libéral. Les effets psychanalytiques ne tiennent pas au cadre, mais au discours, c’est-à-dire à l’installation de coordonnées symboliques par quelqu’un qui est analyste, et dont la qualité d’analyste ne dépend pas de l’emplacement du cabinet, ni de la nature de la clientèle, mais bien de l’expérience dans laquelle, lui, s’est engagé.
Ce sont les concepts lacaniens de l’acte analytique, du discours analytique, et de la conclusion de l’analyse comme passe à l’analyste, qui nous ont permis de concevoir le psychanalyste comme objet nomade, et la psychanalyse comme une installation portable, susceptible de se déplacer dans des contextes nouveaux, et en particulier dans des institutions. Les récits de cas montrent et démontrent, mettent en évidence, que des effets psychanalytiques proprement dits se produisent au sein de contextes institutionnels, pour peu que ce contexte autorise l’installation d’un lieu analytique. Il y a un lieu analytique possible en institution, disons un Lieu Alpha.
Un Lieu Alpha n’est pas un lieu d’écoute. On appelle lieu d’écoute aujourd’hui un endroit où un sujet est invité à déblatérer à tire-larigot. On dit que la mise en mots soulage. Un Lieu Alpha est un lieu de réponse, un lieu où le bavardage prend la tournure de la question, et la question elle-même la tournure de la réponse. Il n’y a Lieu Alpha qu’à la condition que, par l’opération de l’analyste, le bavardage se révèle contenir un trésor, celui d’un sens autre qui vaut comme réponse, c’est-à-dire comme savoir dit inconscient. Cette mutation du bavardage tient à ce que nous appelons le transfert, qui permet à l’événement interprétatif d’avoir lieu, l’événement interprétatif qui partage un avant et un après, comme nous disons classiquement.
Pour qu’il y ait Lieu Alpha, il faut et il suffit que s’installe la boucle par laquelle « l’émetteur reçoit du récepteur son propre message sous une forme inversée »[1], le sujet se trouvant dès lors branché sur le savoir supposé dont il ignorait être lui-même le siège.
Branchement, rebranchement
L’émergence d’un tel instant de savoir demande à être sévèrement contrôlée, car c’est une étincelle qui peut mettre le feu à toute la plaine, je veux dire allumer chez un sujet l’incendie d’un délire interprétatif généralisé. Une sélection drastique s’impose des opérateurs en Lieu Alpha, afin de s’assurer qu’ils sont capables d’une distribution pondérée des effets psychanalytiques, dosés aux capacités du sujet à les supporter. De même, les opérateurs en Lieu Alpha ne peuvent se dispenser de pratiquer l’art du diagnostic rapide. Dans la règle, cette tâche est, dans nos cpct, confiée aux praticiens les plus confirmés, aguerris, qui ont à formuler une prescription détaillée.
On aperçoit déjà par là ce qui a pu captiver dans la pratique des effets thérapeutiques rapides : le haut degré de maîtrise clinique qu’elle requiert, la mobilisation immédiate du savoir préalablement accumulé tant par l’étude des textes que par l’expérience effective, l’évaluation instantanée et l’assomption raisonnée du risque clinique. On a ainsi pu constater qu’un branchement, même fugace, sur le savoir supposé, que nous appelons par hypothèse inconscient, se traduit dans la règle par un rebranchement sur ce que l’on appelle traditionnellement le discours de l’Autre.
Je prends mes distances, nos distances, avec cette formulation. “Le grand Autre“, cette désignation est une approximation, puisqu’il ne s’agit pas d’une instance unifiée, ce n’est pas un monolithe. Aussi je ne vois pas d’objection à parler d’un rebranchement sur la réalité sociale.
Opération vérité
Qu’est-ce que le social ? — que nous avons fait figurer au titre de pipol 3.
C’est d’abord un mot passe-partout, éminemment commode, qui fait interface entre le langage des autorités politiques et administratives et le nôtre, au prix sans doute d’une équivoque. Le secret, le nôtre, c’est que nous ne distinguons pas entre la réalité psychique et la réalité sociale. La réalité psychique, c’est la réalité sociale.
On trouve dans le tout dernier enseignement de Lacan cette proposition provocante : “La névrose tient aux relations sociales“.[2] Il suffit, pour ôter toute allure de paradoxe à ce que je viens d’avancer, de rappeler qu’au fondement de la réalité sociale, il y a le langage. Entendons par là la structure qui émerge de la langue qu’on parle sous l’effet de la routine du lien social. C’est la routine sociale qui fait que le signifié peut garder du sens, ce sens qui est donné par le sentiment de chacun de “faire partie de son monde, c’est-à-dire de sa petite famille et de ce qui tourne autour“.[3]
Les psychanalystes qui exercent dans les Lieux Alpha sont certes en prise directe sur le social, incarnent comme tels le social, et restituent le lien social pour les sujets qu’ils accueillent. C’est ce qui justifie le titre de pipol 3. En revanche, les sujets qu’ils accueillent ne sont justement plus, eux, en prise directe sur le social, étant plutôt en situation de “déprise“. N’est-ce pas ce qu’il convient maintenant de thématiser : la situation de déprise sociale ?
Pour les psychanalystes qui exercent dans les Lieux Alpha, les cpct, les institutions ripa, on comprend l’enthousiasme qui peut les saisir de voir nettoyées les médiations qui voilent ordinairement la position de l’analyste, qui voilent à l’analyste qu’il est en prise directe sur le social. Un analyste ne peut fonctionner que s’il est en prise directe sur le social, mais, dans son cabinet, il peut le méconnaître, et entretenir les douces rêveries — Schwarmerei — de son extraterritorialité.
On cite souvent ce mot de la bouche de Lacan comme s’il en faisait l’éloge, alors que c’est une ironie, bien entendu. Quand le Lieu Alpha émigre du cabinet vers l’institution, c’est la vérité qui se dénude, celle de la socialité structurale de la position et de l’acte analytiques. J’irai jusqu’à dire que le succès des cpct, et plus largement celui des institutions ripa, est le succès de cette “opération vérité“. C’est là que se fonde ce que j’ai entendu ces jours-ci comme un “Enfin, nous y sommes“.
Une base psychanalytique du symptôme
Quand on parle de psychanalyse pure et de psychanalyse appliquée, on entend que les résultats de la première sont investis dans la seconde. C’est exact, et c’est d’abord le cas du praticien lui-même, en tant qu’il est le résultat de sa propre analyse, qui elle n’est ni brève ni programmée, ni gratuite. Mais ne négligeons pas qu’il y a un effet de retour. La psychanalyse appliquée, celle que nous pratiquons, a une incidence, et elle ira croissante, sur la psychanalyse pure.
C’est déjà sensible dans la clinique de la psychose ordinaire, sans déclenchement, où les effets de la forclusion ne sont pas spectaculaires, comme les délires et les hallucinations, mais se traduisent par des signes plus discrets, des phénomènes élémentaires parfois infimes, des débranchements successifs d’avec la famille et tout ce qui tourne autour, les relations sociales, le monde.
La psychanalyse appliquée aura aussi des conséquences sur la théorie de la cure. La programmation des traitements brefs rend le praticien plus attentif à l’acquis de chaque séance prise une à une, alors que le Durcharbeitung de l’expérience pure — la translaboration, comme on le traduit —, le temps pour comprendre prolongé qu’impose l’analyse pure a pour effet naturel d’abraser ce détail, voire de le rendre imperceptible au praticien. Ce qui mérite d’être appelé parfois les micro-cures menées dans les Lieux Alpha auront pour effet d’aiguiser la vigilance des analystes dans la direction de la cure analytique proprement dite.
Troisièmement, je rappelle que nos Lieux Alpha institutionnels sont maintenant, pour un certain nombre, subventionnés par des administrations, et le seront toujours davantage. Or, une exigence naturelle s’impose à eux, qui est de rendre compte à leurs commanditaires. Ceux-ci veulent du chiffre, du quantitatif, du numéral. Ils veulent faire passer des résultats dans des statistiques, des machines de classement, des ordinateurs. Ils nous offrent déjà les services de leurs ingénieurs.
On peut maintenir que nous opérons avec le savoir supposé, et que le savoir exposé dénature notre opération. On peut dire en soupirant qu’il est assommant de remplir les fiches qu’on nous demande. Je propose que l’on prenne les choses autrement : comme l’occasion de faire passer notre clinique, ses diagnostics, ses repérages, dans le circuit de la communication commune, ce qui veut dire au premier chef la faire passer au registre de la transmission intégrale, ce que Lacan a appelé le mathème.
Le mathème, ce n’est pas seulement l’usage de S/, a, S1, S2, et la suite. L’exigence des commanditaires doit être l’occasion pour nous de formaliser notre clinique, et, pourquoi pas, de rivaliser avec le dsm. Pourquoi ne pas créer la bps ? Qui peut douter que la constitution d’une “base psychanalytique du symptôme“ susceptible de quantification aurait les effets les plus heureux sur la qualité de la transmission clinique, y compris la plus nuancée ? Suis-je le seul à désirer une armature mathématique plus consistante que celle dont nous disposons ? Je ne le crois pas.
Désinsertion
Le pas suivant à faire dans la série des pipol s’impose logiquement. Il convient de passer à l’étude thématique, différentielle, graduée, des situations subjectives de déprise sociale.
La déprise sociale porte un nom commun dans le langage administratif contemporain : la désinsertion. Ce mot a été choisi comme intitulé du projet de recherche ripa au niveau européen.[4] Je vois pipol 4 comme une scansion dans cette recherche. D’où le titre que je propose : “Clinique et pragmatique de la désinsertion en psychanalyse“.
Je dis clinique parce que nous avons évidemment des choses à dire et à ordonner concernant les fondements psychanalytiques de la désinsertion, où nous pourrons investir nos résultats concernant la psychose ordinaire, en particulier ce qui tourne autour de ce que Hugo Freda a pu appeler “la précarité symbolique“. Il n’y a pas à douter que nous pourrons apporter du nouveau – sur le refus scolaire, par exemple, puisque le signifiant-maître nous donne sur l’autorité et S2 sur le savoir des aperçus qui peuvent être communiqués. Je dis pragmatique plutôt que traitement ou cure parce que nous sommes là dans l’ordre du savoir-y-faire, du “se débrouiller avec“.
Le grand mouvement qui nous porte tient à ce que la psychanalyse s’est montrée, se montre encore en retard sur elle-même. Elle dont la pratique implique l’ébranlement de tous les semblants, elle qui met en œuvre un puissant principe, quasi socratique, d’ironie, elle reste souvent attachée à des croyances obsolètes, réfugiée dans une extraterritorialité imaginaire. Elle ne se reconnaît plus dans un univers contemporain qu’elle a pourtant plus que d’autres contribué à faire émerger, et, chez les moins sympathiques, les plus ignorants, elle pleure sur le Nom-du-Père en rêvant de rétablir son règne. Nostalgie du moment freudien de la psychanalyse, alors que régnait encore un ordre social autoritaire, hiérarchique, réglementaire, voire disciplinaire, et où la psychanalyse était dans une situation alvéolaire, à plaider pour le droit à jouir.
C’était l’époque où l’insertion sociale se faisait primordialement par l’identification symbolique. Un psychanalyste pouvait alors prôner la libération du désir, le salut par la pulsion. Nous en sommes au temps où l’Autre n’existe plus. Au “zénith social“, c’est l’objet a qui l’a remplacé. L’insertion se fait moins par identification que par consommation. Le rêve, c’est moins la libération que la satisfaction. Et la réalité sociale s’avère dominée par le manque-à-jouir. D’où la vogue des addictions, qui n’est pas simplement une vogue des pratiques : tout devient addiction dans le comportement social, tout prend un style addictif.
Il faut reconnaître dans les addictions, comme dans la consommation frénétique des plus-de-jouir que la technologie multiplie et met sur le marché à un rythme toujours plus rapide, un effort désespéré pour rémunérer un défaut de satisfaction qui est de structure.
Moment pragmatique
C’est la clé du choc des civilisations. Ce que l’on appelle ainsi est pour l’essentiel l’opposition, l’incompatibilité, de la civilisation religieuse et de la civilisation marchande, de la civilisation dominée par l’Idéal du moi et de celle que domine, à proprement parler, le surmoi dont l’impératif se formule se jouit, de la civilisation du respect et la nôtre, qui est celle de la gourmandise. La civilisation marchande stigmatise celle de l’Idéal du moi comme fanatisme, et elle est à son tour stigmatisée comme perversion, corruption, débauche, Jouissance-pride[5]. Il y a entre les deux ce mixte énigmatique, la Chine d’aujourd’hui, où l’on observe à la fois un contrôle autoritaire de l’Idéal et une extraordinaire désinhibition de la consommation.
Pourquoi des psychanalystes en ces temps de malaise ? Ce n’est pas pour partager le malaise. La bonne humeur qui a régné pendant ces Journées témoigne que ce n’est pas notre style. Ne pas être dupe de la satisfaction illusoire des plus-de-jouir, ce n’est pas pour autant se camper dans le refus belle âme, et anathémiser la réalité sociale contemporaine. La mission qui nous revient en ce monde est de reconnaître et d’élucider la diversité humaine, la diversité des modes-de-jouir de l’espèce. Cela demande de renouer avec l’esprit de la psychanalyse à ses débuts, quand les psychanalystes savaient encore sacrifier à la psychanalyse les semblants de la respectabilité. La psychanalyse savait alors que pour être tout à fait rigoureuse, il lui fallait être un peu voyoute.
J’ai parlé du moment freudien, qui est derrière nous. Le moment lacanien ne l’est pas moins, qui fut à la fois, dans une conjugaison baroque, existentialiste et structuraliste, c’est-à-dire scientiste. Lacan lui-même a laissé ce moment derrière lui, et il a esquissé pour nous la configuration du moment contemporain, qui est pragmatique. Oui, nous sommes pragmatiques comme tout le monde aujourd’hui, mais à part pourtant, – des pragmatiques paradoxaux, qui n’ont pas le culte du ça marche. Le ça marche ne marche jamais. Notre bonne humeur vient sans doute de ce que nous savons que ça rate, mais nous croyons rater de la bonne façon.
Soyons persuadés que l’on a besoin de nous.
* Transcription annotée par Catherine Bonningue de l’intervention de J.-A. Miller lors de Journées pipol 3 qui se sont déroulées à Paris les 30 juin et 1er juillet 2007 sur le thème « Psychanalyse en prise directe sur le social ». Relue par Jacques-Alain Miller.
[1] Lacan Jacques, « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » (1953), Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 298.
[2] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV, L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre (1976-77), leçon du 17 mai 1977 ; cf. Miller J.-A., « Le tout dernier Lacan » (2006-07), L’orientation lacanienne III, 9, leçons des 14 et 21 mars 2007.
[3] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore (1972-73), Paris, Seuil, 1975, chap. IV.
[4] Ce thème a été choisi au cours de la réunion RIPA du 30 juin 2007, et doit être mis en œuvre par un comité nouveau animé par Hugo Freda, en même temps que des recherches sur le logiciel clinique de nos institutions seront rassemblées par une commission dirigée par Jean-Daniel Matet.
[5] Allusion à la Gay Pride qui se déroulait la veille, le 30 juin 2007.
Jacques-Alain Miller
PIPOL 3 is hardly over and already our eyes are turned towards PIPOL 4.* PIPOL 3 testified to an epidemic that has infected the Freudian Field and is continuing to infect it every day, resonating throughout our European community.
Unforeseen enthusiasm
Four years ago, the CPCT, the Psychoanalytic Center of Consultation and Treatment of the rue Chabrol, opened in Paris. If there are today about ten CPCTs in France, several in Spain, two in Italy, one in Brussels, and many more being formed, if about fifty institutions have joined the RIPA, our Network of Institutions of Applied Psychoanalysis, if all this little world is in full activity, in full growth, this is not due to any guidelines or injunctions. In fact, four years ago, it seemed that the CPCT of Paris was an experimental initiative that would very likely remain solitary for a long time, until scientific committees might wisely draw the lessons of its accomplishments.
An unforeseen enthusiasm has cleared the path. The masses of the Freudian Field took hold of this idea and transformed it into a material force; they overcame all the obstacles, bringing to light unsuspected reservoirs of good will, of availability, revealing vocations, as if each one had said to himself: “Here we are at last!” As if we were finally returning to the future. As if, through us, psychoanalysis was forging a new alliance with the present time.
A new paradigm
We are carried along by this great movement, which we must at the same time elucidate, if just to know what the following step is on the path of PIPOL.
In order to justify for ourselves the renovation introduced by the CPCT, in order to put our psychoanalytic papers in order, we turned to an old distinction: pure psychoanalysis and applied psychoanalysis. Indeed! A classical distinction.
It is true that we leave pure psychoanalysis intact, the same requirements continue to be imposed on the training of analysts, the pass remains the name of what we conceive as the real term of an analysis and we practice its verification.
The renovation in question was produced at the level of psychoanalysis as applied to therapy. It was more reassuring for us to think of it in this way. With it, we touched parameters that up till then had been constant, the duration of the cure and its payment: limited and programmed duration, payment suppressed. Take heed! Suppressed for the patient, but also, up till now at any rate, for the practitioner.
Undoubtedly short therapies had already been practiced and theorized in psychoanalysis — for example, by one of our predecessors, Franz Alexander —, as well as free treatments — by the Berlin clinic at the time of Wilhelm Reich —, but, to my knowledge, such practices had never been carried out on such a scale, nor with the ad hoc clinical elaboration that, for us, accompanies it now.
An Alpha Place
This would have been impossible if we still had as our reference the fossilized concept of the setting, understood only as the consulting room of the practitioner exercising in a private practice. Psychoanalytic effects do not depend on the setting, but on the discourse, that is, on the installation of the symbolic coordinates by someone who is an analyst, and whose quality as an analyst does not depend on the location of his consulting room, nor the nature of his clients, but rather on the experience he is engaged in.
The Lacanian concepts of the analytic act, the analytic discourse, and the conclusion of an analysis as a pass to the analyst have permitted us to conceive of the psychoanalyst as a nomad object, and psychoanalysis as a portable installation, capable of moving into new contexts, and, in particular, into institutions. The accounts given of cases show and demonstrate, bring into evidence, that specifically psychoanalytic effects are produced within institutional contexts whenever this context authorizes the installation of an analytic place. There is an analytic place possible in institutions, let’s say an Alpha Place.
An Alpha Place is not a “listening” place. We call “listening place” today a place where a subject is invited to talk drivel to his heart’s content. It is said that putting things into words brings relief. An Alpha Place is a place of response, a place where the chattering takes the form of a question, and the question itself the form of a response. There can be an Alpha Place only if, by the operation of the analyst, the chattering turns out to contain a treasure, that of an other sense having the value of a response, that is, of the knowledge we call unconscious. This mutation of the chattering depends on what we call transference, which allows the interpretive event to take place, the interpretive event that separates a before from an after, as we say classically.
For there to be an Alpha Place, it is necessary and sufficient that the loop be closed by which “the emitter receives from the receptor its own message in an inverted form”[1], the subject finding himself from then on connected to the subject supposed to know that he did not know he himself was the seat of.
Connection, reconnection
The emergence of such an instant of knowledge requires a severe control, because it is a spark that can set fire to the plain, I mean it can light for a subject the fire of a generalized interpretive delusion. A drastic selection is imposed for those who operate in an Alpha Place, in order to be sure they are capable of a pondered distribution of psychoanalytic effects, dosed to a subject’s capacities to bear them. Moreover, those who operate in an Alpha Place, cannot avoid practicing the art of rapid diagnostic. As a rule, this task is confided in our CPCT to the most confirmed and seasoned practitioners, who are called on to formulate a detailed prescription.
We can already perceive what was captivating about the practice of rapid therapeutic effects: the degree of clinical mastery it requires, the immediate mobilization of knowledge already accumulated both through the study of texts and effective experience, the instantaneous evaluation and the reasoned assumption of the clinical risk. We were thus able to observe that even a fleeting connection to a supposed knowledge, which by hypothesis we call unconscious knowledge, is translated as a rule by a reconnection to what we traditionally call the discourse of the Other.
I will take some distance from this formulation. The designation, “the Great Other” is an approximation; since it does not concern a unified agency, it is not a monolith. So, I find no objection to speaking of a reconnection to social reality.
Operation Truth
What is the social? — which we have included in the title of PIPOL 3.
It is first of all a word that functions in many contexts, eminently useful, which serves as an interface between the language of political and administrative authorities and our own, probably at the cost of equivoque. The secret, ours, is that we do not distinguish between psychic reality and social reality. Psychic reality is social reality. We find in Lacan’s very last teaching this provoking proposal: “Neurosis is due to social relations[2]”. To eliminate any seeming paradox from what I have just advanced, we only need to recall that at the foundations of social reality, we have language. By language, we mean the structure that emerges from the language we speak under the effect of the routine of the social bond. It is the social routine that provides that the signified can retain some sense, the sense that is given by the sentiment of each of us to “be part of his world, that is to say of his little family and what surrounds it[3].”
The psychoanalysts who exercise in the Alpha Places are of course in direct contact with the social, embodying as such the social, and restituting the social bond for the subjects they meet up with. This is what justifies the title of PIPOL 3. On the other hand, the subjects they meet up with are precisely no longer in direct contact with the social, being rather in a situation of “discontact”. Isn’t this what it would now be fitting to thematize: the situation of social discontact?
For the psychoanalysts who exercise in the Alpha Places, the CPCT and the RIPA institutions, we understand the enthusiasm that can take hold of them at seeing the mediations done away with that ordinarily veil the position of the analyst, which veil to the analyst that he is in direct contact with the social. An analyst can only function if he is in direct contact with the social, but in his consulting room, he can fail to realize this and entertain sweet dreams — Schwarmerei — of his extraterritoriality.
This word is often quoted from the mouth of Lacan as if he was praising it, when, of course, he uses it ironically. When the Alpha Place emigrates from the consulting room to the institution, it is the truth that is laid bare, that of the structural sociality of the psychoanalytic position and act. I would go so far as to say that the success of the CPCT, and more widely that of the RIPA institutions, is the success of this “operation truth”. It is this truth that founds what I heard these days in the form of “Here we are at last”.
A psychoanalytic basis for the symptom.
When we speak of pure psychoanalysis and applied psychoanalysis, we understand that the results of the first are invested in the second. That is true, and it is first of all the case of the practitioner himself, inasmuch as he is the result of his own analysis, which was neither brief nor programmed, nor free. But we cannot neglect the fact that there is a return effect. Applied psychoanalysis, the kind we practice, has an incidence on pure psychoanalysis and this incidence will increase with time.
It is already perceptible in the clinic of ordinary psychosis, psychosis without an onset, where the effects of foreclosure are not spectacular, as delusions and hallucinations are, but are translated by more discreet signs, sometimes insignificant elementary phenomena, successive disconnections with family and everything that surrounds it, social relations and the world.
Applied psychoanalysis will also have consequences on the theory of the cure. The programming of brief treatments renders the practitioner more attentive to the advances in each session taken one by one, while the Durcharbeitung of the pure experience — the “working through” as it has been translated —, the prolongated time to understand that pure analysis imposes, has as its natural effect to abrase this detail, or even to render it imperceptible to the practitioner. What sometimes deserves to be called mini-cures carried out in the Alpha Places will have the effect of sharpening the vigilance of the analysts in the direction of the analytic cure proper.
Thirdly, I remind you that our institutional Alpha Places are now, for some, subsidized by administrations, and this will be more and more the case. But a natural requirement is thus imposed on them to give an account to their commanditaires. They want figures, something quantifiable, numbers. They want to produce results for statistics, classifying machines, computers. They are already proposing the services of their engineers.
We could maintain that we operate with supposed knowledge, and that exposed knowledge denatures our operation. We could say with a sigh that it is tiring to fill in the forms they ask us for. I propose we take it from another angle: as the occasion to have our clinic with its diagnostics and its indicators pass into the circuit of common communication, which means, in the first place, having it pass into the register of integral transmission, what Lacan called the matheme.
The matheme is not only the use of $, a, S1, S2 and the rest. The requirement of the commanditaires should be the occasion for us to formalize our clinic, and why not, to rival the DSM. Why not create the BPS? Who can doubt that the constitution of a “psychoanalytic base of the symptom” (Base psychoanalytique du symptôme) capable of being quantified would have the most favorable effects on the quality of our clinical transmission, including its most subtle aspects? Am I alone in desiring a more consistent mathematic armature than the one we already dispose of? I don’t think so.
Disinsertion*
The following step to take in the series of the PIPOLs is logically imposed. It is time to pass on to a thematic, differential, graduated study of the subjective situations of social discontact*.
Social discontact has a name common in contemporary administrative language: disinsertion. This word was chosen as the title of the RIPA research project on the European level[4]. I see PIPOL 4 as a scansion in this research. Thus, the title I propose: “Clinic and Pragmatics of Disinsertion in Psychoanalysis”.
I say clinic because we have evidently things to say and ordain concerning the fundamentals of psychoanalysis and disinsertion in which we will be able to invest our results on ordinary psychosis, in particular all that turns around what Hugo Freda named “symbolic precariousness”. It cannot be doubted that we can transmit something new — about the refusal of school, for example, since the master-signifier says something about authority and the S2 something about knowledge, and this can be communicated. I say pragmatic rather than treatment or cure because we are in the order of the savoir y faire (knowing how to deal with) of the “se débrouiller avec” (coming to terms with).
The great movement we are part of is a result of psychoanalysis having shown and still showing it has fallen behind itself. Psychoanalysis, whose practice implies the collapse of all semblants, which puts into practice a powerful, quasi Socratic, principle of irony, often remains attached to its obsolete beliefs, taking refuge in an imaginary extraterritoriality. It no longer recognizes itself in a contemporary universe whose emergence it has, nevertheless, contributed to more that others, and the most ignorant and least likeable of the lot cry over the Name-of-the-Father, dreaming of reestablishing its reign. Nostalgia of the Freudian epoch of psychoanalysis, of a time when an authoritarian, hierarchical, regulatory, and even disciplinarian social order still reigned, and where psychoanalysis was in an alveolar situation, pleading for the right to each one’s jouissance.
It was the epoch in which social insertion was accomplished primarily through symbolic identification. A psychoanalyst could then prone the liberation of desire, salvation through the drive. We are at a time when the Other no longer exists. At the “social zenith”, the object a has replaced it. Insertion is accomplished less through identification than through consummation. The dream is less of liberation than of satisfaction. And social reality turns out to be dominated by the manque-à-jouir (want-of-jouissance). Which gives rise to the vogue of addictions, which is not simply a vogue limited to practices: everything becomes addiction in social behavior, everything takes on an addictive style. We must recognize in the addictions, as in the frenetic consummation of the plus-de-jouir (surplus-jouissance) that technology multiplies and puts on the market more and more rapidly, a desperate effort to remunerate a deficit of satisfaction that is structural.
A pragmatic moment
This is the key to the shock of civilizations. What we thus name is essentially the opposition, the incompatibility, between the religious civilization and the merchant civilization, between the civilization dominated by the ideal ego and the one that the superego strictly speaking dominates, the superego whose imperative can be formulated jouis*, between the civilization of respect and ours, which is that of greediness. The merchant civilization stigmatizes as fanaticism that of the ideal ego, and it is in turn stigmatized as perversion, corruption, immorality, Jouissance-pride[5]. We find between the two an enigmatic mix, today’s China, where we can observe both an authoritarian control of the Ideal and an extraordinary disinhibition of consummation.
What are analysts for in these times of discontent? Not to share the discontent. The good humor that reigned during these Study Days shows that this is not our style. Not being a dupe of the illusory satisfaction of the plus-de-jouir does not however mean staying obstinately planted in the refusal of the beautiful soul, and anathematizing contemporary social reality. The mission that is ours in this world is to recognize and elucidate human diversity, the diversity of the modes-de-jouir (modes-of-jouissance) of the species. That requires renewing with the spirit of psychoanalysis at its beginnings, when psychoanalysts still knew how to sacrifice to psychoanalysis the semblants of respectability. Psychoanalysis then knew that to be entirely rigorous, it had to be a bit of a rogue.
I spoke of the Freudian moment, which is behind us. The Lacanian moment is not less behind us. It was both, in a baroque conjugation, existentialist and structuralist, that is, scientistic. Lacan himself left this moment behind him, and he sketched out for us the configuration of the contemporary moment, which is pragmatic. Yes, we are pragmatic as everyone is today, but somehow still apart, — paradoxical pragmatists who do not practice the cult of it works. The it works never works. Our good humor probably comes from the fact we know that it misses the mark, but we believe we hit on the side of the target in the right way.
Have no doubt that we are needed.
Translated by Thelma Sowley
* Transcription by Catherine Bonningue of J.-A. Miller’s talk during the PIPOL 3 Study Days, June 30th and July 1st 2007. The title of the Study Days was “Psychoanalysis in Close Touch with the Social”.
[1] Jacques Lacan, “The Function and Field of Speech and Language in Psychoanalysis” (1953), Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 298; English translation Bruce Fink, Norton, 2006, p. 246.
[2] J. Lacan, Le Séminaire, livre XXIV, L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre (1976-77), lesson of May 17, 1977 ; cf. Miller J.-A., « Le tout dernier Lacan » (2006-07), L’orientation lacanienne III, 9, lessons of March 14 and 21, 2007.
[3] Cf. J. Lacan, Le Séminaire, livre XX, Encore (1972-73), Paris, Seuil, 1975, chap. IV.
* Translator’s note. I use the signifier “insertion” here in the way it is currently used in French, with reference to the insertion of individuals into the social and economic structure, giving us the pair insertion/disinsertion. Two other pairs will have to be differentiated in this paper with reference to the lacanian clinic: for the French branchement/ rebranchement, I propose the English connection/ reconnection, for prise/déprise: contact / discontact, this final neologism corresponding to the neological use of “déprise”.. These choices do not exclude a subsequent differential elaboration of the concepts.
[4] This theme was chosen during the RIPA meeting on June 30, 2007, and will be implemented by a new committee directed by Hugo Freda, at the same time as research for the clinical software of our institution will be assembled by a commission directed by Jean-Daniel Matet.
* T.N. The imperative form of the verb “jouir” , also found in the expressions above and which means “to take jouissance”.
[5] Allusion to the Gay Pride parade that took place the day before, June 30, 2007.
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LINK A VERSIÓN EN ESPAÑOL
CLINICA E PRAGMATICA DEL DISINSERIMENTO
PIPOL 4 è la quarta tappa del Programma Internazionale di Psicoanalisi
applicata dell’Orientamento Lacaniano di dimensione europea. E’ l’offerta di
uno spazio di elaborazione e di risposte alle molteplici manifestazioni del
disagio nella civiltà e, in questa occasione, al disinserimento.
Nell’ultimo incontro, PIPOL 3, a Parigi nel 2007, su “Psicoanalisti in presa
diretta con il sociale”, si rese evidente l’ampia presenza di professionisti delle
differenti pratiche in ambito sociale, di operatori della salute mentale ed
educatori che si stanno formando in Europa e che orientano la propria azione a
partire dal discorso analitico. PIPOL 4 ci invita a proseguire la costruzione di
nuovi circuiti che permettano la circolazione della scambio e della riflessione
delle distinte pratiche, le quali hanno come denominatore comune l’aprire un
luogo per l’esperienza soggettiva, in controcanto all’imperio del quantitativo.
PIPOL 4, sotto il titolo “Clinica e pragmatica del disinserimento in
psicoanalisi”, mira alla dimensione soggettiva presente nelle modalità di
disinserimento e alle vie che permettono, a partire dal sintomo di ciascuno, una
reiscrizione nella trama sociale. Se certo la parola disinserimento non è nuova,
lo è tuttavia l’affrontare questo fenomeno a partire dal discorso analitico. Il
disinserimento è uno dei nomi del sintomo per eccellenza della nostra epoca. E’
solito accompagnare la forma di un sintomo non soggettivato, tanto più
insopportabile quanto più fa ostacolo all’esistenza soggettiva e ad una vita che
risponda al desiderio.
La nostra civiltà, nel ridurre il vincolo sociale alla logica del mercato, offre
da un lato gli emblemi con i quali omogeneizzarsi, e dall’altro provoca la
compulsione additiva agli oggetti di consumo. I metodi di quantificazione, che
puntano ad uniformare tutti nell’anonimato, aggravano il problema attaccando
il legame sociale. A partire dalla clinica psicoanalitica, il modo di affrontare il
fuori-norma non lo fissa come carenza, ma piuttosto ne riconosce il valore e lo
accoglie.
I percorsi verso il disinserimento sono vari e possono andare dal rifiuto
scolastico fino alle nuove forme di violenza nei giovani, dalle devastazioni
della tossicodipendenza ai passaggi all’atto nelle nevrosi e nelle psicosi, dalle
forme di angoscia alle patologie dell’afflizione nella melanconia. Da parte
nostra si tratta di mostrare come, sia nell’incontro con lo psicoanalista, sia con
operatori sociali e educatori orientati dalla psicoanalisi e attenti al caso per
caso, si possano aprire nuove vie che permettano a ciascuno di estrarre il
necessario saper fare con il proprio sintomo, per superare gli ostacoli e le
disastrose conseguenze soggettive del disinserimento, e inventare risposte
capaci di generare nuove soluzioni rispettando la particolarità di ciascuno.
Traduzione di Domenico Cosenza
Jacques-Alain Miller
PIPOL 3 sta or ora terminando e già lo sguardo si volge
verso PIPOL 4.*
che vince tutti i giorni nel Campo freudiano, e che fa
vibrare tutta la comunità europea.
Quattro anni fa veniva aperto a Parigi, finanziato dall‚École
de la Cause freudienne, il CPCT, il Centro Psicoanalitico di
Trattamenti e Consulenze della rue de Chabrol. Se oggi ci
sono una decina di CPCT in Francia, diversi in Spagna, due
in Italia, uno a Bruxelles, molti in formazione, se una
cinquantina di istituzioni hanno aderito a RIPA, la nostra
Rete di Istituzioni di Psicoanalisi Applicata, se tutto questo
piccolo mondo è in piena attività, in piena crescita, ciò non
dipende da nessuna direttiva, da nessuna ingiunzione. A dire
il vero, quattro anni fa il CPCT di Parigi sembrava destinato
a essere un’iniziativa sperimentale, che verosimilmente
sarebbe rimasta a lungo solitaria, sino a che, con saggezza,
alcuni comitati scientifici non ne avessero tratto
insegnamento. Un entusiasmo inaspettato ha spazzato via
tutto ciò. Le masse del Campo freudiano si sono
impossessate dell’idea e l’hanno trasformata in forza
materiale, hanno superato tutti gli ostacoli, portando alla
luce giacimenti insospettati di buona volontà, di
disponibilità, di tempo liberato, rivelando vocazioni, come se
ciascuno si fosse detto: “Finalmente ci siamo!” Come se
facessimo finalmente ritorno all’avvenire. Come se, grazie a
noi, la psicoanalisi avesse stretto una nuova alleanza con il
tempo presente.
Nuovo paradigma
Siamo portati da questo grande movimento, che dobbiamo
al contempo delucidare, per sapere, se non altro, qual è il
passo successivo sul cammino di PIPOL. Per giustificare ai
nostri stessi occhi l’innovazione introdotta dal CPCT, per
riordinare le carte psicoanalitiche, siamo ricorsi a una
vecchia distinzione: quella fra psicoanalisi pura e psicoanalisi
applicata. Benissimo! È classica.
È assolutamente giusto lasciare intatta la psicoanalisi pura,
poiché alla formazione degli analisti continuano a imporsi le
stesse esigenze, la passe resta il nome con il quale noi
pensiamo il vero termine di un‚analisi e ne pratichiamo la
verifica.
L’innovazione in questione si è prodotta sul piano della
psicoanalisi applicata alla terapia. Era più rassicurante per
noi pensare così. Qui abbiamo introdotto un cambiamento di
paradigma, abbiamo intaccato parametri sino a prima
costanti: la durata e il pagamento. La durata è stata limitata
e programmata, il pagamento è stato soppresso. Attenzione
però! Soppresso per il paziente ma anche, sino ad ora
perlomeno, per l’analista.
Senza dubbio la terapia breve era già stata praticata in
psicoanalisi e teorizzata – pensiamo ad esempio a uno dei
nostri predecessori, Franz Alexander – e anche il
trattamento gratuito – pensiamo al consultorio di Berlino ai
tempi di Wilhelm Reich – ma, per quel che ne so, non sono
mai stati praticati su questa scala, né con l‚elaborazione
clinica ad hoc che, da noi, ormai li accompagna.
Sarebbe stato impossibile, se il nostro riferimento fosse
rimasto il concetto fossilizzato del setting, che s’identifica
con lo studio dove l’analista esercita privatamente la
professione. Gli effetti psicoanalitici non dipendono dal
setting, ma dal discorso, vale a dire dal fatto che alcune
coordinate simboliche vengono stabilite da parte di qualcuno
che è analista e la cui qualità d’analista non dipende
dall’ubicazione dello studio, né dalla natura della clientela,
ma piuttosto dall’esperienza in cui egli si è impegnato. Sono
i concetti lacaniani dell’atto analitico, del discorso analitico e
della conclusione dell’analisi come passaggio all’analista che
ci hanno permesso di concepire lo psicoanalista come un
oggetto nomade e la psicoanalisi come una installazione
portatile, che può spostarsi in contesti nuovi e, in
particolare, nelle istituzioni. I racconti di casi mostrano e
dimostrano, mettono in evidenza che effetti psicoanalitici
propriamente detti si producono anche dentro contesti
istituzionali, se solo tale contesti autorizzano lo stabilirsi di
un luogo analitico. C’è un luogo analitico possibile in
istituzione, diciamo un Luogo Alfa.
Un Luogo Alfa non è un luogo d’ascolto. Oggi si chiama
luogo d’ascolto un posto in cui un soggetto viene invitato a
cianciare invettive sguaiate a torto e a traverso. Si dice che
il fatto di esprimersi a parole dia sollievo. Un Luogo Alfa è un
luogo di risposta, un luogo in cui la chiacchiera prende il
risvolto dell’interrogativo, e l’interrogativo stesso prende il
risvolto della risposta. C’è Luogo Alfa solo a condizione che,
con l’operazione dell’analista, la chiacchiera riveli di
contenere il tesoro di un senso altro che vale come risposta,
che vale cioè come un sapere detto inconscio. Questo
mutamento della chiacchiera dipende da quel che chiamiamo
transfert, che permette all’evento interpretativo di aver
luogo, l’evento interpretativo che divide un prima e un dopo,
come diciamo classicamente.
Perché vi sia Luogo Alfa, è necessario ed è sufficiente che si
stabilisca il ciclo tramite cui “l’emittente riceve dal ricevente
il proprio messaggio in forma invertita”(1); in questo modo
il soggetto si trova collegato con il sapere supposto di cui
ignorava di esser sede lui stesso.
L’affiorare di un tale istante di sapere deve essere
severamente controllato, poiché è una scintilla che può dar
fuoco a tutto, intendo dire che, in un soggetto, può attizzare
l’incendio di un delirio interpretativo generalizzato. Per
assicurarsi quindi che gli operatori siano capaci di realizzare
una distribuzione ponderata degli effetti psicoanalitici, dosati
in base alle capacità del soggetto di sopportarli, s’impone
nel Luogo Alfa una selezione drastica. Analogamente, gli
operatori nel Luogo Alfa non possono astenersi dal praticare
l’arte della diagnosi rapida. Di regola questo compito, nei
nostri CPCT, è affidato agli analisti più esperti, più
agguerriti, che devono formulare una prescrizione
dettagliata.
In questo si scorge subito ciò che ha appassionato nella
pratica degli effetti terapeutici rapidi: l’alto grado di
padronanza clinica che richiede, la mobilitazione immediata
del sapere preliminarmente accumulato sia attraverso lo
studio dei testi sia attraverso l’esperienza effettiva, la
valutazione istantanea e l’assunzione ragionata del rischio
clinico. Abbiamo così potuto constatare che un
collegamento, anche fugace, con il sapere supposto, che noi
chiamiamo per ipotesi inconscio, si traduce di regola in un
ricollegamento con quello che tradizionalmente si chiama il
discorso dell’Altro.
Prendo le distanze, le prendo per tutti noi, da questa
formulazione. “L’Altro maiuscolo”, questa designazione è
una approssimazione, poiché non si tratta di un’istanza
unificata, non è un monolito. In questo senso non ho
obiezioni a parlare di un ricollegamento con la realtà sociale.
Cos’è il sociale che abbiamo fatto figurare nel titolo di
PIPOL3?
Innanzi tutto è un termine passe-partout, un termine
particolarmente comodo, che fa da interfaccia tra il
linguaggio delle autorità politiche e amministrative e il
nostro, a costo, senza dubbio, di un equivoco. Il segreto, il
nostro, è che noi non facciamo alcuna differenza tra la realtà
psichica e la realtà sociale. La realtà psichica è la realtà
sociale.
Nell’ultimissimo insegnamento di Lacan, si trova questa
proposizione provocatoria: “La nevrosi dipende dalle
relazione sociali”. (2) Per togliere ogni aspetto di paradosso
a quanto ho appena affermato basta ricordare che alla base
della realtà sociale c’è il linguaggio. Con questo intendiamo
la struttura che, per effetto della routine del legame sociale,
emerge dalla lingua che parliamo. È la routine sociale a fare
in modo che il significato possa conservare il senso, quel
senso che è dato dalla sensazione che ciascuno ha di “far
parte del proprio mondo, vale a dire della propria famigliola
e di quanto vi gira intorno”(3).
Gli psicoanalisti che esercitano nei Luoghi Alfa sono certo in
presa diretta sul sociale, incarnano per questo il sociale e
restituiscono il legame sociale ai soggetti che accolgono. È
ciò che giustifica il titolo di PIPOL 3. I soggetti che accolgono
invece non sono più, per l’appunto, in presa diretta sul
sociale, perché sono, invece, in una situazione di mancata
presa. Non è forse proprio quel che è ora opportuno mettere
a tema, e cioè la situazione di mancata presa sociale?
Si capisce l’entusiasmo che può prendere gli psicoanalisti
che esercitano nei Luoghi Alfa, nei CPCT, nelle istituzioni
RIPA, per il fatto di veder spazzate via le mediazioni che, di
solito, velano la posizione dell’analista, velano all’analista
che è in presa diretta sul sociale. Un analista può funzionare
solo se è in presa diretta sul sociale ma, nel suo studio, può
misconoscerlo e può alimentare le dolci fantasticherie –
Schwarmerei – della propria extraterritorialità.
Spesso si cita questa parola pronunciata da Lacan come se
ne avesse fatto l’elogio, mentre, ovviamente, l’ha usata in
senso ironico. Quando il Luogo Alfa emigra dallo studio
verso l’istituzione, la verità che si denuda mostra la
strutturale socialità della posizione e dell’atto analitici.
Arriverò persino a dire che il successo dei CPCT e, più
ampiamente, quello delle istituzioni RIPA, è il successo di
questa “operazione verità”. È ciò su cui si fonda quel che, in
questi giorni, ho inteso come un “Finalmente ci siamo!”.
Quando si parla di psicoanalisi pura e di psicoanalisi
applicata s’intende che i risultati della prima sono investiti
nella seconda. È esatto ed è innanzi tutto il caso proprio
dell’analista, in quanto è il risultato della sua stessa analisi
che, invece, non è né breve né programmata né gratuita.
Non trascuriamo però il fatto che c’è un effetto di ritorno. La
psicoanalisi applicata, quella che noi pratichiamo, ha
un’incidenza sulla psicoanalisi pura che andrà via via
crescendo.
Lo possiamo cogliere già nella clinica della psicosi ordinaria,
senza esordio, dove gli effetti della preclusione non sono
spettacolari, diversamente dai deliri e dalle allucinazioni, ma
si traducono in segni più discreti, con fenomeni elementari
talvolta minimi, sono scollegamenti successivi dalla famiglia
e da tutto quello che vi gira attorno: le relazioni sociali, il
mondo.
La psicoanalisi applicata avrà conseguenze anche sulla teoria
della cura. La programmazione dei trattamenti brevi rende
l’analista più attento a quanto viene acquisito in ogni
seduta, una per una, mentre la Durcharbeitung
dell’esperienza pura – la rielaborazione come viene tradotta
–, il tempo per comprendere prolungato imposto dall’analisi
pura ha come effetto naturale l’abrasione di tale dettaglio,
addirittura il fatto di renderlo impercettibile all’analista.
Quelle che, talvolta, meritano d’essere chiamate le microcure
condotte nei Luoghi Alfa avranno l’effetto di affinare la
vigilanza degli analisti nella direzione della cura analitica
propriamente detta.
In terzo luogo, ricordo che i nostri Luoghi Alfa istituzionali
ora sono, almeno in parte, sovvenzionati da alcune
amministrazioni e lo saranno sempre di più. S’impone allora
un’esigenza naturale, e cioè quella di render conto ai loro
sponsor. Questi ultimi vogliono cifre, vogliono il quantitativo,
il numerico. Vogliono risultati da far passare dentro le
statistiche, dentro le macchine d‚archiviazione, dentro i
computer. Ci offrono già i servizi dei loro ingegneri.
Possiamo sostenere di operare con il sapere supposto e che
il sapere esposto snatura la nostra operazione. Possiamo
dire, sospirando, che è scocciante compilare le schede che ci
richiedono. Propongo di prendere le cose in modo diverso, di
prenderle cioè come l’opportunità di far passare la nostra
clinica, le sue diagnosi, i suoi avvistamenti, nel circuito della
comunicazione comune; il che significa innanzi tutto farla
passare nel registro della trasmissione integrale, quello che
Lacan ha chiamato il matema.
Il matema, non è solo l’uso di S/, a, S1, S2, e così via.
L’esigenza degli sponsor deve essere per noi l’opportunità di
formalizzare la nostra clinica e, perché no, di rivaleggiare
con il DSM. Perché non creare la BPS? Chi può dubitare che
la costituzione di una “base psicoanalitica del sintomo”,
passibile di quantificazione, possa avere effetti molto
favorevoli sulla qualità della trasmissione clinica, ivi
compresa quella più sfumata? Sono forse l’unico a
desiderare un’armatura matematica più consistente di quella
di cui noi disponiamo? Non credo.
Disinserimento
Il passo successivo, nella serie dei PIPOL, s’impone
logicamente. E’ opportuno passare allo studio tematico,
differenziale, graduato, delle situazioni soggettive di
mancata presa sociale.
La mancata presa sociale ha un nome comune, nel
linguaggio amministrativo contemporaneo: disinserimento.
Questo termine è stato scelto come titolo del progetto di
ricerca RIPA a livello europeo(4). Vedo PIPOL 4 come una
scansione in questa ricerca. Da qui il titolo che propongo:
“Clinica e pragmatica del disinserimento in psicoanalisi”.
Dico clinica perchè, ovviamente, abbiamo cose da dire e a
cui dare ordine per quanto riguarda i fondamenti
psicoanalitici del disinserimento, dove potremo investire i
nostri risultati concernenti la psicosi ordinaria, in particolare
ciò che ruota intorno a quella che Hugo Freda ha chiamato
“la precarietà simbolica”. Potremo senza dubbio portare
qualcosa di nuovo sul rifiuto scolastico, per esempio, poiché
il significante-padrone sull’autorità, e l‚S2 sul sapere, ci
forniscono idee che possono essere comunicate. Dico
pragmatica, invece che trattamento o cura, perchè qui
siamo sul terreno del saperci-fare, dello “sbrogliarsela con”.
Il grande movimento che ci porta dipende dal fatto che la
psicoanalisi si è mostrata, e si mostra ancora, in ritardo
rispetto a se stessa. La psicoanalisi, la cui pratica implica il
crollo di tutte le parvenze, che mette in opera un potente
principio, quasi socratico, d’ironia, resta spesso attaccata a
credenze obsolete, si rifugia in una extraterritorialità
immaginaria. Non si riconosce più in un universo
contemporaneo che, tuttavia, più di altri ha contribuito a far
emergere e, nei suoi rappresentanti meno simpatici, in quelli
più ignoranti, piange sul Nome-del-Padre sognando di
ristabilirne il regno. Nostalgia del momento freudiano della
psicoanalisi, quando regnava ancora un ordine sociale
autoritario, gerarchico, regolamentare, addirittura
disciplinare, e in cui la psicoanalisi era ancora in bozzolo, a
difendere il diritto a godere.
Era l’epoca in cui l’inserimento sociale veniva realizzato
fondamentalmente tramite l’identificazione simbolica. Uno
psicoanalista poteva allora esaltare la liberazione del
desiderio, la salvezza attraverso la pulsione. Ora siamo
nell’epoca in cui l’Altro non esiste più. Allo “zenit sociale” vi
è l’oggetto a che lo ha sostituito. L’inserimento, più che
attraverso l’identificazione, si realizza attraverso il consumo.
Il sogno, più che la liberazione, è la soddisfazione. E la
realtà sociale è dominata dal mancato-godere. Ne deriva la
voga delle dipendenze, che non è riguarda semplicemente le
pratiche: tutto diventa dipendenza nel comportamento
sociale, tutto assume uno stile dipendente.
Nelle dipendenze, come nel consumo frenetico dei
plusgodere che la tecnologia moltiplica e mette sul mercato
a ritmo sempre più rapido, si deve riconoscere uno sforzo
disperato per risarcire una carenza di soddisfazione che è di
struttura.
Momento pragmatico
È la chiave di lettura dello scontro di civiltà. Viene
chiamata così essenzialmente l’opposizione,
l’incompatibilità tra la civiltà religiosa e la civiltà fondata
sul mercato, tra la civiltà dominata dall’ideale dell’io e
quella dominata, per la precisione, dal superio, il cui
imperativo si formula godersi, tra la civiltà del rispetto e la
nostra, che è quella dell’ingordigia. La civiltà fondata sul
mercato stigmatizza quella dell’ideale dell’io come
fanatismo ed essa è a sua volta stigmatizzata come
perversione, corruzione, depravazione, Godimento-pride
(5). Tra le due vi è quell’enigmatica mescolanza che è la
Cina odierna, dove si osservano al contempo un controllo
autoritario dell’ideale e una straordinaria disinibizione del
consumo.
Perché degli psicoanalisti in questi tempi di disagio? Non
per condividere il disagio. Il buon umore che ha regnato in
queste Giornate testimonia che non è il nostro stile. Non
lasciarsi abbindolare dalla soddisfazione illusoria dei
plusgodere non significa comunque attestarsi nel rifiuto
dell’anima bella e lanciare anatemi contro la realtà sociale
contemporanea. La missione che ci spetta in questo
mondo è riconoscere e delucidare la diversità umana, la
diversità dei modi-di-godere della specie. Questo impone
di riallacciarsi allo spirito della psicoanalisi ai suoi albori,
quando gli psicoanalisti sapevano ancora sacrificare alla
psicoanalisi le parvenze della rispettabilità. La psicoanalisi
allora sapeva che, per essere assolutamente rigorosa,
doveva essere un po’ mascalzona.
Ho parlato del momento freudiano, che è dietro di noi. Lo
è ugualmente il momento lacaniano; esso è stato al
tempo stesso, in una congiunzione barocca, esistenzialista
e strutturalista, vale a dire scientista. Lacan stesso ha
lasciato questo momento dietro di sé e ha abbozzato per
noi la configurazione del momento contemporaneo, che è
pragmatico. Sì, siamo pragmatici, come tutti oggi; siamo
tuttavia a parte, siamo dei pragmatici paradossali, che
non hanno il culto del funziona. Il funziona non funziona
mai. Il nostro buon umore viene sicuramente dal fatto che
sappiamo che fa cilecca, ma noi riteniamo di far cilecca
nel modo giusto. Siamo persuasi che c’è bisogno di noi.
· Trascrizione, corredata di note da Catherine Bonningue,
dell‚intervento di J.-A. Miller in chiusura delle Giornate
PIPOL 3 che si sono svolte a Parigi il 30 giugno e il 1°
luglio 2007 sul tema „Psicoanalisi in presa diretta sul
sociale‰. Riletta da Jacques-Alain Miller.
(1) J. Lacan, „Funzione e campo della parola e del
linguaggio in psicoanalisi‰ (1953), in Scritti, Einaudi,
Torino, 1974, p. 291.
· (2) J. Lacan, Le Séminaire, livre XXIV, L‚insu que sait
de l‚une-bévue s‚aile à mourre (1976-77), lezione del
17 maggio 1977; cfr J.-A. Miller, „Le tout dernier
Lacan‰ (2006-07), L‚orientation lacanienne III, 9,
lezioni del 14 e del 21 marzo 2007.
· (3) Cfr. J. Lacan, Il Seminario. Libro XX, Ancora (1972-
73), Einaudi, Torino, 1983, cap. IV.
· (4) Questo tema è stato scelto durante la riunione RIPA
del 30 giugno 2007 e deve essere messo in opera da un
nuovo comitato animato da Hugo Freda, mentre delle
ricerche sul programma informatico clinico delle nostre
istituzioni saranno riunite da una commissione diretta
da Jean-Daniel Matet.
· (5) Allusione al Gay Pride che si svolgeva quella sera, il
30 giugno 2007.
Traduzione: Adele Succetti
Revisione di Marco Focchi