SOCIÉTÉ HELLÉNIQUE DE LA NLS
Matinée d’études consacrée aux
« PRINCIPES DIRECTEURS DE L’ACTE PSYCHANALYTIQUE »
Nous lirons ci dessous le compte-rendu détaillé de cette matinée d’études de la Société hellénique, que nous propose son président Réginald Blanchet.
A l’initiative de son Comité directeur la Société Hellénique a tenu sa première matinée d’étude le samedi 22 septembre dernier. Elle fut consacrée à l’étude la Déclaration de l’AMP établissant les « Principes directeurs de l’acte psychanalytique ». Il importait, en effet, que la Société entreprenne ce travail de doctrine qui concerne son identité même. Société de l’Ecole, d’une part, appelée, d’autre part, à soutenir l’extension du discours psychanalytique dans les conditions d’aujourd’hui, il lui revenait d’être au clair quant à l’orientation lacanienne de l’acte psychanalytique ici et aujourd’hui. Il importait tout autant que la Société se retrouve elle-même autour de ce travail de réflexion. C’était, en effet, sa première réunion interne de travail, tenue en formation complète depuis qu’elle s’était dotée de ses statuts en mai 2006.
Co-présidée par Anne Lysy, déléguée du Comité Exécutif de l’Ecole auprès de l’assemblée générale de la Société qui devait se tenir ensuite, la matinée fut organisée autour de cinq tables thématiques. Elles eurent, chacune, à charge de présenter, interroger et commenter une partie déterminée des principes. Un exposant choisi parmi les membres de l’Ecole avait remis son texte au préalable aux commentateurs pressentis pour chaque table. De sorte que put avoir lieu la discussion précise et approfondie que nous souhaitions avoir ensemble. Il revint à Anne Lysy de l’introduire. Elle le fit en rappelant les circonstances qui avaient présidé à l’élaboration du document. L’idée, on le sait, s’en était imposée au Congrès de l’AMP tenu en 2004 à Commandatuba sous le chef de la psychanalyse « pratique sans standards mais pas sans principes ». La gageure reste la même.
Il s’agit de savoir, nous dira Anne, « comment la psychanalyse peut être de son temps tout en étant à contre-courant ». C’est à cela que répond, dans sa forme de document de référence solennel, la « Déclaration ». Proposée comme charte de notre orientation dans le moment actuel de la civilisation elle vise à expliquer le plus simplement possible les principes de la psychanalyse lacanienne. On notera d’emblée qu’elle porte électivement sur « l’acte » psychanalytique, et non pas sur la « thérapie » ou même sur la « cure » psychanalytiques. Tel était pourtant le terme usité dans le titre du texte de Lacan dit de « La direction de la cure » dont la Déclaration s’inspire par ailleurs. C’est que, souligna Anne Lysy, l’acte est la réponse lacanienne au « cadre » et au « contre-transfert » comme catégories qui orientent la pratique de l’IPA. L’acte, c’est l’accent mis sur l’analyste comme le principe même de l’expérience analytique. Est essentiel, de ce point de vue, le concept du « désir de l’analyste ». Au centre des deux cercles concentriques que dessina Jacques-Alain Miller à Commandatuba pour y situer respectivement les savoirs qui contribuent à la « formation » du psychanalyste, d’une part, et d’autre part « monanalyse », il y a le trou que constitue la question de savoir « qu’est-ce que l’analyste ? ». Le trou est aussi bien la réponse elle-même puisqu’il dit l’A barré, soit l’impossibilité d’une identification dernière du psychanalyste. Le trou de cet impossible pour consister valablement doit être enserré dans les dispositifs institutionnels. La passe en est le cœur, soit le relevé au cas par cas des résultats, à sérier, de l’expérience pour faire ex-sister la question sous la forme de ces réponses chaque fois singulières, non universalisables.
Dans son exposé sur la psychanalyse comme pratique de parole, qui fait l’objet du premier principe, Nafsika Papanikolaou mit en valeur la discipline de l’interprétation impliquée par la matérialité de l’inconscient, soit par l’articulation de la chaîne signifiante qui inclut aussi bien « les non-dits qui touchent au registre du réel ». Il convient, par conséquent, de composer la pratique de l’interprétation avec une pratique « post-interprétative » par où, reprend Nafsika, « l’interprétation fonctionnerait à l’envers de l’inconscient, et par où la séance psychanalytique constituerait une ‘unité a-sémantique’. Le sujet s’en trouve reconduit, de la sorte, à l’opacité de sa jouissance. A cette fin il faut que le S2 soit retenu par l’analyste, et non plus rajouté au S1 afin que les signifiants élémentaires puissent être dégagés». Ce sont les ‘coupures’ qui sont alors opératoires dans ce travail de séparation. C’est ce que fait valoir l’enseignement de Jacques-Alain Miller qui innove en introduisant les concepts corrélatifs de ‘l’Autre qui n’existe pas’, du ‘partenaire-symptôme’, de ‘la montée au zénith de l’objet a’.
A sa suite, Nassia Linardou-Blanchet commenta « la pratique de transfert et de l’Autre barré » que constitue la psychanalyse aux termes des principes 3 et 4 de la Déclaration. « Le transfert de la signification du sujet supposé savoir sur la personne de l’analyste, note Nassia, n’est qu’une manœuvre de l’amour ». Le vrai de l’affaire, qui est aussi son réel, est d’ordre pulsionnel : la pulsion fonde le transfert à la mesure de la « réalité sexuelle de l’inconscient ». Le transfert en constitue la mise en acte. Dans ces conditions, « l’analyste se fait valoir comme partenaire de la jouissance ». Le lieu de l’Autre devient ainsi le lieu du désir et de la jouissance où se déploie la dimension de l’objet pulsionnel. En cela la pratique psychanalytique se définit d’être une « pratique de l’Autre qui n’existe pas », soit un traitement du fantasme.
Tel serait, au fond, le ressort du procès de désidentification que constitue la cure psychanalytique. Son souci : la singularité subjective. Epaminondas Theodoridis s’appliqua à montrer très rigoureusement en quoi le fondement du deuxième principe de la Déclaration était à trouver dans le procès d’aliénation-séparation dont Jacques-Alain Miller donne les clés dans son cours « Ce qui fait insigne » (1986-87). « L’identité du sujet est double. Elle est signifiante : le sujet s’aliène sous le signifiant (sous le S1 du procès d’aliénation). Elle est aussi libidinale : « le sujet trouve sa place dans le manque de l’Autre comme objet a » (dans le procès de séparation). Dès lors, la chute des identifications impliquée dans la cure se produit dans un mouvement dialectique entre aliénation et séparation : « Le sujet, nous dit Epaminondas, découvre dans l’Autre ses identifications au moment où il se sépare d’eux ». La séparation est possible « du fait qu’aucune identification ne peut satisfaire la pulsion », soit : « l’être de jouissance du sujet ». La jouissance constitue le plus singulier du sujet. Dès lors, se justifient les termes du cinquième principe qui s’inscrivent en faux contre toute tentative de standardisation thérapeutique. « Pas de cure-type, pas de protocole général », y lit-on. C’est que la psychanalyse n’est pas une technique mais un discours.
C’est encore ce qu’explicite le sixième principe de la Déclaration, qui prend en compte la variété des formes de l’expérience. Pour se distribuer en modalités diverses l’application de la psychanalyse à la thérapeutique ne déroge pas à son identité fondamentale. Elle demeure un discours qui, au rebours de « l’application d’une norme, vise un accord du sujet avec lui-même ». Vlassis Skolidis évoqua d’abord, dans son propos, le divers de la psychanalyse appliquée depuis Freud. Sa durée, le cadre de son intervention (institutionnel et privé), l’âge et la condition des patients ont été, de toujours, des variables de l’expérience. Sa constante est son éthique : un accord du sujet avec lui-même. Il est à entendre comme « l’autre face, la même en vérité, de l’accord donné à l’incurable manque de l’être sexué ». C’est aussi ce que marque « l’impossible de la pleine satisfaction sexuelle pour l’être parlant » qu’affirme le septième principe. Ceci justifie qu’il ne puisse être question de promouvoir quelque norme sexuelle qui vaille. Bien plutôt, il y a à prendre en compte la nécessité du symptôme pour l’être parlant : il est le mode, de structure, souligne Vlassis, sous lequel ce dernier assume l’inexistence du rapport sexuel. Cela emporte des conséquences cliniques quant aux modalités, contingentes, de la terminaison de l’expérience analytique.
C’est très logiquement que la Déclaration se clôt sur le problème de la formation du psychanalyste. C’est, en effet, la question cruciale du discours analytique : son nœud et sa croix tout ensemble. La triple modalité du savoir de l’analyste (universalisable, particularisé, singularisé) en fait un savoir décomplété. De ce fait, l’opération du psychanalyste ne saurait relever de l’algorithme de la procédure. Elle appelle l’acte. Celui-ci est la conséquence logique du nouage qu’opère le désir de l’analyste entre les trois dimensions hétérogènes de son savoir. La formation du psychanalyste vise donc la formation à son acte. Elle est, d’essence, trouée. L’acte, en effet, ne peut, de structure, se prêter à la norme d’un savoir. Il est, en cela, en excès de toute formation possible. Il demeure contingent. Tel est donc le paradoxe irréductible de la psychanalyse, et qui la fait rebelle au discours du maître. Son acte est inédit dans la culture. Il est subversif de la logique de la maîtrise. Son éthique est autre. C’est ce que j’ai souhaité, pour ma part, livrer à la réflexion collective sur le huitième et dernier principe de la Déclaration.
L’ensemble de nos contributions sera bientôt disponible en français et en grec sur le site de la Société Hellénique.
L’assemblée générale qui suivit en début d’après-midi en présence de la déléguée du CE de la NLS ne fut pas de moindre importance. Il y fut question, pour l’essentiel, des moyens de promouvoir davantage le transfert de travail au sein de la Société. Il s’agit, en effet, de rendre systématique à présent le travail en cartel en son sein, et autour d’elle dans sa périphérie immédiate. Notre prochaine assemblée, qui se tiendra en septembre 2008, s’accompagnera de la réunion de notre premier inter-cartels. Nul doute que la cordialité de nos échanges se confirmera pour être le gradient évident du transfert de travail qui anime la vie de la Société. Le rapport moral qui présentait au nom du comité directeur le bilan d’activité de l’année écoulée et traçait les perspectives de travail pour l’année qui est devant nous, reçut l’approbation unanime de l’assemblée.
Réginald Blanchet
Président de la Société Hellénique de la NLS
Athènes, le 28 octobre 2007.
Association Mondiale de Psychanalyse
Nouvelle École de Psychanalyse — New Lacanian School