Compte-rendu de la journée intercartel du Kring
Le 2 juin 2007, le Kring voor Psychanalyse de la NLS a tenu sa journée intercartel, à Bruges. Notre invitée, Monique Kusnierek (AME, et membre d’honneur de notre Kring) a immédiatement accepté notre invitation. On était donc en bonne compagnie, comme l’année passée d’ailleurs, lorsque Gil Caroz est venu travailler avec nous.
Après toute une année de travail en cartel (12 nouveaux cartels ont été déclarés à la NLS !), sept cartellisants, pour la plupart des membres du Kring, ont présenté un produit. Il y avait deux textes théoriques, les autres étaient des cas cliniques.
En guise d’introduction, Monique Kusnierek a souligné qu’une même question traversait tous les textes, celle du sujet supposé savoir. Monique a commenté l’algorithme du sujet supposé savoir qui sert de ressort symbolique de ce transfert. Mais aussitôt elle a insisté sur la part libidinale du transfert : le transfert ne peut se résumer à cette formule linguistique, il doit inclure la jouissance, l’objet a, le sujet n’étant pas uniquement un effet du symbolique. Elle nous a donc invité à écouter cet « autre » aspect du transfert à travers tous les textes. Ce thème a d’ailleurs été repris dans la discussion, en se référant au texte de Jacques-Alain Miller sur le transfert négatif, qui en effet traduit le double versant du transfert comme transfert d’aliénation et transfert de séparation, avec d’un côté le sujet supposé savoir et de l’autre l’objet a qui met en acte la réalité sexuelle de l’inconscient.
Un premier cas, de traumatisme, concernait une femme qui avait presque tout perdu dans son pays d’origine, et qui était venu se réfugier en Belgique. La rencontre dans les contacts préliminaires avait permis une rélibidinalisation du sujet. Pas de lecture de l’inconscient, probablement pas de mise en place du sujet supposé savoir, mais c’est le prélèvement d’un petit détail très concret dans son histoire (le fait que par hasard le thérapeute avait compris, tout a fait par hasard d’ailleurs, un mot vital de sa langue natale) qui a redonné de la chaleur et de la libido dans sa vie.
Suivaient alors trois cas, aux titres variés: « Valider le symptôme », « Transfert et psychose: tisser un lien social » , et « Kleptomanie dans le transfert ». Dans ces trois cas, de psychose, pas de mise en place du sujet supposé savoir non plus, ce qui néanmoins n’excluait nullement la naissance d’un néo-transfert. On a vu comment peut s’opérer une inversion du transfert, de sorte que la jouissance n’est plus localisée dans l’Autre. Cet autre transfert ne peut naître que dans une ‘ambiance’ de conversation, sans déchiffrement de l’inconscient. Là peut apparaître ce qu’on peut appeler ‘un travail d’ironie’ dans les rapports du sujet au langage: le sujet se moque du signifié. Ce qui conduit à ce qu’on pourrait appeler « un transfert de lalangue », un transfert sous lequel s’élabore un savoir sur lalangue. On a aussi vu comment se garder d’interroger les petits arrangements du sujet, même si ceux-ci peuvent avoir l’air « métaphorique ». A chaque fois il s’agit de soutenir le savoir faire du sujet dans son traitement de l’Autre. Ce qui évidemment n’exclut pas des coupures de la part de l’analyste, lorsque le sujet tend à se perdre dans des glissements métonymiques. Chaque nouvelle délocalisation de la jouissance peut livrer le sujet psychotique au désir énigmatique de l’analyste. Monique Kusnierek a pointé ces cas avec une citation de Jacques-Alain Miller, disant qu’il est inexact de dire que l’Autre du psychotique est non barré. L’Autre manifeste bel et bien un trou, le problème c’est que le sujet psychotique a une pente irrésistible à s’y engouffrer. Le psychotique cherche les manques dans l’Autre afin de s’y perdre. Il faut ainsi déprendre le sujet pris dans l’Autre.
Un quatrième cas clinique concernait le transfert en milieu carcéral. On a vu comment un sujet, une femme, peut développer un savoir faire afin de se protéger contre l’Autre auquel elle est livrée comme objet de jouissance, plutôt que de déployer un savoir inconscient. Dans le transfert ce sujet s’est servi de son analyste comme base d’une identification imaginaire.
Finalement on a pu écouter et discuter de deux textes théoriques. Le premier a mis l’accent sur le côté fécond du transfert négatif comme facteur de « progrès » dans une cure en impasse. La question se posait si ce transfert négatif peut nous donner un accès plus direct au réel en jeu: l’amour ne s’adresse qu’au savoir tandis que la haine vise plutôt l’être. Néanmoins il convient de ne pas oublier que l’amour aussi, dans sa demande folle, peut témoigner de la présence de l’objet, et du réel.
Le deuxième texte théorique se posait la question du sens de la demande de bonheur d’un certain type de ‘clients’, qui viennent réclamer un happy end à la fin de la cure. L’algorithme du transfert – le signifiant du transfert impliquant le signifiant quelconque – permet de démontrer que le transfert vise le singulier – ce qui est tout à fait autre chose que cette catégorie universelle du bonheur. Reste que, au-delà du repérage des signifiants, il faut un acte de l’analyste pour installer le transfert.
Bref: une fois de plus cet après-midi a fait rencontre, sympathique, dans laquelle l’enthousiasme témoignait d’un transfert au travail bien fécond.
Stefan Verlinden
Responsable des cartels du Kring de la NLS