Ce cent cinquantième anniversaire de l’inventeur de la psychanalyse, l’Ecole de la cause freudienne l’a fêté aujourd’hui au présent, en inaugurant à l’UNESCO une exposition singulière. Ce fut une idée de Judith Miller, a précisé Lilia Mahjoub dans son allocution d’ouverture.Freud est en vacances, en 189* quand il entend la question… « Are you Doctor, Sir ? « (« Sind Sie ein Doktor ? ») « J’étais si selbstvergessen (en un mot : « oublieux de ma propre personne… ») que je ne rapportai tout d’abord pas ces paroles à moi-même. C’était pourtant à moi que… ». De ce laps surgit le portrait de Freud en « Doctor ? » réinventé par Gérard Wacjman en cet avant-printemps 2007. Un Doctor sur la brèche, contemporain et prêt encore à en découdre.Vous avez dit « doctor ? », et voilà sous vos yeux le produit d’un demi-siècle d’édition de psychanalyse acharnée, qui culmine avec les vingt ans du Verlag : livres originaux, dédicacés, de Freud ou par Freud ou à Freud, rassemblés par le collectionneur belge Philippe Healers depuis quinze ans, formant une collection de collections inventoriée, classée, présentée dans des vitrines élégantes, mais aussi scannée et projetée sur un mur de plus de vingt mètres par le graphiste Malt Martin, et commentée dans un folio de quatre pages à l’intérieur duquel s’étale « la lettre suspendue », qui est la contribution de François Regnault à cet anniversaire.Tel fut l’Éros de ce Doctor-là.Il avait commencé son activité épistolaire en espagnol, écrit son hommage à Charcot en français, et toujours remis sur le métier la psychanalyse dans la langue de Goethe. Ces trois langues étaient à l’honneur aujourd’hui.Les ambassadeurs des délégations argentine et autrichienne auprès de l’UNESCO s’exprimèrent l’un et l’autre en français et, sans s’être concertés, parlèrent tous les deux de la présence et de la densité de cette exposition que leurs collègues du monde entier, réunis en congrès dans une salle voisine, avaient déjà eu l’heur de visiter en catimini, avant de se résoudre à reprendre le cours de leurs travaux, avec une satisfaction toute freudienne. Le conseiller argentin s’étendit longuement sur la place de la psychanalyse dans son pays : celle-ci n’était-elle pas enseignée à l’Université de Buenos Aires en 1914 (à couvert, il est vrai, de la « psychologie ») ? Il cita même Thomas Mann : « Jamais plus on ne pourra occulter les questions que Freud a posées à l’humanité… » Autres temps, autres mœurs… Chacun de leurs discours fut ponctué par la lecture d’un extrait de l’allocution de Freud à la maison de Goethe à Francfort, qui fait de Goethe un précurseur de la psychanalyse. Irina Solano nous en fit, dans ces trois langues, une magnifique lecture.Il ne vous reste plus qu’à former sur les téléphones qui sont là, à l’entrée, le 89900, nous dit pour conclure cette inauguration Luis Solano, qui fut le maître d’œuvre de ce cartel élargi : vous aurez Freud, en direct. Et, de fait, pour l’achat du Journal de l’exposition, un CD comportant ces deux minutes et demie de « direct » vous sera gracieusement offert.Enfin, lorsque vous prendrez le temps d’examiner le contenu de chaque vitrine, votre regard ne manquera pas de s’attarder sur l’une d’elles, puis d’être irrésistiblement attiré par un cliché photographique unheimlich, que le daimon malicieux du commissaire de l’exposition a placé là, et qui vous regarde, par les yeux insolites d’une odalisque très… contemporaine.C’est que l’exposition n’eût pas été complète, si elle n’avait été si heureusement décomplétée…L’exposition fermera ses portes le jeudi 8 février, avec une conférence de Serge Cottet soulignant l’importance et l’actualité des thèses freudiennes. Nathalie Georges Lambrichs. (From ecf-debats)