(ou Notes de psychanalyse, sexe et politique)
L’équation phallocentrique est la superposition pénis et phallus, en tant qu’une seule et même entité, garantie par l’évocation d’un troisième élément : la nature, la biologie ou la bible. Il serait dans la nature de l’homme d’avoir un accès direct au pouvoir et de jouir, et à la femme, d’un accès indirect, et il serait de la nature des choses qu’il n’y aurait que ces deux types de formes de vie sexuelle, masculine et féminine.
Le phallocentrisme a été sérieusement ébranlé ces derniers temps. La résurgence apparente de discours radicaux visant le pouvoir phallique à travers le monde semble nier cette agitation. Ne pourrait-elle pas attester, comme le propose le psychanalyste E. Laurent, exactement une réaction à cela ? En ce sens, il confirme qu’il y a eu un bouleversement et justifierait en grande partie le terme réactionnaire, dans le cas du Brésil, en tant que demande brutalisée pour la restauration de l’ordre phallique, désormais au pouvoir.
Que dire du phallocentrisme, de la démocratie et de la psychanalyse dans ce contexte ?
Voici cinq autres propositions qui complètent notre liste de notes vers un essai de « psychanalyse, sexe et politique » dont une partie a été publiée précédemment.
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La vie, en dehors du phallus, vaut la peine
Au lieu de « oui » ou « non », distribuant le manque dans deux modes complémentaires, commencent à exploser des identités de genres variées, des explorations, des nouvelles combinaisons. A la place d’un pouvoir au centre do corps social, légiférant sur la vie et excluant les inintelligibles vers les marges, une multitude de détails instables et d’une moindre cohésion gagne de plus en plus d’expression dans le tissu sexuel et social. Cette description, transposée sur un plan plus général, pourrait peut-être simplement s’appeler démocratie radicale, comme le proposent Laclau et Mouffe. Dans ce cas, ces identités et les nouvelles compositions qu’elles engendrent doivent établir des contrats et des accords pour coexister, en définissant consensus et des hégémonies, puisqu’elles ne fondent que des unions plus ou moins stables.
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La jouissance du phallus devient paranoïaque
Compte tenu de cette explosion de galaxies et de tribus, la tribu phallique aurait pu devenir une parmi d’autres, dans ce cas le phallus ne serait-ce qu’une possibilité de jouissance, avec toute son importance, mais non plus d’exception. Ce n’est pas ce qui s’est produit, car les croyants du phallus ont changé de statut. Auparavant, un croyant pur et dur du phallus relevait du comique, puisque la vie, ne pouvant pas être totalement saturée par le phallus, reprendrait le dessous sous la forme de la femme infidèle, ou bien de la bouffonerie du pouvoir (c’est ce que Lacan développe dans son Séminaire 5avec Molière et Genet).
S’identifier à un phallus en érection en permanence faisait rire. Pas maintenant. Le plus imaginaire de la religion et la reproduction acephalle du Même sur les réseaux de l’internet s’associent pour réitérer une foi dans le phallus qui ne peut être comprise que lorsque l’on l’approche appuyés sur ce que Lacan a développé à propos de la psychose. Rappelez-vous à quel point il est difficile de trouver des sujets divisés en ces temps polarisés, en particulier au moment des élections. On dit qu’il s’agit d’un refus de la différence. C’est dire peu, car il faudrait dire quelle différence est niée dans ce cas. Il vaut mieux dire que c’est un refus de tout ce qui n’est pas intelligible, tout ce qui est non-lieu, sans utilité directe. Il ne s’agit pas d’exclure quelqu’un, de le jeter à la poubelle d’un régime universel, d’un « Nous, le tout, mais pas lui ». C’est plus un « Tout ce qui n’est pas nous, n’existe pas ». En ce sens, ce n’est pas un refus, mais une décision ferme d’élimination, une logique d’extermination.
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Une analyse va à l’encontre de la fausseté de l’ego
Notre ego a besoin d’une identité stable. La culture phallocentrique en propose deux. Celle dite dorénavant euro centrique, dans sa modalité démocratique, en a proposé d’autres (57 genres sur le facebookaméricain, par exemple). Quoi qu’il en soit, du point de vue de Freud, il y aura toujours une identité principale soutenant la cohésion du moi. Freud n’a jamais proposé qu’elle soit nécessairement phallique. L’essentiel est que l’analyste travaille avec l’inconscient, un domaine de fixations libidinales polymorphes, gender free. L’analyse consiste dans une exposition continue à la multiplicité libidineuse de l’inconscient pour reconfigurer l’unité du moi.
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Une analyse est préférable au milieu de la diversité
Une analyse se développe dans l’horizon de la « différence absolue », selon le Lacan du Séminaire 11. Il ne s’agit d’aucune manière d’une différence relative, entre des degrés de mélanine, ou d’estrogène, mais de la présence de la différence en tant que telle, en tant que multiplicité essentielle dans le cœur do moi. La psychanalyse est du côté de la diversité car elle suit le travail des multiples fixations libidinales qui constituent l’inconscient, du sexuel comme lieu de l’inscription du polymorphe, de ce qui varie, ce que Lacan a formalisé comme le pastout. Y a-t-il un érotisme du pas-tout ? De ce qui ne relève pas du phallus ? Oui ! C’est ce soutient la contagion de la psychanalyse, en tant que peste, jusqu’à ce jour. La psychanalyse n’est pas conquérante mais contagieuse.
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La psychanalyse est, pour des raisons structurelles, du côté de la démocratie