Un sixième du panneau exposé
Serge Cottet, LS & L.M.Sobron, Conseiller de l’Argentine
Le 8 février 2007, a pris fin l’exposition célébrant le 150e anniversaire de la naissance de Freud, organisée par l’ECF, avec les Auspices de l’Unesco et des Délégations permanentes de l’Argentine et de l’Autriche. Devant une centaine de personnes (de provenances très diverses), Serge Cottet nous a offert une conférence exceptionnelle qui mérita les longs applaudissements qui la saluèrent à la fin. Vous pourrez lire ci-après un compte rendu de cette conférence, fait par Francesca Biagi-Chai.
“Freud et le malaise dans la civilisation actuelle”
par Serge Cottet
L’exposition consacrée au cent cinquantième anniversaire de la naissance de Freud à l’ Unesco s’est achevée par une conférence de serge Cottet sur l’
actualité de Freud dans le malaise de la civilisation, thème déjà très présent dans la remarquable documentation offerte au public. Serge Cottet nous a rappelé les conditions dans lesquelles la psychanalyse s’était finalement imposée dans la culture européenne après la guerre de 1914-1918.
A travers un enchaînement subtil, mêlant la démonstration, le contexte historique, philosophique et culturel aux phrases choisies de Freud, Serge Cottet nous a fait parcourir le chemin que la psychanalyse s’est frayé non sans malentendus. L’imputation de vision du monde « pansexualiste » a servi à sa propagation tout en lui aliénant le monde savant, la médecine, l’université. Ni science reconnue, ni mystique consolatrice, la psychanalyse n’annonce aucune bonne nouvelle qu’on est en droit d’attendre à l’époque.
Dans un article de 1925″ Résistances à la psychanalyse », Freud réagit à l’isolement de la psychanalyse , isolement dû, selon lui, au fait qu’il dénonce une société hypocrite dans sa répression de la sexualité , exigeant trop de renoncement de la part de l’individu qui s’insurge à bon droit contre elle. Ces propos subversifs valent à la psychanalyse d’être bannie comme « ennemi de la civilisation », tandis que Freud parle au nom de la science. Ecrivant dans une revue juive, Freud fait la part de l’antisémitisme qui résonne dans cette mise à l’écart de la psychanalyse, aux motivations passionnelles.
Les biographes de Freud (Peter Gay), considérant comme spécifique la situation viennoise, laissent penser que Freud dramatise. Pourtant, ne s’agit-il pas de lever le voile sur le continent noir de la jouissance? Freud résistant par là au pansexualisme junguien mystique et à l’irrationalité. Serge Cottet examine alors, sur le même mode alerte et captivant autant que précis et documenté, les limites de l’intégration du freudisme dans la culture d’aujourd’hui, eu égard à la nouvelle vague de contestation à laquelle on assiste.
Certes les raisons ne sont sans doute pas les mêmes qu’en 1930 : la subversion est émoussée, la psychanalyse est comme poisson dans l’eau dans la culture
fin de siècle. Elle est associée à l’hédonisme contemporain, au souci de soi, au culte de l’écoute. J.-A. Miller, précise serge Cottet, avait montré en 2004 à quel point le discours du maître s’accommode très bien du pousse à jouir contemporain. D’ou vient alors l’acharnement sur la personne de Freud diabolisé comme jamais notamment dans la « Freud war » aux Etats-Unis ?
La différence est grande entre le scientisme de Freud et celui d’aujourd’hui qui prête sa voix à d’obscurs révisionnistes. La presse informe un public cultivé que la psychanalyse serait l’ oeuvre d’un faussaire, elle traque la vie de l’homme croyant y trouver on ne sait quel indice contre la théorie. Quelle inique réduction! S’agit il encore de résistance? Freud croit à l’universel de la science et à la voix de la raison commente Serge Cottet, en citant Freud. Pour s’en tirer de toute façon, » la voix de la raison est basse mais elle ne s’arrête qu’on ne l’ait entendue ». Il n’en va pas de même pour Lacan. Lacan compte sur les psychanalystes pour se faire responsables de la psychanalyse elle même. Ainsi en ces temps de globalisation , d’évaluation quantitative qui sont les nôtres Serge Cottet conclue en renversant la phrase de Freud, « j’ai réussi là où le paranoïaque échoue » et invite à la réflexion suivante : et si la psychanalyse échouait là où la paranoïa triomphe?
Francesca Biagi-Chai