JOURNAL DES JOURNÉES
DÉBAT SUR LA PASSE
III
N° 65 et 66
N° 65 (3 décembre 2009)
QU’EST-CE QU’UNE ECOLE DE PSYCHANALYSE
AU XXIE SIECLE ?
par Agnès Aflalo
La question mérite d’être posée. Lorsque Lacan en invente le concept, il a sans doute l’idée que c’est la structure qui convient le mieux pour faire exister le discours analytique au moment où il se fait excommunié de l’IPA, parce que sa réinvention du discours analytique fait trembler les semblants jusque et y compris les Noms-du-Père. L’histoire que nous vivons aujourd’hui démontre une fois encore que son orientation était juste, puisque l’IPA a vendu la maison Freud en pièces détachées aux adeptes des TCC.
Son concept d’École, fondée à ce moment-là, doit d’abord abriter son enseignement. Ensuite, la « Proposition » met au point un dispositif pour tenter de logifier la production du psychanalyste. Du vivant de Lacan, il s’en est fallu de peu que son École ne soit détournée de sa mission. Beaucoup de ses élèves se sont dressés contre lui, pour garder de ce nom d’École vidé de son contenu. Ce bruit de haine, entendu alors, est de ceux qui ne s’oublient pas. Pourtant, dans ses années-là, pas d’autres ennemis du discours analytique que les psychanalystes eux-mêmes. La passe existait à l’EFP, je ne me souviens pas que les AE d’alors aient analysé le malaise et ses causes. C’est le désir de Lacan – aidé de quelques jeunes, il est vrai – qui a œuvré pour que la dissolution ait lieu et qu’une autre École soit fondée aussitôt. L’ECF est venue juste après.
C’est la diffusion de son enseignement qui a décidé Lacan a faire le voyage à Caracas. C’est la diffusion de son enseignement qui est à l’origine de la création de l’École argentine et de quelques autres. La première urgence après la Dissolution, c’était de mettre l’enseignement de Lacan à l’abri, de le rendre au moins aussi insubmersible que celui de Freud et son IPA. C’est à quoi s’est employé Jacques-Alain Miller. Grâce à son désir en acte, la rencontre avec le désir de quelques autres a eu lieu et d’autres Écoles ont été créées. Leur nombre a permis de créer l’AMP. L’enseignement de Lacan était donc à l’abri. C’est ce que nous avons cru longtemps.
Pourtant, il y a à peine six ans, une loi votée en France a failli bouleverser la donne de façon irrémédiable. C’était le fameux Amendement Accoyer. Ce fut l’instant de voir pour beaucoup d’entre nous que le monde avait changé sans que nous nous en soyons rendu compte. Refoulement ou défense ? sans doute les deux. On s’est alors aperçu que la psychanalyse ne jouissait plus des privilèges qui étaient les siens jusque-là. Sans l’interprétation immédiate de Jacques-Alain Miller, qui fit une démonstration en acte de l’efficacité du discours analytique avec les Forums et Le Nouvel Âne, la psychanalyse lacanienne n’aurait pas seulement ridiculisé son savoir, elle aurait été rayée de la carte. Les Forums ont commencé l’analyse du malaise qui venait de cristalliser. Ils n’ont pas eu seulement lieu à Paris, ils ont aussi eu lieu en province. Chacun des membres du peuple analytique qui s’est exprimé, a tenté d’expliquer, de s’expliquer, de rendre des comptes, parce que chacun a perçu que le discours analytique pouvait disparaître. Pour la première fois, le discours analytique avait besoin du soutien de personnalités qui n’étaient pas de son champ. Saisir le réel en cause passait désormais aussi par d’autres semblants que ceux jusque-là connus.
L’ECF a aussi jugé nécessaire de s’engager tout de suite dans le combat ; aussi elle organisait « Journée extraordinaire » et autre « Forum anti-TCC ». Aucune voix n’a fait entendre que cet acte de combat était néfaste à l’École ou étranger à sa vocation. Je n’ai pas le souvenir qu’un AE d’alors ou d’un peu avant se soit levé pour faire entendre des réserves. Il me semble plutôt que la mise en question des Noms-du-Père de la psychanalyse a donné l’idée à quelques-uns que la cause analytique nécessiterait toujours un désir en acte pour la défendre, mais surtout pour la faire vivre. Je ne crois pas que les membres des cartels de la passe d’alors aient manifesté une opposition, voire une réserve, contre les Forums ou LNA, mais leur avis sur ce point serait précieux.
Prendre la mesure que le changement ne se limite pas seulement à la France, demande de tirer les conséquences du savoir que nous avons commencé de construire depuis l’assassinat manqué de la psychanalyse. Elles sont nombreuses. La refondation de l’École après le succès des dernières Journées commence à peine. Les ennemis de la psychanalyse ne sont plus seulement les psychanalystes. Il y a aussi le maître moderne et ses avatars qu’il est urgent d’analyser. Alors on peut se plaindre des Forums et décider de changer le peuple analytique, ou bien c’est l’École qui devra consentir aux changements. Ne peut-on attendre, au XXIème siècle, qu’une École d‘orientation lacanienne s’occupe d’abord d’assurer la survie du discours analytique et la politique qu’elle nécessite, soit analyser sans cesse les semblants que le réel sécrète et hystoriser cette vérité menteuse. N’est-ce pas une condition nécessaire à la poursuite de l’expérience de la passe ?
L’ÉCOLE ET LES FORUMS
par Carole Dewambrechies-La Sagna
Il est étonnant de voir à quel point la logique des choses tend à nous échapper. Mais à certains moments, au cours de certaines lectures, un élément mis en avant, un binaire sous-jacent, une opposition, permet de conceptualiser, au moins en partie, quelque chose qui jusque-là s’appréhendait difficilement.
Ainsi la lecture du texte de Patricia Johansson-Rosen dans le n° 63 du JJ a-t-elle eu pour moi cette fonction : me faire saisir les effets d’une difficulté dans l’École. La cause signifiante de cette difficulté me paraît pouvoir se résumer dans cette affirmation, que je lis dans son texte, dite en passant : Sa libido (de l’École) a été mise au service de grands combats qu’il fallait mener, mais qui l’ont éloignée de ce qui fonde notre communauté d’École à savoir la passe.
L’idée d’opposer la lutte politique et l’École, l’extérieur et l’intérieur, comme les mains sales du combat et la noblesse de la passe, me semble une idée biaisée. En même temps, il m’apparaît que cette idée doit être là depuis longtemps (depuis le début des combats ?), sous-jacente à un certain nombre de réticences que j’ai pu entendre concernant, non le bien-fondé des combats eux-mêmes auquel on condescendait volontiers, mais le sacrifice que cela comportait en termes de temps, d’énergie (de libido), de goût pour la vérité, la transcendance ou la chose en soi à quoi il faudrait renoncer.
Cette opposition correspond à une topologie inexacte, mais elle a cours dans l’École, et je dois à ce texte de Patricia de me l’avoir fait comprendre aussi simplement.
Je me dis aussi : heureusement que nous ne nous sommes pas laissés décourager à l’époque par ce type d’argument qui existait déjà. L’idée de « Nous avons fait… groupe uni pour, front solidaire contre, mais pas École » est une idée faite pour inhiber le combat, l’empêcher ou au moins le dévaluer, frapper du soupçon ceux qui le menaient en première ligne.
Pourtant Patricia a été de ceux-là. Je me souviens de réunions à une petite terrasse de café, rue du Four, avec Agnès aussi, pour régler certains détails du prochain Forum, des discussions sur la librairie qui aurait tant de succès pendant ces manifestations.
Alors pourquoi laisser passer cette idée des « grands combats » qui feraient que l’École soit négligée ? Les Forums ont été organisés par Jacques-Alain Miller à partir d’un point extérieur à l’École : de ce point de vue ils ne sont pas de l’École. Mais ils ont été un formidable levier et ont donné naissance à une nouvelle génération, la « Génération Forum » qui s’est fait entendre lors des Journées-Événement de l’ECF que nous venons de vivre. Il n’y a pas de doute qu’elle forme le futur de l’École. Ces grands combats, ce n’est pas seulement qu’il « fallait les mener », comme on dit qu’il fallait bien faire quelque chose (on sous-entend que c’était déplaisant ou qu’on l’a fait à regret, on soupire ), mais bien davantage, que nous leur devons la survie de la psychanalyse car, comme le dit Lacan dans Le triomphe de la religion : « La psychanalyse ne triomphera pas, elle survivra ou pas ». Les nouvelles générations doivent savoir qu’elles auront à se battre pour cela. Encore faut-il ne pas leur enseigner que ces combats sont méprisables ou qu’avant de les mener il faut surtout bien réfléchir en termes de bénéfices/risques, comme on le fait pour les prescriptions médicamenteuses, et que les risques seraient situables au niveau de l’École. Les risques ont été et sont pour ceux qui, ces combats, les ont menés.
Le blocage de la passe vient d’ailleurs que de l’économie de la libido. Il relève d’une autre logique. Il est antérieur et se repère dès 2002, soit un an avant l’affaire Accoyer.
J’AI ÉTÉ PASSEUR
par Catherine Lazarus-Matet
Avoir été passeur a été pour moi une expérience passionnante, et riche dans sa variété, quelle qu’en soit l’issue, quel que soit le candidat. Tout au long de la procédure vibrait, pour tous les protagonistes, ou presque, cette mise en acte de ce que c’est que croire à l’inconscient pour se recruter.
Sur une période courte, j’ai été passeur auprès de sept passants. Deux d’entre eux furent nommés AE, deux furent nommés membres de l’École. Un témoignage, pourtant convaincant (mais le passeur est témoin, pas juge), fut pris dans la tourmente d’oppositions dans l’École, certains membres du cartel décidant plus tard de quitter l’École. Pour deux autres passants, il s’agissait de chercher une garantie quant à un parcours analytique, pour l’un encore pris dans l’ordre des significations, pour l’autre dans le désordre de trop de significations.
Les deux cartels étaient bien différents. L’un très ouvert et curieux devant chaque témoignage : c’est lui qui nomma les deux AE. Est-ce seulement le fait du hasard de la répartition entre les deux cartels ? L’autre cartel était plutôt froid et sceptique, certains de ses membres allant jusqu’à dénigrer d’entrée de jeu une interprétation faite à l’un des passants par son analyste, laquelle ne permettait pourtant pas de douter de l’effet de vérité et de relance qu’elle avait eu pour le sujet. Cette position rendait la tâche du passeur encore plus acérée. À la suite de ce mauvais accueil du témoignage, j’avais demandé à me représenter devant le cartel. Mais ce fut inutile, les dés étaient pipés.
Il se trouve que, pour les deux passants nommés AE, et ce n’est qu’à la suite de leur nomination que ce constat fut possible, il fut plus simple de faire part oralement, sans notes, de ce qu’ils avaient pu dire. Pour l’un les notes étaient très abondantes, pour l’autre ce fut bref, le passant ayant délibérément fait d’un pan très circonscrit de son analyse l’objet de sa passe. Il avait d’ailleurs fallu faire valoir devant le cartel la vigueur de ce choix du passant. L’effet du récit de leur parcours aboutit au même résultat, les notes étaient un support devenu encombrant, quelque chose étant devenu lisible et transmissible sans l’écrit. Sans doute était-ce lié aussi à l’énonciation des passants. Et ce n’est pas toujours ainsi. Peut-on en déduire que si cela ne cesse pas de ne pas s’écrire, alors il faut écrire pour tenter d’attraper ce que l’on veut transmettre ? Et que lorsque cela cesse de ne pas s’écrire, on peut alors se passer de l’écrit.
Il y a, comme l’ont noté certains, un effet étrange à se retrouver seul après avoir parlé devant le cartel. Agent indispensable de la procédure, le passeur n’est soudain plus grand-chose, privé de la réflexion qui s’ensuivra dans le cartel. Mais il garde sa place. Si la personne physique repart, légère ou alourdie, continue à penser, ou à commettre quelque lapsus ou acte manqué, la dritte Person reste. Pour ma part, je fus nommée passeur à la suite d’un énoncé essentiel qui explique sûrement pourquoi je n’ai jamais trouvé problématique que les passeurs restent sur la brèche, dans leur fonction de dritte Person, de passeur du mot d’esprit. D’autant que les cartels de la passe lui sont accessibles s’il veut, plus tard, en être. C’est un autre place.
PASSEUR
par Daniel Roy
1 – Il y a d’abord le moment où j’ai appris que j’étais passeur. C’est vraiment un moment spécial. Je ne m’en souviens pas, mais je sais que ça a fait comme une soudaine « aimantation ». C’est le mot qui me vient : comme la limaille de fer, les bribes éparpillées de ma cure s’en sont trouvées aimantées, vectorisées. ça a introduit un grand dynamisme, là où dominait une note dépressive à ce moment-là. Ou encore : ce qui a cristallisé à ce moment-là m’a depuis servi de base d’opération à chaque fois que j’ai eu un pas à faire, qu’il soit politique, épistémique ou clinique, dans le champ qui est le nôtre. En moi, ça attendait cela.
2 – Il y a ensuite la série des passes. Ce furent des passantes. À chaque fois, l’effet de surprise fut total. Comment en rendre compte ? Peut-être en disant l’absolue singularité de chaque rencontre. Certaines des passantes m’étaient proches, dans le travail, voire d’amitié, certaines m’étaient connues pour leurs travaux et leur place dans l’École, d’autres m’étaient parfaitement inconnues : avec chacune pourtant, la même vérification d’efficacité du dispositif. C’était wirchlich. Trois d’entre elles furent nommées. Avant la décision du cartel, j’en avais comme la certitude. Si je m’interroge aujourd’hui sur cette « extime conviction », une chose me vient : ce furent trois passes joyeuses. Pourtant, toutes trois étaient lestées de rencontres et de déterminations lourdes. Eh bien, au cœur de ces « déterminations les plus lourdes de leur existence », chacune des passantes avait su élaborer un savoir qui suscitait cette joie, qui en devenait alors partagée. J’ai pu regretter quelquefois que dans leurs témoignages d’AE, les mêmes eussent « tamponné » cet affect, qui fut pour moi fondamental pour m’orienter dans la « présentation » au cartel.
3 – Il y a le moment de faire passer au cartel : ce n’était pas facile d’être traversé par un savoir dont je n’étais pas le dépositaire et qui se servait de moi pour démontrer comment il s’affrontait à l’insu, à l’insuccès. Diverses tentatives pour ordonner les notes et rendre compte de la rencontre. Ma conclusion : pour le passeur, tout est bon, il veut se servir de tout ce qui passe ; pour le cartel, il peut se passer de certaines choses, à condition que le passeur s’en soit servi, car c’est sa condition. Je vois toutes les bonnes raisons de dire haro sur le passeur, et je ne vois aucune raison d’en retenir.
4 – Il y a eu aussi pour moi, dans le temps suivant, ma participation à un cartel de la passe, en tant que passeur. J’ai trouvé plus difficile, à cette place, de répondre de ce qui passe et de ce qui ne se passe pas. Je trouve que c’est la zone la plus délicate du dispositif. Très vite, nous avons eu tendance à dire ce qu’il n’y avait pas en contrepoint de ce qui passait, comme disposés sur les plateaux de la balance. Une grille de lecture se tissait imperceptiblement, encadrant avec efficacité les passes qui n’ouvraient pas, de l’avis de tous, vers une issue conclusive, mais qui, au nom de la même efficacité, est devenue un obstacle pour aboutir à une décision positive pour au moins l’une des passes que nous avons eu à examiner. Pour moi, et pour les autres cartellisants, cette passe fut un moment où se retrouvait cette dit-mension de joie, articulée à un gain de savoir efficace, qui avait fait boussole pour moi dans ma fonction de passeur. Et pourtant, tout embarrassés de notre « pèse-passe », nous ne sommes pas parvenus à décider pour une nomination. Je l’ai regretté sur le moment, tout en prenant cette décision avec mes collègues.
5 – Aussi, si je veux tirer une première conséquence, ce sera la suivante : le cartel n’est pas instrument à « peser » une passe, tout simplement parce qu’il n’y a pas l’instrument pour cela. Parce qu’il n’y a pas cet instrument, Lacan a inventé ce dispositif et mis le passeur à cette place de truchement entre passant et cartel. Il est difficile au cartel, qui mène un travail assidu et respectueux d’élaboration de savoir à partir des dits des passeurs et d’orientation pour « peser » sa décision, de se laisser déboussoler et désorienter par les singularités qui trouent ce savoir. Je ne sais si ce constat est partagé par d’autres.
6 – La deuxième conséquence est la suivante : ma désignation comme passeur a résonné pour moi comme un « nom de passeur », non détaché pour moi de mon fantasme d’entre-deux, de go-between. Cela a fait certainement obstacle, entre autres choses, à occuper jusqu’à maintenant la troisième place dans le dispositif, celle de passant.
POUR UN PLUS DE CLARTÉ
par Esthela Solano-Suarez
L’événement des Journées et le débat sur la passe que l’on a vu éclore au JJ, ont eu lieu entre la première et la deuxième réunion du Collège.
Notre Collège a pris plus qu’un temps de retard par rapport à ce mouvement d’une impulsion nouvelle. Lors de cette deuxième réunion, j’avais annoncé qu’il était donc crucial d’en tirer des conséquences, et d’enlever au plus vite le bâillon. J’appelais alors mes collègues à débattre sur la passe sans crainte, faisant preuve d’un certain courage, afin de « percer la trame de la passe de père en part » si nécessaire, et de faire preuve d’une parole qui porte à conséquence. Dans ce sens, tous les maillons du dispositif, rappelais-je, devaient faire l’objet d’une analyse approfondie.
La passe nous confronte toujours au souci de clarté, aussi bien qu’à son corrélat d’opacité, comme l’ont évoqué très à propos Dominique Laurent et Marie-Hélène Brousse dans notre tour de table au Collège. La clarté et l’opacité dans la passe vont la main dans la main, et cela parce que la psychanalyse a parti lié à l’impossible. De ce fait, elle est traversée par l’opposition et l’incompatibilité radicale du réel et du semblant. L’exclusion du sens, propre au réel, n’épargne pas le dispositif de la passe. Il traverse sa temporalité. Dès lors qu’il y a impossible, il n’y a ni mode d’emploi, ni savoir articulé, ni profil qui vaille. Il est question d’art, de tact, de finesse, d’invention et de savoir y faire.
Le dispositif de la passe, conçu par Lacan, comporte un appareillage de semblant susceptible de nous permettre de cerner le réel en jeu afin de dissiper « l’ombre épaisse » recouvrant le passage de l’analysant à l’analyste. Le dispositif est défini comme étant un cadre stable, comportant des fonctions différenciées, incluant dans son fonctionnement un effet de temps qui lui est essentiel, sous la modalité de l’après-coup et de la hâte.
Le dispositif de la passe, comme celui de l’analyse, implique une certaine routine. Mais il n’est pas moins vrai que c’est juste ce qu’il en faut, pas plus, afin de loger en son sein l’inédit et la surprise. Trop de routine et trop de standard tuent l’expérience. Il s’agit alors de faire la part entre un automaton nécessaire à la transparence, vis-à-vis des mauvaises habitudes qui, prenant le devant, ont contribué à étouffer la passe, à lui faire perdre son agalma, à la rendre obscure et opaque, effaçant progressivement sa face de clarté. En effet, au fil du temps, au lieu de lever les opacités, nous les avons répandues partout, à tous les niveaux du dispositif.
Nous avons perdu insidieusement l’habitude de l’enseignement des cartels. Ils se sont trouvé enfermés dans une routine de silence et par voie de conséquence se sont affranchis du devoir de transmettre aux autres ce que la passe leur aura appris. Le dernier enseignement des cartels sous la forme des soirées fut celui des cartels A5 et B5. Il aura fallu faire preuve de ténacité l’année dernière pour contrarier ce silence et obtenir qu’il y ait au moins deux matinées de travail où chaque membre des cartels A9 et B9 présenterait un texte.
Par ailleurs, il y a simultanément eu arrêt de la publication des rapports des cartels par la revue de l’École. La Cause freudienne n° 50 publia en février 2002 les rapports des cartels A5 et B5. Je n’en ai pas trouvé d’autres depuis cette date. Par la suite, les rapports parurent sous forme de brochure et furent distribués avec les rapports du Conseil avant l’AG. Tout porte à croire qu’ils n’ont pas attiré l’attention des membres de l’École. De ce fait, il n’y a eu pour les cartels aucun accusé de réception de leur travail, ni aucun débat portant sur ses énoncés.
J’ai évoqué ces points lors du nommé Mini Collège de la passe, qui s’est réuni en 2005. Mais de toute évidence, je ne me suis pas donné les moyens de me faire entendre.
L’inertie initiale de notre Collège reflète la série des dysfonctionnements qui ont paralysé la passe. Les Journées sont venues introduire une exigence de clarté, nous secouant là où régnait la torpeur. Il serait question de reprendre, par le menu, les zones d’ombre qui étouffent la passe. Cette analyse implique de remettre sur le tapis la fonction de tous les protagonistes du dispositif : le secrétariat, les cartels, les passeurs, les passants, aussi bien que ceux qui en résultent comme produit à titre d’AE. Il ne s’agit pas ici de questionner les personnes, mais de recentrer le fonctionnement mettant en avant un ferme souci de clarté.
CONTRIBUTION AU COLLÈGE DE LA PASSE
par Francesca Biagi-Chai
La passe a une direction, un vecteur orienté par la production d’un AE. Elle va de l’École à l’AE et retour, l’AE entraînant l’École vers une élaboration permanente du discours analytique, pour lui-même comme pour les autres discours avec lesquels le monde se constitue.
Le passeur est à une place que Lacan désigne comme étant la passe. C’est une indication qu’il donne sur le moment de sa désignation. Autrement dit, pour être un bon passeur, il faut satisfaire à cette condition. Le passeur, dit Lacan, est celui qui est susceptible de recevoir « le témoignage d’un autre qui comme lui, l’est encore cette passe ». Il connaît de par son expérience la langue de l’inconscient, et dans cette langue, il est susceptible de se laisser saisir par un dire qui, lui, s’en extrait. Ce point a la structure du Witz. La dimension du tiers, « du public », caractéristique de la structure du Witz, je l’attribuerais volontiers à ce que Lacan épingle de naïveté à la fin d’un analyse. Naïveté que le passeur prête au passant qui la transforme en discours. J’y vois là un mécanisme d’entraînement, marque de la diversité, s’opposant à la SMCDA.
La place du cartel apparaît comme solidaire de celle des passeurs dans la transmission et le recueil de la nouveauté. Il décide si celle-ci vaut comme telle. Dans cette décision il prend en compte la variable passeur. De ce point de vue il peut être le mieux placé pour en appréhender la qualité.
Si nous avons des indications sur la désignation d’un passeur, rien n’indique quand sa fonction s’arrête, en dehors de son fait. Est-ce le temps, l’usure ? Qui en décide ? Cette question mérite d’être posée.
Ici elle rejoint la fonction des cartels, celle d’avoir à faire et faire connaître « un travail de doctrine, au-delà de leur fonctionnement de sélecteurs ». Ce savoir mis à jour revient sur l’ensemble du fonctionnement et des résultats par la voie de l’après-coup qui ménage la solution de continuité propre à la passe.
Plus qu’une discussion entre secrétariat de la passe et passeurs, préalable à leur fonctionnement, qui a été évoquée, je préfère une journée de débats qui serait consacrée à la passe.
LE GOÛT DE LA PASSE
par François Leguil
Apologie du gai savoir, les Journées d’études de novembre ont redonné à l’ECF le goût de la passe.
Prévu tous les six ans pour connaître et faire connaître le point vraisemblable où en est la procédure dans notre communauté de travail, notre Collège se trouve dans un moment privilégié. S’il interrompait ses travaux avant de penser ce qu’il a à démêler, il décevrait. S’il tardait dans sa réflexion, il agacerait. Aussi, peut-on souhaiter qu’il tiendra à honneur de mesurer que sa tâche est précise parce qu’elle est simple.
Elle est simple parce que, suivant Lacan, c’est-à-dire en allant « de l’avenir au passé », nous savons que l’événement accompli il y a trois semaines a déjà opéré la relance tant attendue. Il appartient au Collège d’accompagner les premières étapes de cette relance en fournissant les outils qui permettront d’améliorer deux ou trois dispositions du règlement de notre procédure. Nous en avons les moyens puisque nous devons réfléchir aux six dernières années qui viennent de s’écouler. Nous savons que durant cette période, la passe a langui dans l’École. Les raisons en sont peut-être complexes, mais les remèdes n’ont pas besoin d’en épouser toutes les courbes : des solutions existent dans les recommandations que nous pourrons formuler afin que d’éventuels dysfonctionnements soient corrigés. La tâche du Collège est précise, parce qu’elle concerne le diagnostic de ces dysfonctionnements et parce qu’il ne lui appartient pas de se substituer à l’expérience elle-même, qui incombe à ses protagonistes que sont les passeurs, les passants, les cartels et les AE.
Plusieurs interventions dans le Journal des Journées indiquent que la situation des passeurs a changé. Nous pouvons savoir pourquoi et proposer quelques aménagements dans la relation que le Secrétariat de la passe aura à entretenir avec eux. Les sentiments des passants qui n’ont pas été nommés ont parfois été exprimés dans ce même Journal. Le Collège pourra rappeler qu’une meilleure définition, qu’une nouvelle définition plutôt, de la nature et de la fonction des AE dans l’École aura, à n’en pas douter, le bénéfice d’alléger les regrets en donnant à chacun la possibilité d’apprécier la part exacte de sa contribution. Tout cela n’est pas vague, mais constitue un nouveau cahier des charges pour les cartels à venir.
La tâche du Collège est de permettre à ces nouveaux cartels qui, à l’évidence, partiront d’un autre pied, d’être encouragés par le rappel que leur enseignement doit être promu ainsi qu’il est prévu par nos règlements qu’il le soit. Pour tous ces motifs, nous avons bien agi en attendant l’événement des Journées qui a donné à notre deuxième réunion un ton de lucidité optimiste et salubre. Quelques semaines nous séparent de la reprise de la procédure. Cela suffit pour former des observations qui tiennent compte de la masse impressionnante de ce que nous avons entendu depuis bientôt trois mois, mais qui les dépassent aussi bien, en se projetant sur une nouvelle conception de notre expérience. Notre prose n’aura pas à être luxuriante ni interminable. En quelques pages nous pouvons raconter ce qui s’est passé jusqu’alors, et en tirer de brèves leçons qui nous permettront de tenir compte de l’effet de rencontre du Palais des Congrès. Chaque membre du Collège, certes, doit y aller de son engagement personnel et de la publication de sa réflexion propre. Mais si nous voulons faire œuvre collective de cette occasion institutionnelle, notre Collège, avant de s’effacer, doit élever son ambition à la hauteur d’une mise au point collective et pratique.
LE PARADOXE DES QUATRE DÉVOILÉ
par Guy Briole
La règle de l’unanimité semble être la modalité de décision qui a la préférence des cartels de la passe. Mais voilà que le débat actuel fait surgir une évidence : dans la décision à l’unanimité, c’est « l’une » qui décide. On soulève le voile pour dire qu’un membre du cartel s’est opposé à la nomination, là où les quatre autres y étaient tout à fait acquis. Quatre convaincus se voient invalidés, par la règle qui devait garantir le bien-fondé de leur décision. Qu’une personne s’oppose, ou qu’ailleurs une autre fasse valoir un forçage pour une nomination, l’unanimité met le bâillon sur les quatre autres. Au-delà de savoir si le petit coin de voile soulevé répond à la question de la nomination, il fait comme pour Amédée le cimetière encombrant. Au cimetière des cartels le bâillon se redouble d’une chape de plomb coulée sur la pierre tombale. L’enseignement des cartels de la passe pourrait être une des alternatives, vers une passe vivante.
VOIX DE PASSEUR
par Jocelyne Turgis
Esthela Solano-Suarez dans le JJ 60 formule clairement les interrogations du passeur. Elle y parle de l’introduction des passeurs dans le dispositif. Pour parler du dispositif, Jacques-Alain Miller, dans une conférence « L’école et son psychanalyste » à Grenade en 1990, proposait une comparaison très éclairante. Un étudiant qui termine sa thèse va en parler à deux étudiants qui sont sur le point de finir la leur. Ce sont eux qui vont devant le jury de thèse pour dire ce qu’ils pensent de ce que le candidat a dit de son travail. « C’est une subversion de l’examen par J. Lacan », dit-il, que d’introduire deux passeurs entre un candidat et un jury. Les passeurs entrent dans la passe en tant qu’ignorants, ajoutait Jacques-Alain Miller. Le passeur comme ignorant, oui, car je suis devenue passeur dans la méprise, sous les auspices du ratage. Mon inconscient m’a ramenée à mon ignorance. Quand mon analyste m’a proposé de communiquer mon nom au secrétariat de la passe, j’ai pensé qu’il me parlait de la place de passante et non de celle de passeur. C’est ce ratage que j’ai mis au travail et que j’ai essayé d’éclairer dans le texte que j’avais envoyé pour les Journées.
Je suis donc devenue passeur, non pas quand la place m’a été désignée par l’analyste, mais plus tard après avoir élucidé quelque peu mon rapport à la passe, et surtout quand un premier passant s’est signalé. Il y a eu un effet de surprise quand il m’a annoncé qu’il venait de tirer mon nom au sort. C’était flou jusqu’à ce moment-là : j’imaginais que mon nom, écrit sur un petit papier, avait été déposé dans un chapeau. Il n’y avait plus qu’à attendre qu’un tirage au sort fasse vivre cette inscription. Peut-être cela n’arriverait-il jamais. Bonne pioche ou mauvaise pioche pour le passant dans un « je » de hasard. Toujours aussi ignorante, je pensais que le passeur ne l’était qu’une seule fois, pour un seul passant, que le nom sorti du chapeau n’y retournerait pas. Passeur, pour combien de temps, pour combien de passants ? Qu’est-ce qui met fin à la fonction ? Nous n’entendions jamais de passeurs parler de leur expérience ou rarement parler des passeurs avant ces derniers événements si importants dans l’École. Un effet de plus.
Après avoir rencontré un premier passant, j’étais à la fois démunie devant ce manque de repères et encombrée de ce que je venais de recueillir.
Que fallait-il faire de ce dépôt, et comment ? Mais s’agit-il d’un dépôt ? C’est tout de même une grande responsabilité que d’avoir à transmettre ce que le passant nous livre d’encore plus précieux que son histoire personnelle : l’histoire de sa cure, de ses franchissements, de ses moments de butée, de l’intime du transfert, de ses trouvailles. Il nous confie la charge de ses années de cheminement, de ses espoirs de nomination, de son désir d’être entendu du cartel par notre voix. La question de l’écrit a été également soulevée. Oui, il est rassurant pour le passeur de noter ce que lui dit le passant : la peur de l’oubli, l’oubli pourtant si important dans les formations de l’inconscient, et le désir « d’être à la hauteur » de la fonction. Mais l’attention portée à l’écriture ouvre à un autre champ que celui de la parole, de l’échange, d’être là (passe) pleinement. Il y a indéniablement une volonté de bon élève chez le passeur qui se demande ce que le cartel attend de lui. Esthela Solano-Suarez parle d’« un passeur curieux qui pose des questions justes et pertinentes » et qui ne se fait pas seulement secrétaire. C’est concrètement pour le passeur s’autoriser à questionner, à demander une précision, à interrompre le récit du passant, à rendre vivante cette expérience, à parler aussi tout simplement. Occuper cette place de passeur met au travail et n’est pas sans conséquence pour l’analysant qu’il est encore : un effet de précipitation, redoublé quand un nouveau passant a pris contact. (Effet redoublé pour une raison personnelle et non parce que c’était le deuxième.) M’avançant de plus en plus sûrement dans la cure, les tours deviennent de plus en plus serrés jusqu’à devenir des points, des points de suspension dans un rêve récent, une mise en suspension du désir de devenir analyste au risque de la passe d’un autre analysant. Il y a, me semble-t-il, des effets qui s’articulent « d’être passeur » à devenir analyste, tout en restant analysant lié dans le transfert à son analyste. Des fils à démêler qui se croisent et se tissent, à crocheter pour en faire une dentelle. Le passeur comme dentellière, son ouvrage serait la passe du passant ?
読み方 : « FAÇON DE LIRE »
par Marc Gabbaï
Lorsque j’ai été nommé « passeur » par l’analyste, ce fut pour moi comme une véritable déflagration, dont il me reste encore aujourd’hui l’écho dans le lointain, un pur son. Non seulement cette nomination faisait suite à une traversée du fantasme, mais en plus faisait interprétation majeure par rapport au montage de ce dernier, car ,définitivement, je n’étais pas la sœur morte. « Pas Sœur » !
Ce passage au passeur (pas sœur), fut donc marquée par l’angoisse, celle qui écrase un corps, celle qui ne trompe pas, et j’étais impatient de savoir comment d’autres s’en étaient sorti, mais la procédure à cette époque était suspendue.
Un an plus tard j’ai reçu le premier appel d’un passant. L’expérience pouvait commencer. Je n’avais pas cherché de vade-mecum.
C’est une expérience formidable, dont je ne cesse de mesurer les effets d’après-coup. Le passant par son témoignage ouvre une voie, tel un éclaireur, dans le champ du réel. À nous de le suivre ou pas selon l’authenticité de la parole qui porte ce message, le message d’une vie sauvée, d’une vie transformée, d’une vie bouleversée, d’un savoir y faire avec la jouissance opaque, au-delà d’une simple identification à la théorie analytique, au-delà du fantasme. En-corps faut-il l’entendre. Sur quel littoral, dans quel godet, le passant a-t-il donc pu poser un pied qui invite à le suive ? C’est à cela, me semble-t-il, que s’attelle le cartel de la passe, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit là de choses de finesses.
CE QUI RESTE
par Marie-Christine Patureau Mirand
C’était il y a plus de quinze ans, je m’ennuyais en silence sur le divan, chaque séance un peu plus.
Mon analyste me désigna comme passeur au Collège de la passe de l’ECF.
Le hasard voulut (tirage aléatoire des passeurs) que je fus mise en fonction ; j’ai eu cette chance.
Commença alors une période de presque trois ans où je rencontrai les passants, heureuse de faire leur connaissance, recueillant minutieusement leur dire et recevant d’eux en échange un intérêt nouveau pour la psychanalyse. J’avais trouvé ma nouvelle cause : faire passer les passants ; et je m’y acharnai.
Ma première rencontre – ratée – avec le cartel de la passe, dans la logique de ma cure, ranima le trauma. Le travail me sortit de la culpabilité : à peine rentrée, je fus appelée par le deuxième cartel pour un autre témoignage. Je dois à ce cartel de ne pas avoir déserté.
La suite ne fut plus qu’application sur les récits de passe, surprise parfois, fatigue souvent, dans les déplacements et les interrogations, car on me demandait mon avis !
Ma joie fut que tous les passants entendus furent acceptés dans l’École. Même lorsque je n’avais pas été (rarement) convaincue, ces restitutions qui ouvrirent quand même la porte m’indiquaient qu’autre chose s’était passé, mais je ne le savais pas.
NOTE SUR LES PASSEURS
par Rose-Paule Vinciguerra
Pendant nos récentes Journées d’études, la question essentielle de la passe, « comment devient-on psychanalyste ? », était posée à tous. Ces Journées furent une bouffée d’air et l’occasion parfois de bonheurs logiques.
Il y a pourtant une différence entre les styles d’énonciation qu’elles rendirent possibles et les témoignages entendus dans la passe, et qui tient, entre autres, à l’existence des passeurs.
Entre passants et cartels, les passeurs, filtres souples, évitent les effets d’intimidation ou de séduction qui pourraient exister, même à l’insu des protagonistes ou encore des plaidoyers pro domo de la part des passants.
La difficulté cependant semble porter sur la sélection des passeurs et sur leur insuffisante information quant à ce que les cartels de la passe attendent d’eux.
La sélection : on sait que c’est l’affaire des AME qui désignent comme passeurs certains de leurs analysants et on n’imagine pas qu’ils puissent avoir à justifier leur choix. Mais ils pourraient sans doute dire ce qui leur fait signe au moment où ils prennent la décision de cette désignation.
Par ailleurs, ne peut-on envisager que les passeurs, mis en fonction parfois sans bien savoir ce qui leur arrive, soient informés de ce qu’un cartel de la passe attend d’eux : une certaine mise en forme de ce qu’ils ont saisi, les points acquis dans le témoignage, mais aussi les questions en suspens, bref les points de clarté comme les points d’obscurité. À cet égard, le cas de figure du passeur lisant des notes que le passant a lui-même lues n’est guère à encourager.
Un passeur n’est pas un écolier qui écrit sous la dictée. Il a à « éditer » le texte qu’il transmet, c’est-à-dire ressaisir les arêtes du savoir déposé, les moments de franchissement mais aussi les points où le savoir achoppe. À charge pour le cartel de l’interroger sur des points essentiels ou de détail pour éclairer son jugement.
Aussi bien, un passeur a-t-il à s’engager dans ce qu’il transmet ? Il s’autorise à penser par lui-même, à faire résonner ce qu’il entend. Il a à défendre la cause du passant jusqu’au point où il peut la défendre, quitte à déclarer qu’au-delà d’une certaine limite, il ne suit plus ou il ne sait plus et qu’à partir de là, il va livrer simplement ce qu’on lui a dit. Sans plus. À charge alors pour le cartel de décider s’il repère là une impasse dans l’analyse du passant ou s’il entend ce qui est aux limites d’un dire et parie pour une nomination d’AE.
REFAIRE PASSER LA PASSE ?
par Stella Harrison
Non, on ne peut se passer de la passe à l’ECF. Pour avoir expérimenté ce moment invraisemblable, de tous le plus hors du commun, et l’un des plus féroces de ma vie, je pense qu’il faut en garder l’éclair, l’aspect infidèle au « rendez-vous », car pas de RV avec la passe. Pas de droit fil vers la conclusion écrivait JAM dans le JJ n° 55, mais « hiatus, discontinuité (…) saut, choix (plus ou moins forcé) ».
La passe aurait-elle « structure du coup de foudre » ? C’est en tout cas sous ces auspices qu’elle se manifesta pour moi. J’ai eu un coup de foudre pour le témoignage – il y a quelques 15 ans ? – de Bernardino Horne. Très vite après l’avoir entendu, j’envoyai ma lettre de candidature à la passe. Imaginaire, cette opération l’était sûrement mais pas seulement, et ce saut est à éclairer, pour tous. La réponse du cartel fut la suivante : j’étais trop pour être nommée membre mais pas assez pour être AE. Et puis, le voulais-je « n’être que membre » ? Et puis le voulais-je « être AE » ?
« Je te demande de me refuser ce que je t’offre parce que ce n’est pas ça. » Les trois membres du cartel que j’ai rencontrés furent aimables. On attendait beaucoup de moi, il me fallait faire un pas de plus cependant, bien que le fantasme ait été traversé.
Assez vite, sur le conseil de l’un des membres du cartel d’ailleurs, j’ai adressé à l’École une lettre de candidature à l’ECF par la voie des titres et travaux.
Alors que me parvenait lentement mais sûrement un « oui » à l’entrée à l’École par cette voie « administrative », et peu recommandable éthiquement à mes yeux, j’écrivis dans la hâte à trois de mes interlocuteurs : la Présidente, l’ex-Président et le Secrétaire à la passe de l’ECF. J’annulais, écrivais-je, ma demande d’entrer à l’École par cette voie. Je venais d’avoir avec une « collègue » AE, dont les paroles en moi avaient fait résonance, une conversation qui m’avait fouettée : seule la passe serait Voie d’Accès Possible à mon désir d’entrer à l’École. Rentrée trop vite sans doute alors chez moi, j’avais débranché précautionneusement mon téléphone afin que nulle nouvelle mouche ne puisse me piquer pendant l’instant gravissime de la rédaction de ma lettre. Elle allait être à l’image de la lettre de rupture, déterminante, définitive, celle que l’on voudrait en un noir Nachträglich retrouver en plongeant dans toutes les boîtes aux lettres après l’avoir postée.
Pourquoi seulement la passe ?
Notre mode de vie « joyeux et décidé », comme l’avait écrit Y. Grasser dans un ecf-débats, me tenait à cœur.
Il était clair, et je garde cette conviction, que si tant de collègues psys hors de notre Champ louaient notre ardeur à la tâche, notre « courage, notre énergie » lorsque nous exposions nos cas, si nombre de médecins-chefs ipéistes recrutaient, recrutent encore des membres ou des élèves de l’École, et sans crainte, par exemple, de la redoutée séance courte, c’est bien que ce mode de vie est un effet de passe. La passe est une puissante forge, ressource de vie, d’inédit. C’est pourquoi il m’apparaissait essentiel, à l’heure où la voie de Freud était attaquée, à l’heure où les psychothérapies allaient trouver statut, de faire « passer la passe », de faire entendre à un plus large public que celui des membres de l’AMP, la force, et oui !, la gaîté des résultats. Je persiste à penser que le passionnant laboratoire de travail qu’est souvent la Soirée des AE ne devrait pas être limité, enserré dans les seuls murs de notre École. Cette expérience, si elle transcende la pensée molle, où tous les chats sont gris, se doit à mon sens d’être transmise dans une langue vive, transparente.
Une nouvelle façon de faire, cependant, est à trouver, pour que passe cette invention précieuse. Les moyens d’accès à ce gay savoir sont à réinventer à l’ECF, dirai-je.
Je souhaiterais reprendre la seconde lettre d’Hélène Bonnaud, me tiendrai en l’heure à ce point : seuls, avant les Journées récentes, dit Hélène, les AE pouvaient témoigner, « et cela donnait une valeur d’événement extraordinaire à leur témoignage. Pour les autres, et surtout pour ceux qui, ayant fait la passe, n’ont pas obtenu de nomination, leur témoignage restait sans suite. À chacun de faire avec ce reste, ce ratage ». N’est-ce pas notre lot de faire-avec ? Et avec le ratage ? Quelle spécificité trouverions-nous à ce ratage-là ?
SUR LE PASSEUR
par Thierry Vigneron
Averti par le secrétariat de la passe que j’avais été tiré comme passeur, je me souviens bien du désir suscité, sans trop d’embarras quant à l’énigme de la fonction. Celle-ci n’est apparue que dans l’exercice. Après coup, je ramènerai à quatre les positions possibles.
Le clinicien sans doute n’est-ce pas évitable, mais moins attentif au diagnostic qu’aux inventions de chacun, aux nouages complexes de fin de cure.
Le secrétaire soucieux de tout noter, de ne rien omettre pour transmettre, qui se veut miroir des énoncés, avant de découvrir qu’il fait écran, voire tache. Un appel du secrétariat m’avait rappelé que la passe est « preste », qu’on ne vise pas une exhaustivité, qu’il faut cerner ce qui à l’occasion fait défaut ou invention.
Reconstruire alors ? Pas moyen autrement de s’y repérer autrement dans une énonciation, mais la construction est pourtant à la charge du passant.
Être témoin, et en effet étymologiquement dire ce qui a eu lieu, vérifier, attester, être en tiers certes, mais plutôt dans la logique des trois prisonniers, faire passer. Donc pas sans que le passeur n’entraperçoive, ne mette en jeu sa propre tache. C’est sûrement sur ce point qu’il aura été désigné.
Sachant ces points opaques, le lien passeur-secrétariat est à rendre vivant, effectif.
LE PLUS PRÉCIEUX DE LA PASSE
par Yasmine Grasser
L’Événement-Journées 2009, provoqué par J.-A. Miller, a ébranlé le rapport de chacun à la psychanalyse, propageant ses effets de proche en proche dans la vie de l’École. Son front d’ondes ne s’est pas arrêté là. Il soulève à présent le silence qui pesait sur la passe depuis quelques années, percutant au passage les membres du Collège de la passe qui s’en trouvent déplacés. Le silence sur la passe, relevé en de maintes occasions, n’avait pu être levé. Ce n’était pas une poignée d’AE, neuf exactement depuis que nous avons changé de millénaire, qui ont pu rompre ce silence malgré beaucoup d’efforts, ni les participants du mini-Collège de 2005, ni notre communauté réunie en séminaire de réflexion du Conseil en 2007. Motus au final.
En elle-même, la passe n’est pas silencieuse, mais sa voix n’est pas bavarde. Sa voix fait le support d’une chaîne de paroles articulée sous la forme de l’un parle à l’autre qui passe le témoin aux suivants, et ainsi de suite. Un analysant parle à son analyste qui en réponse pourra ou non le désigner passeur ; un candidat à la passe parle avec un secrétaire de la passe qui l’autorisera ou non à tirer au sort deux passeurs ; le passant parle à ses passeurs ; les passeurs témoignent devant le cartel de l’histoire analytique que le passant leur a confiée ; les membres du cartel se parlent entre eux, puis parlent à l’École ; l’AE s’adresse à l’École qui l’a nommé, et même au-delà quelquefois. Chacun à sa place constitue un rouage d’un mécanisme délicat dont le bon fonctionnement et les articulations seront examinés avec soin, au moins chaque six ans, par le Collège de la passe. Mais la structure de chaque articulation de cette chaîne de paroles est complexe. Elle ne répond pas à l’adage freudien : à chacun sa chacune. Il n’y a pas de rapport entre les uns et les autres, il n’y a que des passages. Le ratage est de structure. Donc, à condition que chacun de sa place ne tolère aucune entorse au déroulement réglé de la chaîne, chaque manière de rater la passe aura son importance pour le jury. Le cartel est justement là pour accueillir ce qui n’a pas de règles.
Alors pourquoi tant de discrétion concernant les résultats de la passe ? La discrétion est à mettre du côté du passeur, c’est-à-dire du côté de l’événement qui enclenche le processus de la passe dans l’expérience analysante. Lacan a repéré comme moment de passe celui où le sujet analysant, rencontrant le désir de l’analyste en tant qu’articulé à un désir de passe, est désigné passeur par son analyste. Cet événement, articulé (cf. la « Proposition »), mais pas articulable, ne peut que rester discret. Il est d’autant plus précieux à la vie de l’École que chaque moment de passe est susceptible d’être le support d’une nomination d’AE. Sophie Gayard disait que l’École ne s’occupait peut-être pas bien de la passe. Ce qui doit se traduire par : « il y a quelque chose à dire » ; l’École a quelque chose à dire à tous ceux qui en son sein sont en mal de passe. Je dirais donc qu’une École concernée par la voix de la passe, est une École qui veut des membres qui demandent des comptes, qui veut des AE, qui veut débattre des résultats, qui veut des cartels angoissés qui parient non sur la théorie mais sur ce qui n’a pas de règles, quitte à se tromper.
Alors, un nouvel AE ? Pourquoi pas ?
Un nouveau passeur ? ce n’est pas vraiment le problème.
Plutôt une nouvelle École.
N° 66 (4 décembre 2009)
« WITZ », THÉÂTRE, ÉNONCIATION
par Anne Lysy-Stevens
Jean-Daniel Matet soulignait que « s’engager dans le dispositif de la passe à l’ECF est fort différent que d’intervenir devant le public des Journées », la grande différence étant « l’existence du filtre des passeurs » dans le dispositif.
Et en effet, la structure du dispositif inventé par Lacan est ternaire ; Lacan renvoie d’ailleurs à la « Dritte Person » du Witz pour caractériser cette forme de transmission très particulière. Sans doute la procédure était-elle calculée en fonction de l’enjeu en 1967 : extraire quelque chose de l’ordre du mathème à propos du passage à l’analyste, au-delà des effets rhétoriques des dits du passant. On reconnaît là la « croyance extrême à la logique » de Lacan à cette époque, comme Jacques-Alain Miller l’a souligné dans sa présentation du thème de l’AMP, « Semblants et sinthome ».
Ces dernières années, J.-A. Miller a évoqué à plusieurs reprises « le théâtre de la passe », en tirant les conséquences du dernier enseignement de Lacan, notamment du texte de 1976, « L’esp d’un laps ». Ici les effets de séduction rhétoriques ne sont plus évités. Les corps sont en présence. Chaque témoignage de passe, comme « hystorisation », « assume le mensonge de la vérité » ; et « le spectacle des témoignages » répond aussi au « désir de notre communauté ». Les récentes Journées de l’ECF ont été un tel théâtre, leur style me paraît en résonance avec le dernier enseignement de Lacan.
Arrivée à ce point, je m’arrête, j’ai le sentiment que quelque chose cloche : que suis-je en train de dire ? Que la procédure est datée, qu’elle ne convient plus ? Pas forcément, pas plus que le dernier enseignement ne rend complètement caduque ce qui précède. Par ailleurs, quand J.-A. Miller parle de théâtre, il le fait à propos d’un temps de la passe, celui où les AE enseignent – un temps P3, dirais-je, pour le distinguer du temps P1 (moment de passe dans l’analyse) et P2 (procédure de la passe). Je compare donc deux choses différentes, je fais une erreur de logique ! Alors, j’efface et j’oublie l’idée qui m’était venue ?
J’en tire une question : comment définir l’énonciation aujourd’hui et comment la faire « passer » ?
QUELQUES REMARQUES D’UN PASSEUR
par Annie Dray-Stauffer
J’ai été passeur cinq fois. Deux de ces passants ont été nommés AE. La première passante pour laquelle j’ai eu à témoigner, a été nommée AE. Elle avait déjà effectué un travail remarquable, à la fois de condensation des moments clefs de ses analyses et de construction de son cas. Je n’ai compris que plus tard à quel point elle avait elle-même « préparé » mon propre travail qui a quand même consisté en un ordonnancement, une condensation et une filtration de ses dires. Elle ne m’a remis aucun texte écrit et je trouve contraire à l’esprit de la passe de le faire, la fonction de plaque sensible du passeur s’en trouvant alors quelque peu court-circuitée. L’exposé de ce cas au cartel de la passe s’est fait dans des conditions particulièrement intéressantes, sous la forme d’une discussion avec l’autre passeur et les membres du cartel, dans un climat exempt de tout agacement, et marqué pour chacun d’un formidable désir de savoir. Je lisais le texte que j’avais écrit et chacun m’interrompait pour avoir des précisions ou compléter mes dires avant qu’une conversation plus libre ne s’instaure.
Pour le second passant nommé AE – ma quatrième passe –, il en fut autrement. Le passant se centra surtout avec moi sur les détails de la fin de sa cure, le mode de satisfaction que celle-ci lui apportait et son nouveau rapport au savoir, à la vérité et à l’ignorance. Moi-même taraudée par une interrogation sur la fin de ma cure (il s’était écoulé 2 ans et demi), je n’ai pas posé suffisamment de questions sur les détails de son très long trajet analytique, avec lequel il me semblait avoir pris une grande distance, ce qui me fut reproché par certains membres du cartel. Il m’en avait toutefois donné les points essentiels, les moments de passe. En revanche, j’émets l’hypothèse que de l’avoir laissé dire a peut-être permis qu’il aborde une question qu’il n’a pas abordé avec le deuxième passeur, tournant autour de l’acquisition d’un savoir y faire avec le vide. Cela me semblait témoigner d’un point d’avancement de son travail qui me faisait penser qu’il pouvait être nommé AE, ce que j’ai dit aux membres du cartel. Après mon exposé, plutôt que de partir, comme cela se fait habituellement pour laisser place à l’autre passeur, j’ai demandé à rester. Entendre cet autre témoignage m’intéressait tout spécialement, du fait de ce que je viens de dire, et aussi parce que les lacunes de mon exposé me laissaient sur ma faim. J’ai été surprise par la différence entre nos deux témoignages. Celui de l’autre passeur était extrêmement précis sur tout le déroulement des différentes tranches d’analyse. Elle en a été également frappée, quand elle a lu mon texte, après coup.
Ces deux expériences si dissemblables me semblent bien éclairer « la solitude » et l’ignorance du passeur jusqu’à maintenant, quel qu’ait été son effort pour lire tout ce qui s’était écrit sur la passe, et bien peu sur la position du passeur. Je dis bien jusqu’à maintenant, car il me semble qu’après ce que nous lisons tous depuis les Journées, on ne sera plus passeur de la même façon : il se dit maintenant de façon beaucoup plus directe que le passeur n’a pas à être le « secrétaire » du passant. Mes deux expériences me l’ont appris en effet, mais je ne le « savais » pas, et il est essentiel que cela soit dit aux futurs passeurs, ainsi que d’autres points abordés par les uns et les autres au cours de ce débat. Le « silence des cimes » qui a régné risque d’assourdir la voix du passant, et la passe d’en être bâillonnée.
PASSEUR « EN DIFFICULTÉ »
par Fernand Gasser
Ayant été passeur (pour deux passants), je voudrais apporter ma contribution au débat en mettant mon expérience et ma question en regard d’un point de la théorie.
Passeur « en difficulté »1, j’étais dans un certain malaise, pas sans lien avec le fait qu’aucune des deux passes n’a donné lieu à une nomination d’AE.
Lacan écrit que le passeur assure « une fonction de médiation », qu’il « est la passe », « une plaque sensible ».
Dans les transmissions que j’ai faites aux cartels, je pense avoir été un secrétaire fidèle au discours des passants. J’ai évidemment réécrit un texte, temps oblige, plus court que leur témoignage.
La passe est définie comme une expérience de déduction et non de déchiffrage : je renvoie au travail de A. Zaloszyc2, pour avancer que cette déduction viserait le point obscur (Unerkannt) – et/ou – en émane, point que l’Autre cherche à saisir, à faire entrer dans ses circuits et enclos selon les deux modalités de Phi et « petit (a) sur moins phi ».
La réponse du cartel : « il y a » (passe et AE) se logerait dans l’empreinte, dans la trace effacée du passage du zéro au Un (cf. Frege) pour indiquer que le sujet se serait dégagé de cette trace ?
« Il y a » désignerait donc un nouage desserré et la perspective d’Un nouveau ?
Et le passeur là-dedans ? Lui aussi enthousiaste… ou timoré, est chargé, par l’Autre de l’École comme par le passant, d’être le porte-parole de ce dernier, il est chargé de ne pas brouiller les veines du roc qu’il a pu repérer, au moins dans un tâtonnement déductif ?
Je conclurai ces questions – hypothèses à vérifier pour dire un mot me concernant : par la suite je me suis présenté à « la passe à l’entrée », démarche qui peut s’entendre comme un « t’y mords pas encore »…
[1]. J. Lacan : « Une Procédure pour la passe ».
2. A. Zaloszyc : « L’Unerkannt et la jouissance liquide », LM, n° 275.
PETIT TEXTE
par Nathalie Georges
1 – Le JJ qui me donne le tournis mais comme il est impossible de saisir una por una, ces particules élémentaires que nous sommes et que vous ne cessez pas, cher Jam, d’accélérer, il faut bien que je m’applique. Donc, comme dirait Bernard This, je ne vous dis pas merci.
2 – « Ralentir, travaux ». Je me dis que c’est l’effet paradoxal que vous obtiendrez, sans le viser.
3 – La passe comporte cette lente hâte, elle est le noyau de la nouvelle érotique du temps que la psychanalyse implique et qui irrigue l’École. Je me dis qu’elle sera poétique ou ne sera pas. Elle est, en tout cas, là, pour chacun, c’est patent.
4 – Cher Philippe Chanjou. Je vous remercie de m’avoir adressé votre texte des Journées (à ma demande). Il m’a saisie ; dans les intervalles que votre écriture enserre, un tissage souple et serré témoigne du parcours des réseaux signifiants qui ont ponté et irrigué l’entre deux mères de la conjoncture de votre naissance. J’y piste sans me donner aucun mal la présence obstinée d’un véritable psychanalyste, dont il me semble que le patronyme (que je crois déduire et savoir plutôt que deviner ou connaître) forme le chiffre d’une destinée frappée au coin de la psychanalyse. Je crois même reconnaître son style, net, clair, sans concessions. Rien à voir avec une identification, donc.
5 – Il me semble que votre Selbstdarstellung opère une rectification de la passe après coup. « Faites-vous connaître de gens connus » énonçait non sans humour un peu noir Sophie Bialek, au moment où elle allait être AE (début des années 1990). Votre transfert à l’École vous porte à témoigner sans méchanceté de sa capacité de black out. Black in, donc. Nous allons y travailler, nous les maudits, les démineurs (les grandes personnes ?).