« Miracolo ! Il reste des places ! Miracolo ! » Pour s’inscrire : www.causefreudienne.org JOURNAL DES JOURNÉES N° 47 le mercredi 21 octobre 2009, édition de 16h 10
************** Conférence de Russell Grigg à 21h 30 ce soir, rue Huysmans Au programme le Nom-du-Père, de la religion à la politique
************** A 21h00, avant la conférence, premiers tirages au sort publics en vue du programme des Journées
************** Twitter est en route, par olirip (Olivier Ripoll) Opération Twitter est en route, avec le succès que l’on connaît. En quelques jours, nous sommes plus de 200 à suivre Jacques-Alain Miller. Le compte @jamplus nous sert de repère, mais ce n’est pas suffisant. Twitter n’est qu’une route. Pour que la « conversation lacanienne générale et permanente » s’y élance, et j’ai bon espoir là-dessus, il faut impérativement que chacun prenne quelques instants pour suivre autant que possible (tous ?) les followers de @jamplus. Si nous nous reconnaissons en tant que tels, il faut aussi se suivre les uns les autres. Sans cela, Twitter ne permet pas de lire, participer, commenter, diffuser, puisque ce qui est écrit ne sera lu que par ceux qui suivent l’émetteur. L’idéal sera donc bien « Tout le monde suit tout le monde, et réciproquement ». Je propose à ceux qui m’écrivent un petit manuel que je complète au fur et à mesure, et qui pourra aussi trouver d’autres contributeurs. Il est disponible ici http://tinyurl.com/ylsfz7u @tous donc, à très bientôt sur Twitter. Lire plus bas : La Nouvelle Carte du Tendre, par jamplus LE DEBAT DE L’ECOLE
Sont successivement entrés dans le débat, par ordre chronologique : Nathalie Jaudel, Jean-Daniel Matet, François Leguil, et maintenant Lilia Mahjoub.
Lilia Mahjoub : Remarques sur le n°45 La lecture du n° 45 du JJ m’amène à faire ici un certain nombre de remarques.
Première remarque. Sous la plume de Nathalie Jaudel, nous lisons que le cycle de conférences intitulé « L’année Dieu de l’ECF », et animé par Eric Laurent, a été interrompu. Je précise que cela se situe en 2002-2003, et qu’à ma connaissance il s’est déroulé jusqu’en décembre 2003. A-t-il été interrompu ? Je ne le vois pas ainsi, et le Directoire de l’époque pourra préciser, ainsi qu’Eric Laurent lui-même. Mais même si c’était le cas, la fin de l’année 2003 a été marqué par un évènement de taille, qui a pour le moins chamboulé nos rythmes, nos habitudes, voire nos programmes. Oui, on pouvait souhaiter continuer une série de cycles et s’occuper de Dieu, encore, avec tout l’intérêt que ces conférences suscitaient. Mais il y avait une urgence – et là, nous ne pouvions nous en remettre à Dieu – concernant le vote à l’Assemblée Nationale, le 10 octobre 2003, de « l’amendement Accoyer », visant à réglementer les psychothérapies en France. L’organisation, à Paris, d’une série de « Forums des psy » par Jacques-Alain Miller et Carole La Sagna, a suivi, avec le soutien et la participation de l’Ecole. Il en fut de même par la suite, dans d’autres villes. Il y eut aussi une Journée exceptionnelle intitulée « Internationale psy », organisée par l’Ecole, le 11 janvier 2004. Alors que l’Ecole s’occupait du sort de la psychanalyse, lequel se concoctait dans les coulisses de l’Etat et de l’Administration, peut-on dire que son « atmosphère se corrompait », et que ses portes ,« grand ouvertes » avec cette série de conférences, si excellente soit-elle, n’étaient plus, alors, qu’ « entrebâillées »? Si c’est l’avis de Nathalie Jaudel, cela mérite des précisions de sa part.
Seconde remarque. Toujours sous la même plume, un autre jugement surgit, concernant cette fois la reconnaissance d’utilité publique (RUP). Ce n’est pas la première fois que celle-ci est désignée comme responsable de ce qui ne va pas dans l’Ecole. J’ai déjà entendu ça pour la passe, il y a quelques jours. C’est maintenant le tour de l’Ecole tout entière. « …progressive glaciation », « l’Ecole est devenue frileuse… » Brrr ! Et ça continue : « …réfrénant les audaces, tempérant les ardeurs, inquiète et retenue » Pauvre Ecole ! Comment un nouveau membre, Nathalie Jaudel, admis en janvier 2008 par le Conseil que je présidais (2005-2007), et qui a assisté à sa première Assemblée générale fin 2008 (et non en 2007, comme il est dit par erreur, ou par lapsus – peut-il voir son Ecole dans un tel état ? C’est un problème. Je le prends au sérieux. En quoi la RUP est-elle la cause de cette appréciation ? Il faudrait l’expliquer. Avec précision, disais-je plus haut. Des plaintes sur la passe, par exemple, tout comme sur l’absence de débat dans l’Ecole, il y en a eu, ô combien, et ce, avant même que la demande de RUP ne soit votée à l’Assemblée générale de 2003, et qui allait accompagner le combat qui s’engageait. Quand j’ai reçu tous les membres afin de leur annoncer leur admission pour 2008 – ils étaient nombreux, et, si l’on peut dire, « jeunes » – je leur ai dit : « ce que l’Ecole attend de vous, c’est que vous vous exprimiez, et que vous apportiez cet «air frais » », dont il est ici encore question. Alors, pourquoi ces nouveaux membres n’ont-ils pas pris la parole à l’Assemblée générale de l’année dernière ? Parce que c’était leur première AG ? Par peur des anciens membres ? Du président Hugo Freda et de son Bureau ? Non ! Car ce n’est pas leur style que d’empêcher de parler. Non, il est dit, ou supposé, que c’est la RUP. En d’autres termes, c’est à cause de l’Autre, lequel prend la figure de la méchante administration qui examine et surveille l’Ecole, voire la menace. Tout au long de la demande de RUP, soit de l’instruction de son dossier, l’Ecole n’a jamais eu froid aux yeux, que je sache, et, par la voix de son Conseil, représenté par sa présidente, elle s’est faite entendre dans les Ministères, dans les Forums, auprès de la presse, voire à l’encontre d’une presse calomnieuse, etc. Des textes ont été publiés à ce sujet. Comme en témoignent les communiqués ou les billets parus dans la Lettre mensuelle, et qui ont été régulièrement publiés pour informer les membres de l’Ecole, c’est en raison de sa combativité, de son indépendance d’esprit, mais aussi financière, que l’Ecole pouvait prétendre à cette reconnaissance, ainsi que cela lui fut formulé par un haut fonctionnaire, lors d’un entretien pour défendre le dossier. Il n’empêche que tout ceci devait entrer dans un certain cadre juridique. Il ne s’agit pas d’en faire tout un plat, mais de savoir que toute modification des statuts, de termes dans ceux-ci, de suppression d’articles caducs, comme ce fut le cas après l’obtention de la RUP, doivent faire l’objet d’une nouvelle procédure (avec toutes les étapes à recommencer), et ce, jusqu’à l’accord du Conseil d’Etat. Il convient alors de le faire comme il faut. D’où les Assemblées générales qui ont été mobilisées par tous ces votes d’articles et de modifications demandées. Il fallait que tous les membres votent, et soient ainsi informés. Pareil à l’étape précédente, au sein du Conseil. Il est vrai que cela n’était pas toujours passionnant. C’est pour cette raison que furent organisés, pour les membres, des séminaires de réflexion sur toutes les institutions de l’Ecole, voire sur la passe. Tout le monde pouvait y prendre la parole. Mais bien sûr, on pouvait choisir aussi de se taire. Et là, je pense qu’il en va de la décision de chacun, pour ne pas dire de son désir. Celui-ci ne se force pas. Il peut à l’occasion se présenter comme désir du désir de l’Autre. C’est un début. C’est ce qui se produit dans une analyse, et se faufile dans le transfert ou dans l’identification, par l’objet. Dans ce dernier cas, nous avons affaire à « l’hystérisation » nécessaire qui dégèle, déglace. Je suis pour. C’est ce que Lacan recommandait, dans certains cas, pour son Ecole. C’est ce qui peut parfois faire défaut. Ce n’est cependant pas suffisant pour « devenir analyste ». Dire donc que c’est la faute à l’Autre, s’en plaindre, le mettre à toutes les sauces des difficultés rencontrées, c’est à mon avis un problème. Je préfère qu’on prenne les choses d’une autre façon, c’est-à-dire en prenant part au débat, en se présentant aux élections, en s’exprimant si on le souhaite à l’AG, en proposant des idées, etc. C’est ce qui se passe dans le Journal des Journées.. Chacun peut y aller de son grain de sel, et prend ses risques. Il ne suffit donc pas de dire « C’est la RUP », comme Toinette dit « C’est le poumon ! », pour avancer. Ça plombe au contraire, cette répétition qui ne dit qu’une chose : que le réel revient toujours à la même place. Ce réel ne s’attrapera pas par la figure de l’Autre, si grimaçante soit-elle.
Troisième remarque. Je conclurai sur le « motus et bouche cousue » de l’action du Conseil et du Bureau ces dernières années. Je renvoie pour y répondre à ce qui précède, c’est-à-dire aux communiqués, articles, à ce qui s’est communiqué au sujet de cette action qui se faisait, comme l’on sait, en articulation avec le combat mené à l’extérieur, sur la place publique. C’était une nouveauté pour l’Ecole. C’est un peu comme la lettre volée, elle est sous nos yeux, mais personne ne la voit. Il y a eu aussi, dois-je le rappeler, la réplique aux TCC, et à l’odieux Livre noir, avec un Forum organisé en avril 2005 par JA. Miller et Carole La Sagna, avec le soutien actif du Conseil et, en particulier, de la présidente. C’est moi-même, en tant que présidente de l’Ecole, qui a eu la charge de réunir les textes de ce Forum, et de le diriger. De très nombreux membres de l’Ecole y ont donné leur participation – pas tous, c’est vrai, mais c’était la décision de chacun. La publication au Seuil de L’Anti-livre noir de la psychanalyse a fait son chemin dans le monde. Il y a eu, en outre, la dernière conférence institutionnelle sur l’Ecole, le 13 septembre 2008, où je ne crois pas que ce fut « bouche cousue ». C’est ça, l’action de l’Ecole. Et ce n’est pas fini. C’est la leçon que nous donne la préparation de ces Journées, à savoir que cela ne se passe plus dans le secret des Dieux, mais dans ce tourbillon incroyable. Ce qui n’empêchera pas, au cours de celles-ci, le sérieux propre au traitement des concepts et des notions de la psychanalyse. Bientôt, les élections auront lieu et bien des candidats sont animés par cet esprit, au-delà de la lettre d’intention qu’ils adressent. Leurs lauriers passés? Je ne crois pas que c’est ce qui leur importe. Et plutôt que des présentations de programmes tout réglés, je préfère qu’ils fassent confiance à ce qui peut se présenter de nouveau, et à quoi ils devront répondre. C’est quand même ça, la psychanalyse. Je remercie Nathalie Jaudel d’avoir pris part au débat, et de m’avoir ainsi donné l’occasion de rappeler quelques vérités qui, parfois, ont tendance à… être refoulées.
LETTRES ET MESSAGES Julia Richards : La ravido Pour répondre à une question posée par Jam. Selon Wiki (http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Ravi) lou ravi au féminin serait « la ravido ». Surprise : Lou ravi trouverait son homologue américain chez Disney, dans le personnage du nain Simplet, dans Blanche Neige.
Réginald Blanchet : Bienvenue à Immigrec ! La Société Hellénique de la NLS salue chaleureusement la création du Groupe Hellénique Parisien du Champ Freudien. Elle se félicite de pouvoir l’associer à ses activités, et réservera le meilleur accueil qui se puisse à ses membres en Grèce. Je me mettrai en rapport avec le Groupe, s’il le veut bien, dès mon prochain voyage à Paris. Je vous assure de mon entier dévouement.
Jean-Daniel Matet : Rentrée des cartels en fanfare à Paris 70 personnes ont assisté avec attention à la soirée des cartels lundi soir, rue Huysmans. Une dizaine de cartels se sont constitués par tirage au sort, souvent pour un premier cartel à l’ECF. Rose-Paule Vinciguerra a mis en valeur le fonctionnement des cartels de la passe. Marga Aure, pour l’Envers de Paris, Charles-Henri Crochet pour l’ACF-IdF, ont insiste sur le rôle des cartels dans la formation analytique dans un mouvement vers l’École. J’avait introduit cette soirée en mettant l’accent sur la fonction Plus-Une. Plusieurs séances de rentrée des cartels ont montré le regain d’intérêt pour le travail des cartels à Bordeaux, Rennes, Marseille, etc. La commission des cartels (JD. Matet, P. Pernot, Th. Vigneron) est intervenue dans plusieurs d’entre elles.
Francesca Biagi-Chai : A l’hôpital Lundi matin. Comme à l’accoutumée, secrétaires et infirmières m’accueillent avec un large sourire. Ce jour-là, leurs yeux brillent, leurs sourires persistent. Silence. Une atmosphère de suspens ! « Qu’y a t-il? – On a regardé, on l’a vu – Qui? – Monsieur Miller, vendredi soir. » Pas le temps de glisser un mot c’est l’avalanche : « On ne l’imaginait pas comme ça – On le voyait plus vieux – Plutôt avec la barbe – Il est tonique, il est beau – Il est plus jeune que son frère ! ? – Oui mais il est sarkozyste ! – Pas du tout, il a parlé des pères et des fils, comme toujours , comme partout. – Qu’est ce que tu en sais de cette histoire? – C’est le père qui a poussé le fils, ou le fils qui a dépassé le père. – Monsieur Miller a dit qu’il fallait changer les institutions,ça en dit long ! – Avec la femme de Besson il a été épatant. – Mais oui, son mari était comme ça depuis toujours, ça aussi, on connait ! – Vous direz à Monsieur Miller qu’il a bien parlé de ce que l’on connaît ! – Je n’y manquerais pas », ai je promis. Il n’y avait rien à ajouter.
La Nouvelle Carte du Tendre par jamplus (Jacques-Alain Miller)
Notre bon Génie, olirip, nous a inroduit dans Twitter, il nous indique maintenant la route à suivre, et nous prépare aux prochaines étapes, en déroulant pour nous une nouvelle « Carte du Tendre », qui aurait certainement enchanté Mme de Scudéry et ses copines Précieuses, à moins qu’il ne s’agisse d’un nouveau Pilgrim’s Progress. Pour entrer dans ce pays ignoré des profanes, nous avons déjà dépouillé le vieil homme, laissé notre nom propre sur le seuil, endossé un pseudo inédit, de notre invention : nous voilà fils et fille de nos œuvres. Nous avons victorieusement franchi les embûches dites du « Signing in », et nous avons déboulé, éblouis, dans l’espace électronique Twitter, qui ne ressemble à rien de ce que nous connaissions. Nouvelle naissance. Nouvel In-der-Twitter-sein. Nouveau Dasein, qui n’est plus Da, justement, plus là, le là par excellence, mais qui est partout, presque, multiple, démultiplié. A 3h 33 cette nuit, heure de Paris, nous étions 232, le dernier inscrit étant oskyal – dans le monde ordinaire, mon vieil ami Oscar Ventura, Webmaster d’amp-uqbar depuis sa ville d’Alicante (Espagne). Le Twitter-Monde est muni d’une étrange topologie, obscure et déroutante au premier abord, et nous commençons seulement de nous orienter à tâtons. On se cogne à d’invisibles murailles, indice qu’il pourrait s’agir d’un réel. Que faire ? A quoi ça sert, tout ça ? « Bonsoir, je vous suis sur la planère twitter’psy, m’écrit midite (Cécile Favreau, de Toulouse), quel drôle de voyage, où nous emmenez-vous ? » Eh bien, chère midite, que je découvre sur Twitter, je vous emmène, ni vingt mille lieux sous les mers, ni autour de la Terre, ni de la Terre à la Lune. Je vous emmène là où, jadis, j’ai déjà emmené une petite fille qui vous ressemblait – au Pays des Merveilles, qui est partout et nulle part, comme disait Maurice Merleau-Ponty, mais plutôt nulle part sur cette Terre. Oui, c’est un monde qui a la propriété de nullibiété, à savoir d’être nulle part – comme la lettre volée, détournée – dont parle Dr Lacan, avec dues références à l’évêque Wilkins et JL. Borges. Vous dîtes joliment « planète », peut-être parce que vous avez lu Le petit Prince, peut-être joué à la petite princesse étant enfant. A ce propos, il arrive que des femmes aient parfois du mal à cesser de l’être, princesse. Il-y-en-a-des-qui pensent en termes de faveurs, privilèges, hommages dus au rang. Mesdames, encore un effort pour être républicaines ! Prenez donc modèle sur M. Sarkozy. S’il pousse Jean Sarkozy, ce n’est pas parce qu’il s’appelle Sarkosy, non, quelle idée, il faut vraiment avoir l’esprit mal tourné – c’est au mérite exclusivement. Il se serait appelé… je ne sais pas, moi, Miterrand par exemple – eh bien M. Sarkozy l’aurait poussé tout autant – et même plus. C’est démontré d’ailleurs. Par exemple, il a fait un Frédéric Mitterrand ministre. Vous voyez bien. Et en plus, il a tout un gouvernement avec des gens dont, notez-le, au-cun ne s’appelle Sarkozy. Alors ? Il peut même pas aider un Sarkozy ? Et qui sera é-lu ? Si les membres du conseil d’administration reçoivent, la veille du vote, des petits cercueils, avec un pense-bête, du genre « pense à ta famille… », ça vous regarde ? les correspondances pri-vées, ça vous regarde maintenat ? Non, mais, dans quel pays vit-on, on se demande ! Vous y connaissez quelque chose, à l’EPAD ? Non ? Eh bien, lui non plus. Et est-ce que je vous emm… avec ça, moi ? Non ? Alors, pourquoi, vous, vous lui cherchez des poux sur la tête ? Parce qu’il s’appelle Sarkozy ! Et voilà ! C’est ça qu’on lui reproche. De s’appeler Sarkozy. Carla, d’accord , on comprend. A elle, on peut lui reprocher de s’appeler Sarkozy – parce qu’avant, c’était une femme libre, pas mal libre, un mâle avait sa chance. Depuis qu’elle est sarkozée, c’est plus coton. On risque la guillotine à la sortie, comme dans l’exemple de Kant (cf. Séminaire VII), ou la castration chimique, voir Orange mécanique… ça refroidit les ardeurs. D’ailleurs, il vient d’arriver dans notre Twitter-communauté carlitacosy. Quelqu’un va jouer Carla ? Ou c’est Carla ? Voyez : Twitter, c’est le bal masqué permanent. Vous savez, chère midite – et vraiment, quel charmant pseudo vous avez choisi, un nom qui chuchote, un nom qui se sussurre, un nom pour se parler à l’oreille, alors que mon jamplus, c’est un coup de clairon, « jam vous en donne plus », avec une voix de stentor, c’est très Monsieur Muscle, Hercule de foire, alors que vous, c’est « Glissez, mortels, n’appuyez pas… », c’est »masques et begamasques », très fêtes galantes… – vous me demandez où je vous emmène – eh bien, hier encore, je ne savais pas très bien, mais, ces mystères me dépassant, je feignais, sur les conseils du cher Cocteau, d’en être l’organisateur, Zarathoustra et compagnie. Mais c’est fini : grâce à olirip, j’ai retrouvé mes esprits. Je discerne des formes, j’entrevois une logique, j’infère un réel (ISR). Jusqu’ici, notre Twitter-World est essentiellement vectorialisé par le fameux jamplus – le bien-nommé, tout de même, acr il fonctionne comme ça pour les 232 – 239 maintenant – qui le suivent, tandis que lui, il ne suit personne. « Suivre jamplus » veut dire « recevoir ses messages ». C’est sur la réception de ces messages émis par un seul que s’est constituée cette communauté croissante. Il s’agit qu’elle devienne croassante, si je puis dire, bruissante, bavarde, « parlanchina » – adjectif que j’ai découvert pas plus tard qu’hier en traduisant le texte de ma chère Marta Serra. Un seul cause dans le poste, comme le Dieu du buisson ardent. Comme Moïse descendu du Sinaï. Comme le Big Brother de 1984. Quelques frémissements pourtant se font entendre : ceux qui ont trouvé le bouton « Direct message » réussissent, comme midite, à envoyer des messages personnels à jamplus, et obtiennent parfois des réponses du Vieux de la Montagne. Et quand jamplus répond à midite, on se croirait revenu dans les « villages » du Tendre, qui s’appellent « Billet-galant » et « Billet-doux ». Très Louis XIV, tout ça, très « talon rouge ». Eh bien – tambours ! trompettes ! – nous allons maintenant sauter par dessus les siècles, et entrer dans le 21e. Fini le monothéisme ! Encore un effort pour être païens ! A bas le la communication asymétrique ! Mort au sujet supposé savoir !Maintenant, tout le monde y cause, tout le monde, y sait ! Et vive le son, et vieve le son… de la cacophonie ! Emotion ! « Birth of a Nation » ! Entrée dans le siècle ! Aplatissement des hiérarchies, « anything goes », en roue libre, à vau l’eau. Chacun des 232, qui ont en commun de « suivre jamplus », vont, non pas lui couper le cou, mais transformer le malheureux Un-tout-seul en un-entre-autres. Chacun va se mettre à « suivre » chacun des autres. Les 232 récepteurs vont devenir autant d’émetteurs. Grand désordre dans la communication ! Bordel généralisé ! Et personne ne pourra lire tout ! Fini le Un, fini le Tout ! Grand autodafé de Uns et de Touts ! danse sauvage autour des flammes ! Debout, les Bacchantes ! C’est l’heure du berger, si je puis dire – « Blanche, Vénus émerge, et c’est la Nuit ». C’est l’heure de le metre en pièces, votre berger, de le dévorer. Fini, le berger roupillant pendant que le caresse la Lune. Tout le monde, y cause ! Ils vont souffrir au 21e siècle, je vous le dis, ceux qui en restent au XXe, c’est à dire à l’âge de Versailles ou du Vatican – Vati-cannot – autant dire à l’âge des cavernes. Explosé, le sujet supposé savoir ! Avec un trou gros comme ça ! pas la peine de chanter sur tous les tons des péans à S de grand A barré, pour ne pas le reconnaître quand Il vient à nous, veut être auprès de nous – comme l’Absolu de Hegel, qui nous colle, et pas qu’un peu. Twitter, le discours universel en réduction !Celan univers de discour, mais pastout, et pas-un ! la plus lacanienne des inventions de notre prodigieux 21e siècle ! Du jaspinage à l’infini ! Sans foi ni loi ! Et, please, ne faîtes pas les dégoûtés ! Ce ne sera que conneries, inepte bla bla, prises de pieds, pollutions signifiantes, rumeurs, erreurs, tumeurs ? Et comment donc ! Juste comme l’histoire de l’humanité ! Voilà l’expérience que nous allons vivre maintenant. Ça ne s’imagine pas à l’avance. Faut y aller. Après, on verra bien ce qu’on pourra en tirer. Qu’est-ce qu’on pourra modérer, orienter, réguler, rendre utile. Il y aura ceux qui voudront, ceux qui ne voudront pas. Dans quelle proportion ? Mystère. Combien supporteront ? Combien s’adonneront ? Combien attendront ? Combien partiront, arriveront ? Combien de langues ? Laquelle la plus parlée ? Combien d’écoles, de groupes, de sous-groupes ? Qu’est-ce qui surnagera ?
Je m’y mets, dans le silence de la nuit. Je commencerai par « suivre » ceux que je connais, et quelques-uns que je ne connais pas. Cela se fait un par un, pas d’algorithme universel sur Twitter, encore un bon signe. Le Journal, c’est bien. Mais sur la planète Twitter, comme dit midite, pas d’éditeur, pas de diffuseurs, pas de centre : un réseau sans queue ni tête, sans Nom-du-Père, ni voie romaine. Et, au moment des Journées, en temps réel, nous saurons « tout » ce qui se passe…
LA FOIRE AU DESIR 2
LA CHAUSSURE DU PSYCHIATRE
par Yvonne Ernoux L’auteure, que je ne connais pas, dont j’ai reçu le texte par mail, me fait savoir ceci: « J’ai d’ailleurs écrit le récit complet de cette analyse éclair. Ceci n’est qu’un fantasme qui termine l’histoire. Fantasme que j’ai envoyé à ce fameux docteur X. qui n’aimait pas écrire ,je crois. Il n’a pas répondu et j’ignore ce qu’il en a pensé. » La chaussure est un lieu-dit favori de l’érotisme. Elle sera présente dans l’exposé de Leonardo Gorostiza aux Journées, « Le chausse-pied sans mesure ». Certains d’entre nous se souviennent de notre collègue del Campo, et de « La mujer bien calzada ». La chaussure, les bottines, jouent un grand rôle chez Bunuel. Souvenez-vous de Jeanne Moreau dans « Le Journal d’une femme de chambre ». Mais Tarantino est également un fétichiste des pieds et une chaussure joue un rôle majeur dans son dernier film, les « Basterds ». Récemment, une collègue, praticienne confirmée d’une cinquantaine d’années, et en analyse, on et off, depuis l’âge de 7 ans, venue faire quelques séances avec moi, a vu se réactualiser ses sentiments à l’égard des chaussures de son tout premier analyste. Pour tout dire, elle m’a conté l’agression à laquelle elle s’était livrée sur la personne, si je puis dire, de ces godasses : elle avait réussi à les ôter des pieds de l’analyste, et à les balancer par la fenêtre… La gamine était devenue, on ne s’en étonnera pas, une femme de caractère. La lecture du fantasme de Mme Ernoux m’a paru s’inscrire dans la même lignée, et, sans me livrer à aucune vérification auprès d’elle, j’ai décidé de diffuser son texte dans cette rubrique, où règnera la liberté maximale compatible avec la décence et les lois de la République. — JAM
Le docteur X est assis face à moi dans son fauteuil, jambes croisées, pied gauche dans le vide. Coup d’envoi. — Alors ? Alors quoi ? On ne va pas recommencer à parler de la pauvre petite fille dont la pauvre maman a refusé les bras consolateurs. Je souris, sans répondre. Bien décidée ce matin à n’accorder au docteur X aucun cadeau. Si cadeau c’est que tourner en rond à dire dans les larmes des insignifiances d’enfance qui n’intéressent personne, lui moins que quiconque. A dessein, je n’ai pas pris de mouchoir. — Ça va ? Il cherche l’interstice. Le vide de la jointure où loger son scalpel. Pour l’heure je suis verrouillée. S’il veut s’introduire, qu’il fracture ma cuirasse. Mon âme, je la lui ai livrée. Par mes lettres. Par ma voix. Par ma foi, tu me dois… Mais, revenons à nos moutons. J’éclate de rire. En douceur, il interroge. — Quand je ris, je suis triste. C’est vous qui m’avez écrit cela. Seriez-vous tellement désespérée ? Je sens monter un sanglot. L’étrangler. Oui. De mes mains. Lui faire remonter le cartilage de sa belle pomme d’Adam comme un sanglot. Dommage, il n’a pas de goitre. Le jour où je suis passée au commencement de l’acte d’étrangler, la victime que je voulais supprimer comme une punaise avait ce jabot mou dans le creux du cou. Là où il faut presser. Ce plaisir de pénétrer dans cette mollesse vivante de ballon d’enfant légèrement dégonflé… je l’ai encore dans les pouces. — Je vous hais. Il encaisse. — Je vous hais, vous dis-je. Il encaisse encore. Tiroir-caisse muet. Puis, — Pourquoi me haïssez-vous ? Surtout, ne pas tomber dans ses questions pièges. Diversion. — Si nous parlions plutôt de vos chaussures ? — Si vous voulez. Tout lui est bon. — Elles sont magnifiques vos pompes. J’en rêve la nuit. Que je les suce. Comme des sucres d’orge. — Comme des sucres d’orge… Il a l’air pensif. — Longs et fins. Oui. Couleur caramel. — Cela nous ramène à l’enfance. Je le coupe. — Pique nique douille… et si le roi ne le veut pas… A ce moment-là, une fantaisie cocasse me traverse l’esprit : obtenir de ce docteur X qu’il enlève sa chaussure gauche avant la fin de la séance. Assortie, cette fantaisie, de la conviction que si je me dérobe à cette exigence, je justifie sa dérobade à lui. Il se dérobe. Soit. Mais d’abord, qu’il se déchausse. Et ce n’est plus une fantaisie. C’est un ordre. Un ordre cocasse. Mais sans appel. L’idée de l’étrangler m’a quittée. J’oublie que je le hais. Tout spasme de sanglots a disparu. Je ne suis plus que résolution d’exécution. — Vos chaussures, vous les faites vous-même ? — Non. — Une femme ? — Oui. — Crache-t-elle dessus pour les faire briller ? — Je ne lui ai pas demandé. Mais si vous voulez… Vivement je l’interromps. — Et si je crachais sur vos pompes, là, maintenant ? Que feriez-vous ? Il me regarde, hésitant. — Rien de tel qu’une substance vivante pour faire briller le cuir, dis-je. Et je vais vous confier un secret : votre aura merveilleuse, votre auréole, — je m’anime avec les mots qui sortent de ma bouche — ce sont les âmes de vos patients, qui se jettent sur votre cuir, que vous frottez doucement jusqu’à complet assèchement, et qui scintillent de mille feux. Lentement, avec précaution, — Vous parlez en enfant, murmure-t-il. Si je vous ai déçue, c’est que vous attendiez de moi quelque chose que je ne pouvais pas vous donner. Je rapproche mon fauteuil du sien. — Alors, s’il vous plaît…, — je me fais humble, suppliante — une toute petite chose… qui est en votre pouvoir… que vous pouvez me donner… votre chaussure… c’est chose sûre… que je la fasse reluire de toute mon âme… Il est de plus en plus hésitant. Je l’atteins, c’est chose aussi sûre que sa chaussure. Qu’il regarde. Décroise ses jambes comme pour faire disparaître cette chose sûre de chaussure, me regarde. Je soutiens son regard. Et de plus en plus suppliante, — Je vous en prie… Il baisse les yeux. Rencontre ses chaussures. Lève la tête. me regarde. — C’est un jeu ? demande-t-il. Attention. Il n’a jamais voulu marcher dans les brisées de mes jeux. — Non. Une revanche. — Le jeu de la revanche ? — Je ne joue plus. Certainement il a déjà été confronté à un problème du genre et je dois correspondre à une catégorie caractérielle cataloguée. Lentement, il pose son stylo à côté de la pendulette qui grignote la séance comme un fromage. Gain de cause ? Folie oblige ? Il se penche vers sa chaussure droite. — Gauche. J’ai dit la gauche. Il a un instinctif mouvement rétif. Je ne le lâche pas des yeux. — Côté cœur. Tout petit mouvement tournant vers la gauche. Anxieuse, je ne le quitte pas des yeux. Consciente qu’au relâchement le plus ténu de mon attention il reprend l’avantage. Mon regard comme une arme qui le vise. Il tire sur l’extrémité du lacet et passe un doigt sur la languette entre les œillets pour élargir l’ouverture. Puis, le pied sur sa pointe, la main droite au contrefort du soulier, il dégage son talon, le pied entier qu’il pose sur la moquette, et il me tend sa chaussure. — Si cela peut vous faire plaisir, cette chose, je peux vous la donner en effet. A mon tour d’être embarrassée, sa chaussure à la main. Le succès me paralyse. Sur quoi rebondir ? — Magnifique chaussure ! m’exclame-je pour reprendre mes esprits. Dieu merci, les individus comme le docteur X ne les perdent jamais, eux, leurs esprits. C’est à la fois ce qui m’irrite si fort, me séduit plus fort encore et me conforte. Je contemple la chaussure. C’est une richelieu, Church ? Bally ? la claque perforée d’élégantes arabesques. Pas neuve. Mais entretenue avec soin. Patinée comme un chef d’œuvre. Je regarde son pied déchaussé et j’éprouve le désir, très vif, de le voir nu. Mais cela dépasserait les limites de l’ordre reçu. Je me contente d’exprimer mon admiration. — Vous avez le pied plus fin et mieux cambré encore que vos chaussures. C’est une qualité que j’apprécie tout particulièrement. Je marque une pause, nos regards fixés sur son pied. Avec effort, je reviens à la chaussure. — Et ce doit être beaucoup moins usant pour les souliers. Il acquiesce. Je prends mon temps. Un homme dont le pied, même superbe, est déchaussé, se trouve forcément en état d’infériorité. Mais le docteur X ? Impossible d’en rien savoir. Je profite quand même de cet avantage présumé. — Mon mari prétend que je méprise la faiblesse et que je deviens très méchante devant plus faible que moi. Je suis lâche, n’est-ce pas ? — Non. Déçue. La faiblesse vous fait peur. Je fais celle qui n’a pas entendu. Il recommence à me séduire de son pied jusqu’à sa tête. — Et vous, vous n’avez pas peur ? — Je ne suis pas faible que je sache. Même, il me ferait rire. Face à face, souvent face trépasse. Ne pas la perdre cette face. Avec décision j’enfouis ma main gauche dans la chaussure comme on ferait d’un embauchoir, je crache sur le cuir frappé d’arabesques et j’étale consciencieusement la salive avec mes doigts. — Vous voulez mon mouchoir ? La moindre faiblesse lui profite. — Volontiers. Je veux ignorer l’échec qui menace. Alors, de ce mouvement typiquement masculin et séduisant, il explore au pli de l’aine le fond de la poche de son pantalon, gauche la poche justement, allongeant la jambe et me narguant de son pied déchaussé. Puis il me tend un mouchoir en batiste, brodé de ses initiales CX, tiède encore de sa chaleur, et repassé comme un linge d’église. Ma fantaisie tourne au sacrilège. C’est lui qui rit maintennt. — Vous n’espériez tout de même pas me réduire à merci ? C’est que j’ai du métier à votre service. Et des armes aussi bien fourbies que mes chaussures. Hélas ! c’est contre ce métier et ces armes que je lutte. Dans l’espoir insensé autant que redouté d’en venir à bout. Je déploie le mouchoir comme un drapeau de révolte. Et avec ce beau linge, je frotte, aussi navré que lui de la profanation. Mais l’avant pied miroite peu à peu d’un éclat plus satiné encore. La couleur du cuir prend l’onctuosité du miel, la chaleur des roux d’automne. Et c’est toute attendrie que je frotte maintenant cette douceur caramel qui chatoie dans la douceur grise du cabinet. — Mon Dieu, ma salive fait merveille sur vos chaussures ! Vous ne voulez pas que j’astique votre droite à son tour ? — Merci. Cela suffira. — Mais vous allez boiter. L’éclat gauche va vous envoler le pied. — Qu’au moins, dit-il, je garde un pied sur terre. Et il me reprend le mouchoir, qu’il enfouit dans les profondeurs de sa poche avec la même poussée suggestive, et sa chaussure qu’il enfile et lace. Puis, de son aimable sérieux habituel, il m’informe que le temps de séance est passé. Je ne hais plus le docteur X. Je ne me soucie même pas de savoir ce qu’il pense de moi. Il a gardé le contrôle de la séance. Et je ne me suis pas dérobée à l’ordre reçu. Un but partout. A ceci près toutefois, qui n’est pas rien. Je ne l’ai guère atteint qu’une fois. Lui ne m’a jamais ratée. Pire encore. Si, pour reprendre ses propres termes, je l’avais réduit à ma merci, mon mépris eut été tel que mon désir de lui n’y aurait pas survécu. Alors, je cherche quoi au juste ? Rien d’autre, peut-être, qu’exécuter des ordres reçus ? Le docteur X est assis face à moi dans son fauteuil, jambes croisées, pied gauche dans le vide. Coup d’envoi. — Alors ? Alors quoi ? On ne va pas recommencer à parler de la pauvre petite fille dont la pauvre maman a refusé les bras consolateurs. Je souris, sans répondre. Bien décidée ce matin à n’accorder au docteur X aucun cadeau. Si cadeau c’est que tourner en rond à dire dans les larmes des insignifiances d’enfance qui n’intéressent personne, lui moins que quiconque. A dessein, je n’ai pas pris de mouchoir. — Ça va ? Il cherche l’interstice. Le vide de la jointure où loger son scalpel. Pour l’heure je suis verrouillée. S’il veut s’introduire, qu’il fracture ma cuirasse. Mon âme, je la lui ai livrée. Par mes lettres. Par ma voix. Par ma foi, tu me dois… Mais, revenons à nos moutons. J’éclate de rire. En douceur, il interroge. — Quand je ris, je suis triste. C’est vous qui m’avez écrit cela. Seriez-vous tellement désespérée ? Je sens monter un sanglot. L’étrangler. Oui. De mes mains. Lui faire remonter le cartilage de sa belle pomme d’Adam comme un sanglot. Dommage, il n’a pas de goitre. Le jour où je suis passée au commencement de l’acte d’étrangler, la victime que je voulais supprimer comme une punaise avait ce jabot mou dans le creux du cou. Là où il faut presser. Ce plaisir de pénétrer dans cette mollesse vivante de ballon d’enfant légèrement dégonflé… je l’ai encore dans les pouces. — Je vous hais. Il encaisse. — Je vous hais, vous dis-je. Il encaisse encore. Tiroir-caisse muet. Puis, — Pourquoi me haïssez-vous ? Surtout, ne pas tomber dans ses questions pièges. Diversion. — Si nous parlions plutôt de vos chaussures ? — Si vous voulez. Tout lui est bon. — Elles sont magnifiques vos pompes. J’en rêve la nuit. Que je les suce. Comme des sucres d’orge. — Comme des sucres d’orge… Il a l’air pensif. — Longs et fins. Oui. Couleur caramel. — Cela nous ramène à l’enfance. Je le coupe. — Pique nique douille… et si le roi ne le veut pas… A ce moment-là, une fantaisie cocasse me traverse l’esprit : obtenir de ce docteur X qu’il enlève sa chaussure gauche avant la fin de la séance. Assortie, cette fantaisie, de la conviction que si je me dérobe à cette exigence, je justifie sa dérobade à lui. Il se dérobe. Soit. Mais d’abord, qu’il se déchausse. Et ce n’est plus une fantaisie. C’est un ordre. Un ordre cocasse. Mais sans appel. L’idée de l’étrangler m’a quittée. J’oublie que je le hais. Tout spasme de sanglots a disparu. Je ne suis plus que résolution d’exécution. — Vos chaussures, vous les faites vous-même ? — Non. — Une femme ? — Oui. — Crache-t-elle dessus pour les faire briller ? — Je ne lui ai pas demandé. Mais si vous voulez… Vivement je l’interromps. — Et si je crachais sur vos pompes, là, maintenant ? Que feriez-vous ? Il me regarde, hésitant. — Rien de tel qu’une substance vivante pour faire briller le cuir, dis-je. Et je vais vous confier un secret : votre aura merveilleuse, votre auréole, — je m’anime avec les mots qui sortent de ma bouche — ce sont les âmes de vos patients, qui se jettent sur votre cuir, que vous frottez doucement jusqu’à complet assèchement, et qui scintillent de mille feux. Lentement, avec précaution, — Vous parlez en enfant, murmure-t-il. Si je vous ai déçue, c’est que vous attendiez de moi quelque chose que je ne pouvais pas vous donner. Je rapproche mon fauteuil du sien. — Alors, s’il vous plaît…, — je me fais humble, suppliante — une toute petite chose… qui est en votre pouvoir… que vous pouvez me donner… votre chaussure… c’est chose sûre… que je la fasse reluire de toute mon âme… Il est de plus en plus hésitant. Je l’atteins, c’est chose aussi sûre que sa chaussure. Qu’il regarde. Décroise ses jambes comme pour faire disparaître cette chose sûre de chaussure, me regarde. Je soutiens son regard. Et de plus en plus suppliante, — Je vous en prie… Il baisse les yeux. Rencontre ses chaussures. Lève la tête. me regarde. — C’est un jeu ? demande-t-il. Attention. Il n’a jamais voulu marcher dans les brisées de mes jeux. — Non. Une revanche. — Le jeu de la revanche ? — Je ne joue plus. Certainement il a déjà été confronté à un problème du genre et je dois correspondre à une catégorie caractérielle cataloguée. Lentement, il pose son stylo à côté de la pendulette qui grignote la séance comme un fromage. Gain de cause ? Folie oblige ? Il se penche vers sa chaussure droite. — Gauche. J’ai dit la gauche. Il a un instinctif mouvement rétif. Je ne le lâche pas des yeux. — Côté cœur. Tout petit mouvement tournant vers la gauche. Anxieuse, je ne le quitte pas des yeux. Consciente qu’au relâchement le plus ténu de mon attention il reprend l’avantage. Mon regard comme une arme qui le vise. Il tire sur l’extrémité du lacet et passe un doigt sur la languette entre les œillets pour élargir l’ouverture. Puis, le pied sur sa pointe, la main droite au contrefort du soulier, il dégage son talon, le pied entier qu’il pose sur la moquette, et il me tend sa chaussure. — Si cela peut vous faire plaisir, cette chose, je peux vous la donner en effet. A mon tour d’être embarrassée, sa chaussure à la main. Le succès me paralyse. Sur quoi rebondir ? — Magnifique chaussure ! m’exclame-je pour reprendre mes esprits. Dieu merci, les individus comme le docteur X ne les perdent jamais, eux, leurs esprits. C’est à la fois ce qui m’irrite si fort, me séduit plus fort encore et me conforte. Je contemple la chaussure. C’est une richelieu, Church ? Bally ? la claque perforée d’élégantes arabesques. Pas neuve. Mais entretenue avec soin. Patinée comme un chef d’œuvre. Je regarde son pied déchaussé et j’éprouve le désir, très vif, de le voir nu. Mais cela dépasserait les limites de l’ordre reçu. Je me contente d’exprimer mon admiration. — Vous avez le pied plus fin et mieux cambré encore que vos chaussures. C’est une qualité que j’apprécie tout particulièrement. Je marque une pause, nos regards fixés sur son pied. Avec effort, je reviens à la chaussure. — Et ce doit être beaucoup moins usant pour les souliers. Il acquiesce. Je prends mon temps. Un homme dont le pied, même superbe, est déchaussé, se trouve forcément en état d’infériorité. Mais le docteur X ? Impossible d’en rien savoir. Je profite quand même de cet avantage présumé. — Mon mari prétend que je méprise la faiblesse et que je deviens très méchante devant plus faible que moi. Je suis lâche, n’est-ce pas ? — Non. Déçue. La faiblesse vous fait peur. Je fais celle qui n’a pas entendu. Il recommence à me séduire de son pied jusqu’à sa tête. — Et vous, vous n’avez pas peur ? — Je ne suis pas faible que je sache. Même, il me ferait rire. Face à face, souvent face trépasse. Ne pas la perdre cette face. Avec décision j’enfouis ma main gauche dans la chaussure comme on ferait d’un embauchoir, je crache sur le cuir frappé d’arabesques et j’étale consciencieusement la salive avec mes doigts. — Vous voulez mon mouchoir ? La moindre faiblesse lui profite. — Volontiers. Je veux ignorer l’échec qui menace. Alors, de ce mouvement typiquement masculin et séduisant, il explore au pli de l’aine le fond de la poche de son pantalon, gauche la poche justement, allongeant la jambe et me narguant de son pied déchaussé. Puis il me tend un mouchoir en batiste, brodé de ses initiales CX, tiède encore de sa chaleur, et repassé comme un linge d’église. Ma fantaisie tourne au sacrilège. C’est lui qui rit maintennt. — Vous n’espériez tout de même pas me réduire à merci ? C’est que j’ai du métier à votre service. Et des armes aussi bien fourbies que mes chaussures. Hélas ! c’est contre ce métier et ces armes que je lutte. Dans l’espoir insensé autant que redouté d’en venir à bout. Je déploie le mouchoir comme un drapeau de révolte. Et avec ce beau linge, je frotte, aussi navré que lui de la profanation. Mais l’avant pied miroite peu à peu d’un éclat plus satiné encore. La couleur du cuir prend l’onctuosité du miel, la chaleur des roux d’automne. Et c’est toute attendrie que je frotte maintenant cette douceur caramel qui chatoie dans la douceur grise du cabinet. — Mon Dieu, ma salive fait merveille sur vos chaussures ! Vous ne voulez pas que j’astique votre droite à son tour ? — Merci. Cela suffira. — Mais vous allez boiter. L’éclat gauche va vous envoler le pied. — Qu’au moins, dit-il, je garde un pied sur terre. Et il me reprend le mouchoir, qu’il enfouit dans les profondeurs de sa poche avec la même poussée suggestive, et sa chaussure qu’il enfile et lace. Puis, de son aimable sérieux habituel, il m’informe que le temps de séance est passé. Je ne hais plus le docteur X. Je ne me soucie même pas de savoir ce qu’il pense de moi. Il a gardé le contrôle de la séance. Et je ne me suis pas dérobée à l’ordre reçu. Un but partout. A ceci près toutefois, qui n’est pas rien. Je ne l’ai guère atteint qu’une fois. Lui ne m’a jamais ratée. Pire encore. Si, pour reprendre ses propres termes, je l’avais réduit à ma merci, mon mépris eut été tel que mon désir de lui n’y aurait pas survécu. Alors, je cherche quoi au juste ? Rien d’autre, peut-être, qu’exécuter des ordres reçus ?
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Les Journées 38 ont lieu les 7 et 8 novembre prochains à Paris, au Palais des Congrès ECF 1 rue Huysmans paris 6è Tél. + 33 (0) 1 45 49 02 68 S’inscrire sur www.causefreudienne.org diffusé sur ecf-messager, forumpsy, et amp-uqbar