ECOLE DE LA CA– USE FREUDIENNE
Soirée de la Bibliothèque
Invité : Kristofer Schipper
Le jeudi 4 Juin 2009
Conférence de Kristofer Schipper :
La Psychanalyse est-elle possible en Chine ?
Ecole de la Cause freudienne, 1 rue Huysmans 75006 Paris à 21 h 15
Entrée libre
Présentation par Nathalie Charraud Le livre de K.Schipper sur la religion de la Chine nous décrit une Chine que l’on n’a pas l’habitude d’aborder dans notre contemporanéité : une Chine où la religion populaire est loin d’être éradiquée et où au contraire les lieux de culte ne cessent de se réveiller sous la forme des temples reconstruits ou de sites à nouveau considérés, comme dans les siècles passés, comme sacrés. Ce renouveau religieux a ses fondements dans le taoïsme, sa liturgie, et ses rituels, et n’est pas sans liens avec le « taoïsme philosophique ». Celui-ci donnait une prépondérance au corps : le livre antérieur de K .Schipper « Le corps taoïste » (Fayard,, 1982, 1997) est donc le complément indispensable à la compréhension de ce second ouvrage. L’auteur aimerait discuter avec nous de la question « la psychanalyse est-elle possible en Chine ? », et nous pourrions ajouter : face au malaise dans la culture que connaît la Chine actuelle. Différentes expériences et tentatives de psychothérapies existent à travers la Chine, le « soutien psychologique » se développe désormais en cas de catastrophes ou de traumatismes. Des foyers de psychanalyse se sont implantés dans plusieurs grandes villes, mais est-il possible, pensable, de présenter aux Chinois une psychanalyse d’orientation lacanienne ? Une psychanalyse au-delà de l’Œdipe, fondée sur ce que Jacques-Alain Miller a nommé le dernier enseignement de Lacan, appréhende le sujet comme un être parlant, soumis à un corps comme corps jouissant. Dans un de ses derniers cours, il nous propose ces deux conditions pour qu’il y ait psychanalyse : un sujet supposé savoir (définition de l’inconscient lui-même), et un corps supposé jouir (jouissance intimement liée à la parole, au fait de parler, et déterminée par le langage via le fantasme). Et il nous démontre pas à pas combien les deux se chevauchent. Si, comme l’écrit K.Schipper, « toute la pensée chinoise fait totalement voler en éclats l’ancienne barrière corps/esprit et permet de réfléchir à notre vie et à sa signification en des termes entièrement différents », ouvrant pour nous à une « épistémologie nouvelle », pourra-t-elle faire place, intégrer, voire en le transformant, ce que propose la psychanalyse comme expérience fondée sur l’interprétation, langagière certes, mais pas seulement ? Il est notable qu’en toute ouverture de son Séminaire, le 11 novembre 1953, Lacan invoquait le maître bouddhiste de la technique zen (qui fut une reprise du bouddhisme par les taoïstes, sous le nom de Zhan, avant d’être importé au Japon sous le nom de zen) pour bien souligner que l’enseignement, dans la psychanalyse, ne peut se constituer en système : « Le maître interrompt le silence par n’importe quoi, un sarcasme, un coup de pied. C’est ainsi que procède dans la recherche du sens un maître bouddhiste, selon la technique zen. Il appartient aux élèves eux-mêmes de chercher la réponse à leurs propres questions. Le maître n’enseigne pas ex cathedra une science toute faite, il apporte la réponse quand les élèves sont sur le point de la trouver. Cet enseignement est un refus de tout système. Il découvre une pensée en mouvement –prête néanmoins au système, car elle présente nécessairement une face dogmatique. La pensée de Freud est la plus perpétuellement ouverte à la révision. C’est une erreur de la réduire à des mots usés. Chaque notion y possède sa vie propre. C’est ce qu’on appelle précisément la dialectique ». Un dialogue semblait, dès cette époque, pouvoir s’esquisser entre la psychanalyse et la pensée chinoise, que d’autres urgences ont mis en suspens.