L’urgence de la réponse
Dominique Vendée / Marie-Agnès Macaire – ITEP Bellefonds
Le feuilleton préparatoire aux Journées des 23-24 janvier attend vos textes aux adresses
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Il y avait urgence à dire, urgence à répondre, urgence à faire taire l’insulte. Karim, pour ce faire, étranglait les autres. L’insulte lui arrivait de l’autre, provocante, insupportable. C’en était trop, cela se répétait plusieurs fois par jour. Pour la faire taire, il étranglait vraiment, avec toute la force, l’intensité inouïe que cette urgence provoquait dans son corps d’enfant de huit ans. Les adultes, effrayés, désemparés, sachant pertinemment qu’aucune parole n’aurait l’effet escompté, ne savaient plus comment l’arrêter. Pour eux aussi l’urgence pressait.
Alors, on avait recours à l’autorité, celle du chef de service : c’est un homme, il doit pouvoir séparer les combattants. Il a l’autorité, il doit pouvoir la faire valoir auprès de ce petit être que rien ne semble pouvoir arrêter. Or, les adultes savaient aussi que, tout chef de service qu’il soit, cet homme ne pouvait faire valoir son autorité sur un enfant pour lequel le Nom du Père n’opère pas. Dans une institution, l’autorité se présente pourtant sous la forme du directeur ou du chef de service. Mais ceci n’est valable que pour les névrosés que sont les adultes qui entourent les enfants.
Ceci dit, Karim se retrouvait presque tous les jours dans le bureau du chef de service, plus ou moins puni, vissé sur une chaise en attendant que la crise se calme, qu’il reprenne ses esprits, qu’il puisse retourner dans son atelier ou en classe. Le risque encouru par une telle pratique est que ce chef de service devienne pour Karim un Autre persécuteur, voire un Autre jouisseur. Ce qui ne tarda pas à arriver. Si Karim ne se jetait pas sur lui pour l’étrangler, il le « traitait », l’injuriait, refusait d’aller dans son bureau. Ce chef devenait la figure d’un surmoi féroce.
Or un jour, Karim arrive à sa séance d’orthophonie avec deux livres qu’il apporte de l’atelier de son éducatrice. Il s’agit de TomTom et Nana et un autre. Dominique, l’orthophoniste, savait que le chef de service appréciait la littérature enfantine. Ils en avaient parlé ensemble à l’occasion d’une demande de financement pour améliorer le stock de livres. Pour elle, les livres sont un outil de travail, que ce soit au niveau du sens du récit, de l’objet à manipuler, ou de la voix qui lit. Elle dit alors à Karim que Monsieur L. aime les livres et qu’à l’occasion il peut les lui montrer.
La circulation des livres va ainsi commencer. Chaque vendredis, Karim en prend un dans le bureau de Dominique et va le montrer à Monsieur L. Ils le regardent ensemble, puis Karim le dépose dans le bureau et Monsieur L. le lui rend ensuite afin qu’il le rapporte à son point de départ. Les livres circulent. Le chef de service est ainsi devenu un partenaire possible pour Karim, quelqu’un qui aime les livres, comme lui. Il accepte mieux d’aller se calmer dans son bureau. Il faut reconnaitre que cela n’arrive plus très souvent, car il ne fait presque plus de crises.
Récemment, Dominique avait un nouveau livre. C’est l’histoire d’un enfant qui ne peut ni lire ni écrire et dont le père se demande ce qu’il va devenir. Or Karim, malgré un très grand désir, ne sait toujours pas lire. Après avoir entendu cette histoire, Karim dit : « C’est celui-là que je veux aller porter à Monsieur L. » À suivre…
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