La lettre en ligne n° 50
Une urgence « L’arrêté scélérat »
Des psychanalystes répondent dans LNA n° 9
Peu avant l’été, le texte d’un projet d’arrêté ministériel parvenait à Jacques – Alain Miller qui s’en est alarmé. A la faveur du décret d’application de la loi sur le titre de psychothérapeute, cet arrêté reconduirait à la mission première que monsieur Accoyer s’était donnée : définir les conditions d’exercice de la profession de psychothérapeute. Rejetant l’histoire du mouvement psychanalytique, et l’orientation qui soutient son expérience, aujourd’hui étendue bien au-delà du cabinet de l’analyste, l’Etat prétend fournir au rabais des formations – éclair. Ainsi se programme en fait, le début de la fin de la psychanalyse, fait remarquer Jacques – Alain Miller. Ainsi se programme le début de la fin de l’être conçu comme pensant, parlant, bref, de l’être – symptôme. Il s’agit moins à présent d’une rationalisation des produits de l’entreprise que de la rationalisation de l’humain conçu lui-même comme un produit et donc soumis à la seule loi que réclame le discours du capitaliste : le flux tendu 1 qui vise de manière asymptotique la disparition du rien, de la perte, et s’opère dans tous les champs où peuvent s’exercer la poésie, le rêve, la pensée. A cet effet, la chape de plomb, devenue monopole, du signifiant – maître « formation » se répand dans tous les interstices du champ social, toujours dans le sens de la déspécialisation, et dans le but donc, de rendre chacun interchangeable. Les savoirs sont détruits et ce qui prétend être une formation est en réalité, une dé – formation. Ainsi, la section deux du projet 2 adjointe au décret d’application du titre de psychothérapeute définit « la formation minimale en psychopathologie clinique pour user du titre de psychothérapeute » : une formation théorique de quatre cents heures et une durée de cinq mois. C’est pourtant sans ironie que monsieur Accoyer a pu énoncer cette remarquable dénégation : « l’ennemi ce n’est pas le psy, l’ennemi c’est l’incompétence, l’absence ou l’insuffisance de connaissances, parfois la malveillance 3. » Quelques protocoles de formation, quelques supposés manuels de bonne pratique ou d’utilisation assureraient à bon compte la rééducation comportementale d’un sujet considéré dès lors comme « déviant » ; prise de pouvoir par la massification imaginaire. Annuler cette référence unique de chaque sujet à sa langue, à sa langue de jouissance, à sa langue qui a traité le réel, à sa lalangue, à ce qu’il a de singulier, voilà ce qui est attendu : un lit de Procuste de la psyché. Et l’on ose parler de compétence.
Sur ces sujets nous avons, en ce mois de septembre, de quoi lire et affiner notre critique, avec LNA n°9 combatif, documenté, drôle, créatif, et la parution d’un ouvrage d’Eric Laurent Lost in cognition, psychanalyse et sciences cognitives. Un livre qui « examine les prétentions du nouveau paradigme de la psychologie à se proposer comme modèle d’avenir pour les disciplines cliniques, et par là venir à bout de la psychanalyse. (…) Sous le nom de cognitivisme comportemental une nouvelle réduction de l’expérience humaine à l’apprentissage a fait retour » 4. Francesca Biagi-Chai
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