Vingt-huit structures expérimentales ont été
créées en France (1) afn de mettre en œuvre la mesure 29 du Plan Autisme
2008-2010 : « Promouvoir une expérimentation encadrée et évaluée de nouveaux
modèles d’accompagnement ». Ces vingt-huit institutions ont disposé pendant
plusieurs années de moyens fnanciers et humains considérables dans le but
d’établir, pour l’essentiel, la pertinence d’un seul nouveau modèle
d’accompagnement des autistes : la méthode ABA (2).
créées en France (1) afn de mettre en œuvre la mesure 29 du Plan Autisme
2008-2010 : « Promouvoir une expérimentation encadrée et évaluée de nouveaux
modèles d’accompagnement ». Ces vingt-huit institutions ont disposé pendant
plusieurs années de moyens fnanciers et humains considérables dans le but
d’établir, pour l’essentiel, la pertinence d’un seul nouveau modèle
d’accompagnement des autistes : la méthode ABA (2).
Un certain privilège
Un tel
privilège donné à cette technique devrait surprendre : elle est certes «
recommandée » en 2013 par le 3e Plan
Autisme, mais « non validée scientifquement », et sujette à de nombreuses
critiques, notamment sur le plan éthique. Deux autres méthodes sont aussi «
recommandées » (TEACCH et Denver), lesquelles, certes, ne sont pas plus «
validées », mais chacun s’accorde à considérer qu’elles sont moins intrusives
pour l’enfant autiste. On sait qu’Autisme France , soutenu par un groupe
parlementaire infuent, a fait de la promotion de la méthode ABA un cheval de
bataille de sa croisade contre la psychanalyse. La création de vingt-huit
structures, toutes consacrées à l’expérimentation de l’ABA, donne la mesure de
l’écho de leur lobbying auprès des pouvoirs publics. Le troisième Plan Autisme
indique que ces institutions expérimentales ont été créées « à la demande des
familles » (3), omettant de préciser qu’une telle demande vient exclusivement
de certaines familles : uniquement de celles qui adhèrent aux thèses d’Autisme
France, et non de celles qui œuvrent notamment dans le RAAPH à un «
Rassemblement pour une approche des autismes humaniste et plurielle ».
privilège donné à cette technique devrait surprendre : elle est certes «
recommandée » en 2013 par le 3e Plan
Autisme, mais « non validée scientifquement », et sujette à de nombreuses
critiques, notamment sur le plan éthique. Deux autres méthodes sont aussi «
recommandées » (TEACCH et Denver), lesquelles, certes, ne sont pas plus «
validées », mais chacun s’accorde à considérer qu’elles sont moins intrusives
pour l’enfant autiste. On sait qu’Autisme France , soutenu par un groupe
parlementaire infuent, a fait de la promotion de la méthode ABA un cheval de
bataille de sa croisade contre la psychanalyse. La création de vingt-huit
structures, toutes consacrées à l’expérimentation de l’ABA, donne la mesure de
l’écho de leur lobbying auprès des pouvoirs publics. Le troisième Plan Autisme
indique que ces institutions expérimentales ont été créées « à la demande des
familles » (3), omettant de préciser qu’une telle demande vient exclusivement
de certaines familles : uniquement de celles qui adhèrent aux thèses d’Autisme
France, et non de celles qui œuvrent notamment dans le RAAPH à un «
Rassemblement pour une approche des autismes humaniste et plurielle ».
Résultats
attendus : 47% de réussite ?
attendus : 47% de réussite ?
Les résultats
d’une expérimentation de la méthode ABA faite dans les meilleures conditions
pendant une période d’environ cinq ans et dans vingt-huit établissements,
portant sur 578 enfants autistes, prennent dans ce contexte une particulière
importance. Vont-ils confrmer l’étonnante statistique obtenue lors de la
première expérimentation de la méthode ABA par Lovaas et son équipe, à savoir
le chiffre sans cesse avancé depuis 1987 de 47 % des enfants ayant « atteint un
développement intellectuel normal et un fonctionnement éducatif normal, avec un
QI normal et une fréquentation normale des écoles primaires publiques » (4) ?
Les études postérieures furent nombreuses à mettre en doute la validité de ce
résultat. Une recherche fouillée sur cette question, publiée en 2004, aux
États-Unis, par V. Shea, conclut : « Il est temps pour les partisans de la
méthode et les professionnels d’arrêter de citer le chiffre de 47 %, ainsi que
les concepts tels que « développement normal », enfants
« impossibles à distinguer des enfants de leur âge au développement
normal », et le fait d’avoir été « guéris » de l’autisme. Les
résultats rapportés de la recherche initiale ne sont pas en accord avec de
telles interprétations : de plus, d’autres études, effectuées au cours des
trois décennies qui se sont écoulées depuis le début de cette recherche,
mettent systématiquement en évidence des taux de réussite (selon les critères
de l’étude d’origine) qui sont signifcativement inférieurs à 47 % » (5). Une
recherche plus récente, effectuée par V. Cruveiller, en 2012, confrme que « les
réserves émises par V. Shea (2004) demeurent valides. Les données actuellement
disponibles restent insuffsantes pour confrmer scientifquement l’indication
d’une prise en charge comportementale intensive chez les enfants avec autisme »
(6). La Haute Autorité de Santé elle-même en 2013 considère qu’il n’existe
qu’une « présomption » scientifque d’effcacité concernant la méthode ABA.
d’une expérimentation de la méthode ABA faite dans les meilleures conditions
pendant une période d’environ cinq ans et dans vingt-huit établissements,
portant sur 578 enfants autistes, prennent dans ce contexte une particulière
importance. Vont-ils confrmer l’étonnante statistique obtenue lors de la
première expérimentation de la méthode ABA par Lovaas et son équipe, à savoir
le chiffre sans cesse avancé depuis 1987 de 47 % des enfants ayant « atteint un
développement intellectuel normal et un fonctionnement éducatif normal, avec un
QI normal et une fréquentation normale des écoles primaires publiques » (4) ?
Les études postérieures furent nombreuses à mettre en doute la validité de ce
résultat. Une recherche fouillée sur cette question, publiée en 2004, aux
États-Unis, par V. Shea, conclut : « Il est temps pour les partisans de la
méthode et les professionnels d’arrêter de citer le chiffre de 47 %, ainsi que
les concepts tels que « développement normal », enfants
« impossibles à distinguer des enfants de leur âge au développement
normal », et le fait d’avoir été « guéris » de l’autisme. Les
résultats rapportés de la recherche initiale ne sont pas en accord avec de
telles interprétations : de plus, d’autres études, effectuées au cours des
trois décennies qui se sont écoulées depuis le début de cette recherche,
mettent systématiquement en évidence des taux de réussite (selon les critères
de l’étude d’origine) qui sont signifcativement inférieurs à 47 % » (5). Une
recherche plus récente, effectuée par V. Cruveiller, en 2012, confrme que « les
réserves émises par V. Shea (2004) demeurent valides. Les données actuellement
disponibles restent insuffsantes pour confrmer scientifquement l’indication
d’une prise en charge comportementale intensive chez les enfants avec autisme »
(6). La Haute Autorité de Santé elle-même en 2013 considère qu’il n’existe
qu’une « présomption » scientifque d’effcacité concernant la méthode ABA.
La question du surcoût
En février
2015, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) rend publique
une « Évaluation nationale des structures expérimentales Autisme », réalisée
par des organismes indépendants – les cabinets Cekoïa conseil et Planète
Publique. Le rapport fnal constate que « les vingt-huit structures
expérimentales se caractérisent par l’application de techniques psycho
éducatives de type comportementaliste ABA. Ces techniques impliquent des taux
d’encadrement et une intensité d’accompagnement élevés qui eux-mêmes impliquent
des coûts globalement plus élevés que pour des structures traditionnelles du
secteur médico-social ». Une des principales questions auxquelles il est
demandé aux évaluateurs de répondre est : « le surcoût du fonctionnement des
structures expérimentales » permet-il l’obtention de meilleurs résultats pour
le devenir des enfants autist es ? (7) Ce que le rapport d’étude reprend ainsi
: « Un des objectifs de ces expérimentations est d’identifer si un
accompagnement intensif (tant au niveau du nombre d’heures que du taux
d’encadrement) peut permettre de réaliser des progrès plus rapidement que dans
une structure classique. Ces progrès doivent permettre une sortie plus rapide
du secteur médico-social vers le milieu ordinaire et a minima une amélioration
des capacités des enfants, qui est logiquement favorable à un accompagnement
futur allégé ». Afn de respecter le taux d’encadrement, un professionnel pour
un enfant, nécessaire à une bonne application de la méthode ABA, le surcoût
s’avère en effet important : « 64 000€/an la place en moyenne contre 14 000€
pour les SESSAD (8) tous types de SESSAD confondus, 32 000€ pour les IME autisme
sans places d’internat et 47 000€ pour les IME autisme avec ou sans places
d’internat » (9). Grâce à ce fnancement généreux : « le taux d’encadrement par
structure expérimentale, écrivent les rapporteurs, varie de 0,28 ETP à 2,36 ETP
pour un enfant. En moyenne, le taux d’encadrement global (toutes catégories de
personnel confondues) est de 1,29 ETP pour un enfant. À titre d’information, en
2012, au niveau national, pour les structures du secteur médico-social non
expérimentales, le taux d’encadrement moyen était de 0,27 ETP pour un enfant au
sein des SESSAD et de 0,76 ETP pour un enfant au sein des IME autismes » (10).
Une des conditions majeures du fonctionnement de la méthode ABA est respectée
puisque le taux d’encadrement par du personnel en situation directe
d’accompagnement (toutes structures expérimentales confondues) est de 1,03 ETP
(11) par enfant (12). L’autiste dans de telles structures est en permanence
pris en charge par un professionnel. Le nombre d’heures d’accompagnement
hebdomadaire moyen par enfant est de 26 heures.
2015, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) rend publique
une « Évaluation nationale des structures expérimentales Autisme », réalisée
par des organismes indépendants – les cabinets Cekoïa conseil et Planète
Publique. Le rapport fnal constate que « les vingt-huit structures
expérimentales se caractérisent par l’application de techniques psycho
éducatives de type comportementaliste ABA. Ces techniques impliquent des taux
d’encadrement et une intensité d’accompagnement élevés qui eux-mêmes impliquent
des coûts globalement plus élevés que pour des structures traditionnelles du
secteur médico-social ». Une des principales questions auxquelles il est
demandé aux évaluateurs de répondre est : « le surcoût du fonctionnement des
structures expérimentales » permet-il l’obtention de meilleurs résultats pour
le devenir des enfants autist es ? (7) Ce que le rapport d’étude reprend ainsi
: « Un des objectifs de ces expérimentations est d’identifer si un
accompagnement intensif (tant au niveau du nombre d’heures que du taux
d’encadrement) peut permettre de réaliser des progrès plus rapidement que dans
une structure classique. Ces progrès doivent permettre une sortie plus rapide
du secteur médico-social vers le milieu ordinaire et a minima une amélioration
des capacités des enfants, qui est logiquement favorable à un accompagnement
futur allégé ». Afn de respecter le taux d’encadrement, un professionnel pour
un enfant, nécessaire à une bonne application de la méthode ABA, le surcoût
s’avère en effet important : « 64 000€/an la place en moyenne contre 14 000€
pour les SESSAD (8) tous types de SESSAD confondus, 32 000€ pour les IME autisme
sans places d’internat et 47 000€ pour les IME autisme avec ou sans places
d’internat » (9). Grâce à ce fnancement généreux : « le taux d’encadrement par
structure expérimentale, écrivent les rapporteurs, varie de 0,28 ETP à 2,36 ETP
pour un enfant. En moyenne, le taux d’encadrement global (toutes catégories de
personnel confondues) est de 1,29 ETP pour un enfant. À titre d’information, en
2012, au niveau national, pour les structures du secteur médico-social non
expérimentales, le taux d’encadrement moyen était de 0,27 ETP pour un enfant au
sein des SESSAD et de 0,76 ETP pour un enfant au sein des IME autismes » (10).
Une des conditions majeures du fonctionnement de la méthode ABA est respectée
puisque le taux d’encadrement par du personnel en situation directe
d’accompagnement (toutes structures expérimentales confondues) est de 1,03 ETP
(11) par enfant (12). L’autiste dans de telles structures est en permanence
pris en charge par un professionnel. Le nombre d’heures d’accompagnement
hebdomadaire moyen par enfant est de 26 heures.
Des conditions de travail conformes à la méthode ABA
Les conditions
de travail sont apparemment très favorables : un petit groupe d’autistes (16 en
moyenne), des enfants jeunes (âge moyen : 8,5 ans), des profls variés, une coconstruction
du projet avec des parents impliqués et des équipes, composées de
professionnels et de parents, soudées par un même militantisme en faveur de la
méthode ABA. Le rapport constate en effet qu’« Un certain nombre d’associations
gestionnaires et de structures affchent l’objectif de diffuser et de faire
reconnaître les méthodes comportementales comme faisant partie de leurs
priorités – voire l’ont inscrit dans leur projet d’établissement ou dans leur
activité » (13). Il précise que « les professionnels (psychologues et
éducateurs) maîtrisent essentiellement la méthode ABA, et les éducateurs sont
parfois invités à « désapprendre » les autres approches d’accompagnement de
l’autisme à leur arrivée dans la structure (en particulier les approches liées
à la méthode psychanalytique). » (14). Dans certaines institutions pilotes, ce
militantisme a engendré quelques diffcultés « pour recruter un psychiatre ou un
pédopsychiatre qui accepte de réaliser des vacations au sein d’une structure
qui applique des méthodes comportementales » (15). De manière générale les
médecins y sont peu présents. Ce qui n’apparaît guère contrarier les
intervenants. En revanche une préoccupation étonnante s’impose eu égard à la
bonne qualité apparente des conditions de travail : « des problèmes de
turn-over, à tous les niveaux hiérarchiques et particulièrement au niveau du
personnel éducatif » (16). Pour ces derniers, observent les rapporteurs, le
caractère exigeant de leur fonction peut s’expliquer par plusieurs facteurs, au
premier rang desquels ils mettent, sans doute avec pertinence, « les méthodes
d’accompagnement intensives » et « les tâches répétitives liées à la mise en
œuvre des protocoles ABA » (17). Plusieurs structures ont dès lors fait le
choix de ne pas recruter d’éducateurs spécialisés « pour les tâches d’exécution
» mais des profls moins diplômés. Rappelons le constat de M. Dawson, une
autiste canadienne de haut niveau : « les terribles souffrances des premières
semaines d’ABA ne sont pas dues à l’extraction hors de nos supposés mondes
privés. Il est plus plausible que les pleurs, les cris perçants, et les fuites
soient ceux du soulèvement d’un enfant qui est forcé de manière répétitive à
abandonner ses points forts » (18). Il est très probable que le turn-over des
éducateurs résulte de la confrontation répétée aux souffrances de l’enfant
suscitées par la rigidité des protocoles. La méthode ABA faisant l’impasse sur
la vie psychique, pour ne vouloir connaître que les comportements, ne fait pas
bon ménage avec des professionnels qualifés : elle se satisfait de peu de
médecins, de peu de pédopsychiatres, de peu d’éducateurs spécialisés et de
psychologues ne connaissant qu’une seule méthode.
de travail sont apparemment très favorables : un petit groupe d’autistes (16 en
moyenne), des enfants jeunes (âge moyen : 8,5 ans), des profls variés, une coconstruction
du projet avec des parents impliqués et des équipes, composées de
professionnels et de parents, soudées par un même militantisme en faveur de la
méthode ABA. Le rapport constate en effet qu’« Un certain nombre d’associations
gestionnaires et de structures affchent l’objectif de diffuser et de faire
reconnaître les méthodes comportementales comme faisant partie de leurs
priorités – voire l’ont inscrit dans leur projet d’établissement ou dans leur
activité » (13). Il précise que « les professionnels (psychologues et
éducateurs) maîtrisent essentiellement la méthode ABA, et les éducateurs sont
parfois invités à « désapprendre » les autres approches d’accompagnement de
l’autisme à leur arrivée dans la structure (en particulier les approches liées
à la méthode psychanalytique). » (14). Dans certaines institutions pilotes, ce
militantisme a engendré quelques diffcultés « pour recruter un psychiatre ou un
pédopsychiatre qui accepte de réaliser des vacations au sein d’une structure
qui applique des méthodes comportementales » (15). De manière générale les
médecins y sont peu présents. Ce qui n’apparaît guère contrarier les
intervenants. En revanche une préoccupation étonnante s’impose eu égard à la
bonne qualité apparente des conditions de travail : « des problèmes de
turn-over, à tous les niveaux hiérarchiques et particulièrement au niveau du
personnel éducatif » (16). Pour ces derniers, observent les rapporteurs, le
caractère exigeant de leur fonction peut s’expliquer par plusieurs facteurs, au
premier rang desquels ils mettent, sans doute avec pertinence, « les méthodes
d’accompagnement intensives » et « les tâches répétitives liées à la mise en
œuvre des protocoles ABA » (17). Plusieurs structures ont dès lors fait le
choix de ne pas recruter d’éducateurs spécialisés « pour les tâches d’exécution
» mais des profls moins diplômés. Rappelons le constat de M. Dawson, une
autiste canadienne de haut niveau : « les terribles souffrances des premières
semaines d’ABA ne sont pas dues à l’extraction hors de nos supposés mondes
privés. Il est plus plausible que les pleurs, les cris perçants, et les fuites
soient ceux du soulèvement d’un enfant qui est forcé de manière répétitive à
abandonner ses points forts » (18). Il est très probable que le turn-over des
éducateurs résulte de la confrontation répétée aux souffrances de l’enfant
suscitées par la rigidité des protocoles. La méthode ABA faisant l’impasse sur
la vie psychique, pour ne vouloir connaître que les comportements, ne fait pas
bon ménage avec des professionnels qualifés : elle se satisfait de peu de
médecins, de peu de pédopsychiatres, de peu d’éducateurs spécialisés et de
psychologues ne connaissant qu’une seule méthode.
La méthode ABA
faisant l’impasse sur la vie psychique, pour ne vouloir connaître que les
comportements, ne fait pas bon ménage avec des professionnels qualifés : elle
se satisfait de peu de médecins, de peu de pédopsychiatres, de peu d’éducateurs
spécialisés et de psychologues ne connaissant qu’une seule méthode.
faisant l’impasse sur la vie psychique, pour ne vouloir connaître que les
comportements, ne fait pas bon ménage avec des professionnels qualifés : elle
se satisfait de peu de médecins, de peu de pédopsychiatres, de peu d’éducateurs
spécialisés et de psychologues ne connaissant qu’une seule méthode.
* : Bien qu’ayant publié de nombreux articles sur
l’autisme dans des revues scientifques, les candidatures des deux auteurs de
l’article n’ont pas été retenues pour participer à l’élaboration des
recommandations de la Haute Autorité de Santé pour les autistes adultes. La
volonté affchée d’ouverture aux diverses approches peut se mesurer à cette
aune. De même, le RAAPH (Rassemblement pour une approche des autismes humaniste
et plurielle) n’est toujours pas admis au Comité national de suivi du 3e Plan
Autisme, qui oriente la politique de l’autisme en France.
l’autisme dans des revues scientifques, les candidatures des deux auteurs de
l’article n’ont pas été retenues pour participer à l’élaboration des
recommandations de la Haute Autorité de Santé pour les autistes adultes. La
volonté affchée d’ouverture aux diverses approches peut se mesurer à cette
aune. De même, le RAAPH (Rassemblement pour une approche des autismes humaniste
et plurielle) n’est toujours pas admis au Comité national de suivi du 3e Plan
Autisme, qui oriente la politique de l’autisme en France.
Pour plus d’informations:
1 : Ces créations prennent appui sur une circulaire du 5
janvier 2010 de la Direction Générale de l’Action Sociale
janvier 2010 de la Direction Générale de l’Action Sociale
2 : ABA : Applied Behavior Analysis (Analyse appliquée du
comportement), élaborée par Lovaas aux États-Unis dansles années 1980.
comportement), élaborée par Lovaas aux États-Unis dansles années 1980.
3 : 3e Plan
Autisme (2013-2017), p. 58, disponible sur
http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan-autisme2013-2.pdf
Autisme (2013-2017), p. 58, disponible sur
http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan-autisme2013-2.pdf
4 : Lovaas O.I., «Behavioral treatment and normal
educational and intellectual functioning in young autisticchildren», Journal of
Consulting and Clinical Psychology, 1987, 55, (1), p. 3-9.
educational and intellectual functioning in young autisticchildren», Journal of
Consulting and Clinical Psychology, 1987, 55, (1), p. 3-9.
5 : Shea V., «A perspective on the research literature
related to early intensive behavioral intervention(Lovaas) foryoung children
with autism», in Autism, SAGE Publications and the National Autistic Society,
vol 8 (4), 2004, p. 349-367; traduction française: « Shea V. Revue commentée
des articles consacrés à la méthode ABA (EIBI : Early Intensive Behavioral
Intervention) de Lovaas, appliquée aux jeunes enfants avec autisme », in
Psychiatrie de l’enfant, LII,I, 2009, p. 296.
related to early intensive behavioral intervention(Lovaas) foryoung children
with autism», in Autism, SAGE Publications and the National Autistic Society,
vol 8 (4), 2004, p. 349-367; traduction française: « Shea V. Revue commentée
des articles consacrés à la méthode ABA (EIBI : Early Intensive Behavioral
Intervention) de Lovaas, appliquée aux jeunes enfants avec autisme », in
Psychiatrie de l’enfant, LII,I, 2009, p. 296.
6 : Cruveiller V., « Les interventions comportementales
intensives et précoces auprès des enfants avec autisme: une revue critique de
la littérature récente », Cahiers de
Préaut, 2012, 1, p. 107.
intensives et précoces auprès des enfants avec autisme: une revue critique de
la littérature récente », Cahiers de
Préaut, 2012, 1, p. 107.
7 : Cekoïa Conseil et Planète publique,Evaluation
nationale des structures expérimentales Autism, CNSA, Rapport fnal, février
2015, p.7, disponible ici
nationale des structures expérimentales Autism, CNSA, Rapport fnal, février
2015, p.7, disponible ici
8 : SESSAD Service d’éducation spéciale et de soins à
domicile.
domicile.
9 : Cekoïa Conseil et Planète publique, op. cit., p. 78.
10 : Ibid., p. 28.
11 : ETP: Equivalent Temps Plein.
12 : Cekoïa Conseil et Planète publique, op. cit., p. 29.
13 : Ibid .,
p. 45.
p. 45.
14 : Ibid .,
p. 78.
p. 78.
15 : Ibid., p.
13.
13.
16 : Ibid., p.
17.
17.
17 : Ibid. , p. 59.
18 : Dawson M., «The misbehavior of behaviorists.
Ethical challenges to the autism-ABA industry
Ethical challenges to the autism-ABA industry
» [2004] disponible sur son site No Autistics allowed : http://www.sentex.net/~nexus23/naa_aba.
(II)
Les auteurs du rapport « Évaluation nationale des structures expérimentales Autisme » (1) de 2015 ne sauraient être suspectés d’avoir une approche critique à l’égard des vingt-huit structures expérimentales (2). Bien au contraire, ils adhèrent parfois trop aisément au discours qui s’y trouve tenu. « Pour plusieurs structures, écrivent-ils, les relations avec les équipes hospitalières et notamment la pédopsychiatrie sont compliquées du fait d’une méconnaissance, voire parfois d’un rejet, de la part de ce secteur et notamment des pédopsychiatres, des méthodes comportementales utilisées dans les structures » (3). Ce n’est certainement pas par « méconnaissance » que la plupart des associations représentatives de la psychiatrie française se sont élevées contre les recommandations du 3e Plan Autisme favorisant abusivement la méthode ABA (4). Beaucoup de pédopsychiatres ont eu connaissance du travail de V. Shea, cité plus haut, voire de ceux de M. Dawson, et de bien d’autres. En revanche, les militants d’Autisme France, souvent à l’origine des structures expérimentales, ne souhaitent guère s’informer, répétant sans cesse à tort qu’ABA serait « validé scientifquement ».
Auto-évaluation et résultats effectifs
D’autre part, les évaluateurs se contentent de peu quand il s’agit de mettre en évidence quelques résultats favorables. « Les vingt-huit structures expérimentales, affrment-ils, ont, dans leur grande majorité, des résultats positifs en termes d’intégration dans le milieu ordinaire, d’implication des familles et d’évolution des enfants et des jeunes sur des aspects qui n’étaient pas acquis auparavant (propreté, communication, diminution des comportements- problèmes…). » Comment le savons-nous ? Il s’agit d’un « constat partagé par les professionnels et les familles » (5). « Toutes les structures semblent avoir de bons résultats en termes d’évolution des enfants et des jeunes accompagnés », répètent-ils, ayant cependant l’honnêteté de préciser : « même si l’évaluation ne se fonde que sur le point de vue des familles, tout autant satisfaites d’avoir obtenu une place pour leur enfant que de pouvoir bénéfcier de ces méthodes, et non sur des travaux de recherches spécifques » (6). Que l’auto-évaluation des militants de la méthode ABA soit positive est bien le moins qui soit attendu.
Nul ne doute qu’une prise en charge intensive d’enfants jeunes effectuée pendant plusieurs années parvienne à produire une amélioration des comportements. Cependant les quelques données objectives livrées parcimonieusement par le rapport incitent à en rabattre beaucoup par rapport à l’autosatisfaction des militants ABA. Sans vouloir s’y attarder, les évaluateurs eux-mêmes aboutissent à un constat d’échec : « malgré les progrès individuels constatés pour une grande majorité d’enfants et de jeunes, le nombre de sorties est resté très limité sur la période, alors même que ce modèle d’intervention ne peut être tenable fnancièrement que si l’accompagnement intensif pour un même enfant est limité dans le temps (logique de parcours) » (7). Dès lors, leur conclusion est nette : « cette solution est certes intéressante en termes de niveau individuel de prestation, mais n’est tout simplement pas tenable fnancièrement » (8). La production effective de sorties des enfants de la prise en charge institutionnelle n’est pas suffsante pour que le modèle génère un ratio coût/résultat qui soit favorable. Considérant les données dont les évaluateurs disposent, affrmer que cette solution est « intéressante » apparaît même abusif : une telle appréciation ne saurait valoir qu’à se satisfaire de l’auto-évaluation militante.
Résultats obtenus : les chiffres dans le gouffre
Rappelons que le critère qui aurait permis à Lovaas d’objectiver 47% de résultats positifs pour ABA est celui d’une « fréquentation normale des écoles primaires publiques » par des enfants « impossibles à distinguer des enfants de leur âge au développement normal » (9). Combien des 578 jeunes enfants autistes soumis à la méthode ABA dans les institutions pilotes françaises sont-ils parvenus à « une fréquentation normale des écoles primaires publiques » ?
Bien que la circulaire de la DGAS, qui a présidé à l’expérience, ait fait état d’une attente d’évaluation du nouveau modèle d’accompagnement, les données précises indépendantes de la subjectivité des participants restent parcimonieuses. Il semble bien néanmoins qu’entre les résultats affchés de Lovaas et ceux des structures expérimentales françaises, se révèle un gouffre abyssal.
En effet, sur 578 enfants, on constate avec surprise qu’un nombre infme aurait évolué jusqu’à une sortie permettant d’intégrer un circuit scolaire ordinaire. Seuls 19 enfants « sont sortis vers le milieu ordinaire », encore faut-il, parmi eux, retrancher ceux qui sont allés en CLIS (10) et ceux qui ont continué à bénéfcier d’une AVS (11) (classes et accompagnements spécialisés destinés aux élèves en situation de handicap) – dont le nombre n’est pas précisé.
Le taux de réussite d’ABA de 47% selon Lovaas, apprécié sur un échantillon beaucoup plus représentatif, avoisine donc en France les 3% ! À comparer avec les affrmations triomphantes de Leaf et McEachin assurant dans leur best-seller Autisme et ABA : une pédagogie du progrès : « en 1994, Harris et Handleman ont analysé plusieurs études montrant que 50% des enfants autistes ayant suivi des programmes préscolaires utilisant l’ABA étaient intégrés avec succès dans des classes normales et que nombre d’entre eux ne nécessitaient qu’un suivi très léger » (12).
Bien qu’avares de données chiffrées, les évaluateurs ne manquent pas de constater que « le nombre de sorties […] est relativement faible ». Le taux de rotation parmi les effectifs (nombre de sorties/nombre d’enfants accueillis) s’avère médiocre : en moyenne 18% (13). Encore faut-il souligner que les sorties ne sont pas toutes des témoignages d’accompagnements réussis. Il est précisé que parmi les 96 enfants qui ont quitté les structures expérimentales depuis leur mise en place « 19 (soit près de 20%) sont sortis vers le milieu ordinaire (y compris CLIS et AVS), 18 vers une structure médico-sociale et 5 sont au domicile sans solution. L’orientation à la sortie n’est pas connue (non renseignée dans les grilles de recueil de données des structures) pour 54 enfants » (14). Il est fort peu probable que des fches non renseignées par des professionnels militants cachent des réussites éclatantes. Dès lors, les sorties véritablement positives après cinq années d’application de la méthode ABA dans des conditions particulièrement favorables s’avèrent inférieures à 19 sur 578 (15). Rien à voir avec l’hypothèse de 50% de réussite qui était au principe de la création de ces structures destinées à devenir des « centres experts ».
Quelle orientation après ABA ? ABA ne répond pas
La pauvreté des résultats rend peut-être compte d’un paradoxe noté par les évaluateurs : l’adhésion sans réserve des parents et des professionnels à la méthode ABA s’accompagne souvent de bien peu d’espoirs en ses pouvoirs. Dans la plupart des institutions pilotes, la sortie des enfants n’est guère envisagée. « Environ 3⁄4 des structures, observent-ils, ont une réfexion limitée ou n’ont pas du tout engagé de réfexion sur les modalités de sortie des enfants. Ce constat est particulièrement problématique car il implique que la sortie des enfants et leur orientation vers un autre dispositif en aval de la structure ne sont encore pas suffsamment anticipées et pensées de manière globale. Or, de fait, l’avancée en âge des enfants implique que la question de la sortie de la structure va se poser de plus en plus » (16).
L’intensité d’ABA est-elle synonyme d’effcacité ?
Les diverses structures expérimentales présentent des disparités importantes quant à leur fonctionnement, alors que les services rendus apparaissent comparables, constat qui a beaucoup questionné les évaluateurs, les professionnels et les parents eux-mêmes (17). Le rapport en conclut que les « résultats interrogent le rapport coût-effcacité de certaines approches bénéfciant de moyens (en termes de taux d’encadrement, de nombres d’heures d’accompagnement et d’investissement des parents notamment) bien supérieurs aux autres, sans pour autant obtenir des résultats signifcativement supérieurs en termes de sortie et notamment d’intégration dans le milieu ordinaire » (18). Quand la méthode ABA est appliquée dans toute sa rigueur, ce qui était plus affrmé dans certaines structures expérimentales, le coût est plus élevé, mais les résultats ne sont pas meilleurs.
Plusieurs études antérieures, rapportées par V. Cruveiller, mettaient déjà en évidence ce phénomène. Elles constatent, en prenant appui sur celles-ci, que « le nombre d’heures d’intervention pourrait être moins important que le type d’intervention », et que l’effcacité de l’intervention semble dépendre « plus de ses caractéristiques (et avant tout de celles de l’enfant) que du caractère intensif de la prise en charge ». Il s’agirait donc d’aller selon les données les plus récentes «dans le sens d’interventions thérapeutiques moins intensives mais plus homogènes et spécifques, adaptées aux besoins propres à chaque enfant » (19).
L’exclusivité d’ABA en question
Le rapport constate que prendre un appui exclusif sur la méthode ABA pour l’accompagnement des autistes est une hypothèse qui « n’est tout simplement pas tenable fnancièrement ». Il préconise cependant d’utiliser les structures expérimentales comme « un accompagnement expert» devant servir auprès des professionnels à la diffusion et au développement des méthodes éducatives, comportementales et développementales (20). Toutefois il insiste sur la nécessité d’une meilleure prise en compte des structures « de suite ».
De nouvelles recommandations concluantes…
En possession des données de ce rapport, foncièrement accablant pour la méthode ABA, bien que restant modéré dans ses conclusions, quelles recommandations donne-t-on ? D’abord, reconduire pour cinq ans la plupart des structures expérimentales dédiées à cette méthode. Ensuite, œuvrer à ce qu’elles deviennent des « centres experts » pour assurer une meilleure diffusion des méthodes comportementales. Et surtout, ajouterons-nous, continuer à ostraciser les approches psychodynamiques de l’autisme et l’Affnity therapy (21). Telles sont toujours les orientations actuelles de la politique française de management de l’autisme.
1 : Cekoïa Conseil et Planète publique, « Évaluation nationale des structures expérimentales Autisme », CNSA, Rapport fnal, février 2015, p.7, disponible ici.
2 : Cf. partie I de cet article : « Vingt-huit structures expérimentales créées en France afn de mettre en œuvre la mesure 29 du Plan Autisme 2008-2010 : « Promouvoir une expérimentation encadrée et évaluée de nouveaux modèles d’accompagnement » (…) dans le but d’établir, pour l’essentiel, la pertinence d’un seul nouveau modèle d’accompagnement des autistes : la méthode ABA », Lacan Quotidien n°568, 29 février 2016.
3 : « Évaluation nationale des structures expérimentales Autisme », op. cit., p. 63.
4 : Cf Laurent É., La Bataille de l’autisme. De la clinique à la politique, Paris, Navarin/LeChamp freudien, 2012, p. 141- 153.
5 : « Évaluation nationale des structures expérimentales Autisme », op. cit., p. 82.
6 : Ibid., p. 85.
7 : Ibid., p. 82.
8 : Ibid., p. 86.
9 : En fait, parmi les dix-neuf enfants suivis par Lovaas, l’un des neuf « ayant le mieux évolué » a fnalement intégré une flière d’éducation spécialisée, rapporte McEachin en 1993 dans une étude du devenir de ceux-ci, de sorte qu’il ne pouvait plus être considéré comme « se développant normalement ».
10 : CLIS : « Classes pour l’inclusion scolaire » destinées aux élèves en situation de handicap.
11 : AVS : « Auxiliaire de vie scolaire » pour élèves en situation de handicap.
12 : Leaf R. McEachin J., Autisme et A.B.A. : une pédagogie du progrès [1999], Pearson Education, 2006, p. 13.
13 : « Évaluation nationale des structures expérimentales Autisme », op. cit., p. 34.
14 : Ibid., p. 34.
15 : 482 enfants accueillis au 31 décembre 2013 plus 96 enfants sortis des structures.
16 : « Évaluation nationale des structures expérimentales Autisme », op. cit., p. 66.
17 : Ibid., p. 88.
18 : Ibid., p. 84.
19 : Cruveiller V., « Les interventions comportementales intensives et précoces auprès des enfants avec autisme : une revue critique de la littérature récente », Cahiers de Préaut, 2012, 1, p. 104.
20 : « Évaluation nationale des structures expérimentales Autisme », op. cit., p. 86.
21 : Cf. Perrin M. (sous la direction de), Affnity therapy. Nouvelles recherches sur l’autisme, Presses Universitaires de Rennes, 2015.