S’orienter dans un moment de crise
Isabelle Capdeville – Podensac
Le feuilleton préparatoire aux Journées des 23-24 janvier attend vos textes aux adresses
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Albert est un jeune adolescent de douze ans, accueilli depuis deux ans à l’hôpital de jour de Podensac, qui nous a mis au travail, particulièrement à l’occasion d’un « rendez-vous clinique », moment de formation au sein du Pôle Infanto-Juvénile du Service du Docteur Maryse Roy, avec notre invité Gil Caroz sous le titre : « S’orienter dans les moments de crise. »
Cette question était très aigue pour Albert, qui s’était exclu de tout lien social, en refusant brutalement d’aller au collège, lors d’un moment de crise que nous avions alors considéré comme un « moment de décision » et accueilli comme tel. Mais toute relation avec un autre restait pour lui potentiellement dangereuse et menaçante, toujours susceptible de provoquer une explosion violente. Nous nous étions demandés comment nous disposer, dans ces moments particuliers de crise, pour lui permettre de trouver une issue qui ne soit pas catastrophique.
Je vais évoquer une situation où nous avons pu, avec Albert, trouver une solution : Albert est dans le jardin où il s’agite, entraîne les autres, prêt à en découdre, comme souvent après ce qui lui paraît être une injustice dont il serait victime. Il s’empare soudain du balai de Sylvette et gesticule avec, menaçant ses camarades. Nous essayons en vain de récupérer cet objet frappeur. C’est alors qu’Albert fait une trouvaille qui va nous aider.
Il dit qu’il ne peut pas nous le rendre, car ce balai appartient à sa famille depuis plusieurs générations. Je saisis sur le vif cette proposition, en suggérant d’écrire cette merveilleuse histoire et d’en faire un article pour le Mad News, journal de l’hôpital de jour. Ce qu’il accepte. Nous montons écrire sous sa dictée « L’histoire du balai et du fusil et plein d’autres choses qui appartenaient à la famille B ». Il s’agit d’une histoire guerrière dans laquelle son ancêtre devient un héros. Albert choisit une police d’écriture, une mise en forme, et nous l’imprimons. Il en tire une certaine fierté, non feinte.
La première fois que le balai est apparu, c’était avec Roger B, en 1856. Et il a servi à tuer en 1860 le Herr General des allemands quand il partait à la conquête de l’Allemagne. Les soldats du Herr General ont attaqué Roger mais avec un fusil il avait réussi à faire le fusil mitraillette et qu’aujourd’hui plus personne n’a réussi à refaire. Et quand il est revenu en héros, il était acclamé par tous les gens et il dit : « je vais laisser leur pays ». Signé Albert.
Le passage à l’écriture de son histoire a-t-il pu le dégager ce jour-là de ce moment de tension, en le séparant de ce à quoi il se trouvait soumis ? En saisissant cette petite invention, et en s’appuyant sur le réseau que nous avons essayé de créer autour de lui, ne lui avons-nous pas permis de trouver une petite solution, celle de « la clémence de Roger » ?
Toujours est-il qu’aujourd’hui, notre manière de le voir, le fait d’avoir écrit sur son cas, toute cette réflexion à plusieurs, sont autant de choses qui semblent avoir eu des effets sur Albert. Il est plus apaisé, plus humanisé, et il commence à retourner à l’école, avec la nouvelle institutrice…