PIPOL NEWS FLASH 15
Quelques questions posées à Mitra Kadivar
Comme cela a été annoncé, Mitra Kadivar participera aux séances plénières de PIPOL 6, en présentant un travail sous le titre « Une Superbe Autosuffisance ».
Mitra ayant été invitée par l’ECF lors de l’après-midi, « Rencontre avec Mitra – 5 mois après », PIPOL NEWS a demandé à Anne Ganivet-Poumellec de lui poser quelques questions en guise d’avant-goût.
Cet interview sera également publié dans LACAN QUOTIDIEN.
1- Les élections à la présidence dans votre pays ont lieu aujourd’hui. Comment voyez-vous l’avenir de votre pays ?
Il faut savoir, ce qui est en général toujours ignoré en France concernant mon pays, que l’Autre de l’Iran n’est jamais où on l’attend. Tout est imprévisible en Iran, ce pays ne répond jamais aux attentes et, la plupart du temps, ce qui arrive est une bonne surprise. Hier, j’ai couru voter à l’ambassade d’Iran à Paris, nous voyons maintenant le candidat modéré arriver en tête : personne ne s’y attendait.
[À la fin de l’après-midi nous apprenions que, contre toute attente, le candidat modéré avait remporté les élections au premier tour, « Beaucoup de choses vont changer » a été le commentaire de Mitra Kadivar, qui souligne que ce réformateur est favorable à l’activité des ONG]
2- La psychanalyse pour vous, une rencontre ?
Mon choix de petite-fille avait été la science et la médecine, avec l’idée de me spécialiser en psychiatrie, mais ma rencontre avec Freud, avec les textes de Freud que je lis dans l’excellente Standard Edition, a été bouleversante : il m’a fallu suivre Freud absolument. Après un premier séjour en France, j’y suis revenue décidée à entreprendre mon analyse. Elle a duré 10 ans, à Paris. Il s’est trouvé que comme mon analyste était lacanien, plus tard, il m’envoya la transcription des cours de Jacques-Alain Miller, « L’orientation lacanienne » : je reconnus qu’il existait là un enseignement – je n’avais rien trouvé de tel ailleurs. Ce qui est toujours aussi déterminant pour moi, c’est le choix forcé de Freud, on ne peut nullement me séparer de Freud, ce que j’appelle mon piège freudien.
À la fin de mon analyse, de retour à Téhéran, j’aurai pu, par goût, continuer la recherche scientifique et étudier Freud parallèlement. L’ignorance constatée de l’Autre m’a poussée à enseigner, à faire connaitre Freud en Iran à travers ses textes.
3- Quelle est la place que la psychanalyse prend à Téhéran? Et plus précisément, quelle place a la psychanalyse d’orientation lacanienne? Est-elle présente d’une façon quelconque à l’université, dans les institutions de soin, dans des lieux de formation? Pourriez-vous nous décrire vos activités de transmission de la psychanalyse en Iran?
Lorsque je suis retournée en Iran, il y a 20 ans, après ma formation à partir de mon analyse personnelle faite à Paris avec un analyste lacanien, j’ai constaté que tous, universitaires, psychiatres, psychologues, etc., prétendaient faire de la psychanalyse sans même avoir été analysés eux-mêmes. Aussi les gens se disaient analysés parce qu’ils avaient fait sept séances d’une pratique quelconque par la parole !
J’ai compris qu’il fallait que je commence par dire ce qu’est une psychanalyse et j’ai commencé à enseigner. Aujourd’hui encore je dois toujours batailler contre la psychanalyse « sauvage ».
Je m’appuie sur les écrits de Freud, sur mon analyse et la connaissance de Lacan. Les trois dimensions (réel–symbolique–imaginaire) apportées par Jacques Lacan clarifient la psychanalyse et empêchent les dérapages laissés par les concepts imaginaires des post-freudiens.
Avec mes élèves nous reprenons les textes freudiens et, pas à pas, en donnons une traduction, ce qui nous pousse à faire une recherche minutieuse parmi toutes les nuances proposées par la langue persane.
Pour abriter ce travail, j’ai réussi à faire reconnaître une association, reconnue d’utilité publique, qui a le statut d’ONG : L’Association freudienne.
Cette association est un lieu d’enseignement – le mien et celui de mes élèves ; c’est aussi le lieu où je loge la pratique de mon cabinet, en particulier l’accueil de nouveaux analysants – souvent élèves aussi, ce que j’appelle le « recrutement ».
Le projet est d’y rattacher un centre de traitement de la dépendance psychique des toxicomanes, un lieu de psychanalyse appliquée où mes élèves pourront démontrer l’efficacité de la psychanalyse, par rapport à toutes les pratiques en cours actuellement à Téhéran, rapides, mais qui souvent échouent sur le moyen terme.
4- Les femmes en Iran, qu’en dites vous?
L’histoire de l’Iran est très ancienne et sa conversion à l’islam chiite n’en occupe que le dernier quart (1400 ans). Des influences préislamiques (zoroastriennes et mitraïques) sont très fortes dans le pays et les femmes n’ont pas le même statut que dans les pays arabes où s’étend l’influence de l’islam sunnite. En Iran, je peux affirmer que la culture et le savoir sont très valorisés, ce qui explique ma place privilégiée dans ce pays.
Inscriptions en ligne : www.europsychanalyse.eu ;http://www.europsychanalyse.eu/
Renseignements : +32 (0)483 365 082 | [email protected] ;mailto:[email protected]