JOURNAL DES JOURNÉES
Le mardi 12 janvier 2010, édition d 14h 53
N° 82
« Qu’il connaisse bien la spire où son époque l’entraîne
dans l’œuvre continuée de Babel,
et qu’il sache sa fonction d’interprète dans la discorde des langages. »
Jacques Lacan, Ecrits, p. 321
LE FORUM DU 7 FÉVRIER
(suite)
L’Ecole, ce n’est pas seulement papoter, chipoter, sur nos procédures, nos titres, nos galons, nos ambitions d’être membre, AE, AME, nos attitudes : suivisme, quant-à-soi, activisme, tout pour le « famil », culture de soi, etc. L’Ecole n’est pas un dedans, pas un cocon, pas un carcan. L’Ecole est au dehors d’elle-même. Oui, au sens étroit, je sais bien, c’est une petite association selon la loi de 1901, qui n’a pas 400 membres. Mais ça, ce n’est qu’une façade. L’Ecole, au sens propre, c’est aussi les ACF, les associations de praticiens ; c’est encore nos innombrables établissements d’enseignement ou de traitement, les Sections cliniques, les CPCT, le Cereda, le Cien, le RI 3, le RIPA, etc, et, demain, l’Université Jacques-Lacan. Et c’est enfin les Forums.Ni Freud, ni Lacan, n’ont connu ça : la psychanalyse devenue enjeu social, question politique, débattue dans les parlements, dans les ministères, au gouvernement. C’est notre privilège, c’est notre fardeau. Faîtes l’autruche, refuser de voir ça, et demain, ce ne sera qu’un cri : « Psychanalyse, ton divan fout le camp ! » Nous avons le concept de l’Autre, c’est pour nous en servir. Le discours de l’Autre social, de l’Autre politique, véhicule désormais des énoncés sur les psychanalystes, son regard est sur nous, il nous colle à la peau, sa voix gronde, son fouet claque. L’urgence, la contrainte, nous ont fait inventer il y a sept ans les Forums des psys. Merci, monsieur Accoyer, votre nom restera dans l’histoire de la psychanalyse. Il y a eu choix forcé : résister, ex-sister, ou disparaître. Le cours des événements a tranché : les envahisseurs ont reculé en catastrophe, l’Ecole a coalisé autour d’elle l’opinion éclairée, elle aimante désormais la jeunesse, elle est devenue le principal interlocuteur des pouvoirs publics sur les affaires psys. Les autres groupes analytiques français ont raté cette marche, ils se sont mis aux abonnés absents, ils le payent depuis lors d’une déconfiture croissante.L’AE, guerrier appliqué, disait Lacan. Eh bien, où ce statut de l’analyste trouve-t-il à s’accomplrt aujourd’hui, sinon dans les Forums ? Oui, de la passe aux Forums, la conséquence est bonne. Recroquevillé sur des objectifs professionnels, le groupe analytique deviendrait un syndicat, une corporation. La psychanalyse n’est pas une profession, ou ne l’est que de surcroît. Elle a affaire au discours de l’Autre dans son extension maximale, appelée « civilisation » ; elle a avec ce partenaire une partie à jouer ; ici et maintenant elle la joue aux Forums.
Le mardi 12 janvier 2010, édition d 14h 53
N° 82
« Qu’il connaisse bien la spire où son époque l’entraîne
dans l’œuvre continuée de Babel,
et qu’il sache sa fonction d’interprète dans la discorde des langages. »
Jacques Lacan, Ecrits, p. 321
LE FORUM DU 7 FÉVRIER
(suite)
L’Ecole, ce n’est pas seulement papoter, chipoter, sur nos procédures, nos titres, nos galons, nos ambitions d’être membre, AE, AME, nos attitudes : suivisme, quant-à-soi, activisme, tout pour le « famil », culture de soi, etc. L’Ecole n’est pas un dedans, pas un cocon, pas un carcan. L’Ecole est au dehors d’elle-même. Oui, au sens étroit, je sais bien, c’est une petite association selon la loi de 1901, qui n’a pas 400 membres. Mais ça, ce n’est qu’une façade. L’Ecole, au sens propre, c’est aussi les ACF, les associations de praticiens ; c’est encore nos innombrables établissements d’enseignement ou de traitement, les Sections cliniques, les CPCT, le Cereda, le Cien, le RI 3, le RIPA, etc, et, demain, l’Université Jacques-Lacan. Et c’est enfin les Forums.Ni Freud, ni Lacan, n’ont connu ça : la psychanalyse devenue enjeu social, question politique, débattue dans les parlements, dans les ministères, au gouvernement. C’est notre privilège, c’est notre fardeau. Faîtes l’autruche, refuser de voir ça, et demain, ce ne sera qu’un cri : « Psychanalyse, ton divan fout le camp ! » Nous avons le concept de l’Autre, c’est pour nous en servir. Le discours de l’Autre social, de l’Autre politique, véhicule désormais des énoncés sur les psychanalystes, son regard est sur nous, il nous colle à la peau, sa voix gronde, son fouet claque. L’urgence, la contrainte, nous ont fait inventer il y a sept ans les Forums des psys. Merci, monsieur Accoyer, votre nom restera dans l’histoire de la psychanalyse. Il y a eu choix forcé : résister, ex-sister, ou disparaître. Le cours des événements a tranché : les envahisseurs ont reculé en catastrophe, l’Ecole a coalisé autour d’elle l’opinion éclairée, elle aimante désormais la jeunesse, elle est devenue le principal interlocuteur des pouvoirs publics sur les affaires psys. Les autres groupes analytiques français ont raté cette marche, ils se sont mis aux abonnés absents, ils le payent depuis lors d’une déconfiture croissante.L’AE, guerrier appliqué, disait Lacan. Eh bien, où ce statut de l’analyste trouve-t-il à s’accomplrt aujourd’hui, sinon dans les Forums ? Oui, de la passe aux Forums, la conséquence est bonne. Recroquevillé sur des objectifs professionnels, le groupe analytique deviendrait un syndicat, une corporation. La psychanalyse n’est pas une profession, ou ne l’est que de surcroît. Elle a affaire au discours de l’Autre dans son extension maximale, appelée « civilisation » ; elle a avec ce partenaire une partie à jouer ; ici et maintenant elle la joue aux Forums.
SOMMAIRE
Charles-Henri Crochet, Connaissez-vous le CAS ?
Agnès Aflalo, L’évaluation, un Etat dans l’Etat
Alice Delarue, OPA des TCC sur le marché du stress
TEXTES EXTRAITS DU PROCHAIN LNA
Charles-Henri Crochet, Connaissez-vous le CAS ?
Pseudopode du Premier ministre, le Centre d’analyse stratégique (cas) exerce des missions de veille, d’expertise et d’aide à la décision. Son programme 2009 : « Neurosciences et politiques publiques ». Son but explicite : « déterminer comment les sciences du cerveau peuvent apporter un éclairage nouveau pour les politiques publiques. » Son axe prioritaire : « une meilleure prise en considération par les politiques publiques des enjeux liés à la subjectivité. »Le cas promeut l’avènement des neurosciences et la double convergence inéluctable entre d’une part l’industrie et d’autre part les nanotechnologies, les biotechnologies, l’informatique et les sciences cognitives (nbic). Les domaines de recherche qui orientent sa veille s’apparentent au modèle bio-psycho-social.Selon le cas, la crainte de perdre « l’intégrité individuelle ou sociale » et le « contrôle des technologies » repose « sur des malentendus ». Elle porte préjudice à l’évolution de la science. Un débat public est ouvert afin d’éclairer les béotiens.Pédagogue, le cas encourage une meilleure connaissance des neurosciences pour comprendre leur impact. Leur projet ne se résume plus à une simple science du cerveau. Il « s’attache désormais à étudier les comportements, les interactions et la vie mentale ». Selon le cas, les réticences liées à l’utilisation de techniques d’imagerie cérébrale (tic) dans les domaines sanitaire, judiciaire, militaire, économique et social sont sans fondements. Corvéables à merci, elles investissent l’économie. La neuroéconomie mise sur les mécanismes cérébraux, cognitifs et émotionnels. Sœur de l’économie comportementale, elle examine la neurobiologie des comportements par les tic. Invitée au dernier Forum de Davos, elle sera largement inscrite dans le programme 2010.
Agnès Aflalo, L’évaluation, un Etat dans l’Etat
La vraie prise du pouvoir par les TCC a eu lieu en 1978, à l’oms. C’est à ce moment-là que les adeptes des tcc ont inauguré le règne d’une bureaucratie folle qui a ensuite gangréné les autres administrations d’Europe. En remplaçant l’idée de maladie mentale par celle de santé mentale, les adeptes des tcc ont ouvert l’ère de la psychiatrisation forcée de nos sociétés. Car, depuis lors, ce sont les préjugés des psychiatres qui décident ce que doit être le bonheur conforme à La santé mentale et qui dictent ainsi la politique de santé publique. Chaque citoyen se voit donc appliquer, comme pour les moteurs, la loi du zéro défaut. C’est à peine possible dans le monde inanimé des objets, alors pour les humains, le défaut qu’est la vie doit cesser. Une fois admise l’identité du carnet de santé d’un moteur et d’un humain, la santé mentale est calculée grâce au symptôme biopsychosocial et autres risques psychosociaux. Ils ont été fabriqués pour faire entrer chacun dans des catégories à normaliser au nom de ladite santé mentale. Plus l’évaluation fait croire que le bonheur, c’est plein d’avoir dans les armoires et plus elle impose son diktat aux êtres. Alors, il n’y a plus d’autre choix que de se conformer ou de disparaître. Le rapport du Centre d’analyse stratégique sur La santé mentale montre à quel point l’évaluation est devenue un État dans l’État. Elle veut gouverner sans l’avouer aux politiques qu’elle prétend servir et sans risquer le verdict des urnes. Dans cette folle lutte contre les défauts humains, l’acte et ses effets incalculables sont rejetés. Les suicides de masse démontrent qu’il ne manquera jamais d’Antigone pour le rappeler et refuser la soumission au Créon bureaucrate qui a pris le pouvoir en silence. Seul un acte politique pourra faire cesser le massacre. Ne peut-on, d’ici-là, se souvenir que, même pour les Écritures, boiter n’est pas un péché ?
Alice Delarue, OPA des TCC sur le marché du stress
Octobre 2009. Suite à la vague de suicides qui a touché France Télécom, le ministre du Travail somme les grandes entreprises d’engager des négociations internes sur le stress au travail d’ici à février 2010. L’ouverture de la chasse a sonné pour les cabinets de gestion des « risques psychosociaux » qui se disputent un marché juteux au milieu d’entreprises aux abois, pressées de démontrer leur activisme en matière de prévention.Sur la ligne de départ, les mieux placés sont ceux qui ont les faveurs de la Direction générale du travail et des directions d’entreprises, en l’occurrence les cabinets d’orientation cognitivo-comportementaliste comme Technologia ou Stimulus. Leur directeur, Patrick Légeron, est l’auteur d’un rapport sur les risques psychosociaux commandé par le ministère. Après avoir infiltré la santé, l’éducation, et bien d’autres domaines, les tcc s’attaquent maintenant à la prévention du stress au travail.Lorsque l’on regarde d’un peu plus près l’histoire de ces officines du stress, on s’aperçoit qu’il s’agit pour la plupart de cabinets classiques de formation et de gestion des ressources humaines, spécialisés dans le conseil en management, notamment dans la gestion des plans sociaux et récemment réorientés dans la prévention des risques psychosociaux – nouveau marché porteur en ces temps de faible recrutement – en s’adjoignant des experts psychiatres, généralement técécéistes. La boucle est bouclée : le comportementalisme s’était, par une affinité naturelle avec le taylorisme, implanté dans les usines américaines afin d’augmenter la productivité des ouvriers – et c’est très logiquement que cette alliance, devenue celle du management et des tcc, avait perduré après le tournant gestionnaire des années 80 –, le voilà maintenant intronisé expert es stress.
2010
7 février : Forum des psys sur l’évaluation
11 avril : Forum des psys sur la justice
26-30 avril : Congrès de l’AMP
29 mai : Journée du Cereda
5 juin : Colloque du Cien à Nancy
26 et 27 juin : Journées de la NLS à Genève
10 et 11 juillet : Journées de l’Ecole à Rennes
25 et 26 septembre : “Médecine et Psychanalyse” à Clermont-Ferrand
9 et 10 octobre : Journées de l’Ecole à Paris
2011
2 et 3 juillet : PIPOL V à Bruxelles
Un document attaché:Partie 7 et dernière de la brochure « Passe » www.causefreudienne.orgECF 1 rue Huysmans paris 6è Tél. + 33 (0) 1 45 49 02 68
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