Le lien familial dans l’expérience psychanalytique
21 et 22 octobre 2006 – Palais des Congrès Paris
Intervention de Jacques-Alain Miller au xxxives Journées de l’ECF en novembre 2005
Je proposerai que nous prenions comme thème du débat, un texte très bref de Lacan, que j’avais vu arriver chez moi sous la forme de deux morceaux de papier de Jenny Aubry, de telle sorte que j’avais cru qu’il s’agissait de deux notes distinctes qu’à sa demande Lacan lui avait remises. Une fois publié dans son intégralité, je me suis aperçu que cela formait un même texte, un recto verso, avec très peu de paragraphes, extrêmement efficace, mais tout entier écrit dans la perspective du symptôme, ce qui nous laisse à reconstituer ce que serait la seconde perspective, celle du sinthome.
C’est un texte où Lacan prend pour acquis ce qu’il appelle « l’échec des utopies communautaires », qui étaient à l’ époque de chercher à élargir le cercle de famille, à élever les enfants en commun et à faire exister une entité collective au-delà du cercle de famille. Il est amusant de constater, tout au contraire, la vitalité de la conjugalité, modifiée d’un rien, modifiée par l’homosexualité. On vérifie que la fonction de la famille conjugale reste dominante et il n’est plus question de l’utopie communautaire.
On peut remarquer la lucidité de Lacan quand il note que la famille conjugale a une fonction de résidu dans l’évolution des sociétés et que c’est précisément parce qu’elle est à l’état de résidu, à l’état d’objet petit a qu’elle se maintiendra. Ce que nous vivons aujourd’hui le confirme. Il interprète cette résistance même de la famille conjugale par le caractère irréductible de la transmission, non pas la transmission d’un savoir, ni la transmission des besoins, mais une transmission constituante pour le sujet. Cela suppose sa relation à un désir qui ne soit pas anonyme. Ça, c’est vraiment très fort ! Il y a là une nécessité c’est-à-dire quelque chose qui ne cesse pas de s’écrire. Que n’importe qui puisse faire fonction et s’intéresser à n’importe qui, abrase la possibilité du désir. Il faut que le sujet soit ici appelé à la singularité du « je », de la même façon d’ailleurs qu’on ne s’analyse pas avec la psychanalyse, mais avec un ou une psychanalyste. Il ne suffit pas de lire Freud et Lacan pour s’analyser avec. Il faut que cela soit activé d’une façon qui ne soit pas anonyme. Dans ce nouveau déchiffrage que Lacan propose et du même coup permet, il insiste pour que la mère ait un intérêt particularisé pour l’enfant et que le père soutienne une incarnation de la loi dans le désir, c’est-à-dire que ce ne soit pas désincarné. Et la grosse erreur avait été de considérer que Lacan, dans la métaphore paternelle, exaltait la fonction paternelle, dont il avait de longtemps signalé la décadence. Il s’agit au contraire, d’une matrice des fonctions freudiennes qui, présentée ainsi, fait découvrir qu’il ne s’agit que de semblants.
Dans cette note, Lacan introduit la référence au symptôme de l’enfant comme représentant une vérité. Il y a aussi des notations tout à fait intéressantes concernant le symptôme somatique de l’enfant et les ressources qu’il offre, qui fait penser à ce qu’on voit malheureusement aujourd’hui du côté de certaines familles d’autistes qui découvrent une ressource intarissable à témoigner de la culpabilité, servir de fétiche ou incarner un primordial refus, ces trois versions reflétant me semble-t-il, la névrose, la perversion et la psychose.
Autrement dit, je propose que nous adoptions pour les prochaines journées le thème familial, illustré par des cas cliniques : Pourquoi pas : « Les phénomènes familiaux » ? Plus sérieux : « Le lien familial dans l’expérience analytique ». Le lien familial est en effet une forme bien particulière du lien social. On pourrait même dire que c’est le seul lien qui s’inscrit d’un rapport dont on peut rêver qu’il soit naturel. Enfin, il n’en est pas moins tout à fait dénaturé et comme Lacan le note dans le Séminaire le Sinthome, la nature est un pot pourri de hors nature.
* Extrait de l’intervention de Jacques-Alain Miller au xxxives Journées de l’ECF en novembre 2005, dont le texte a été établi par Monique Amirault et Dominique Holvoet.
1. J. Lacan : « Note sur l’enfant » Autres Écrits, Seuil, 2001, pages 373-374
2. J. Lacan : Le Séminaire, Le sinthome, livre XXIII, Paris, Seuil, 2005, page 12
Intervención de Jacques-Alain Miller en las XXXIV Jornadas de la ECF en Noviembre de 2005
Les propondré que tomemos como tema de debate un texto muy breve de Lacan que llegó a mí bajo la forma de dos pedazos de papel de Jenny Aubry, de tal modo que creí que se trataba de dos notas distintas que a pedido suyo Lacan le había hecho llegar. Una vez publicada en su totalidad, me di cuenta que se trataba de un solo texto, un recto verso, con muy pocos parágrafos, extremadamente eficaz, pero enteramente escrito en la perspectiva del síntoma, lo que nos lleva a reconstituir lo que sería la segunda perspectiva, la del sinthome.
Es un texto en el que Lacan toma la experiencia de lo que llama “el fracaso de las utopías comunitarias”, que existían en la época en que se buscaba ensanchar el círculo de la familia, criar los niños en común, y hacer existir una entidad colectiva más allá del círculo de la familia. Es divertido constatar, exactamente al contrario, la vitalidad de la vida conyugal, modificada apenas, modificada por la homosexualidad. Se verifica que la función de la familia conyugal permanece dominante y que ya no se trata de la utopía comunitaria.
Se puede observar la lucidez de Lacan cuando destaca que la familia conyugal tiene una función de residuo en la evolución de las sociedades, y que ella se mantendrá precisamente porque se encuentra en el estado de residuo, en el estado de pequeño objeto a. Lo que vivimos hoy día lo confirma. Interpreta esta resistencia misma de la familia conyugal por el carácter irreductible de la transmisión, no la transmisión de un saber, ni la transmisión de las necesidades, sino una transmisión constituyente para el sujeto. Esto supone su relación a un deseo que no sea anónimo. ¡Esto es verdaderamente fuerte! Hay allí una necesidad, es decir, algo que no cesa de escribirse. No importa quien pueda hacer función ni interesarse en no importa quien que tenga la posibilidad del deseo. Es necesario que el sujeto sea aquí llamado en la singularidad del je, del mismo modo que uno no se analiza con el psicoanálisis, sino con un o una psicoanalista. No alcanza con leer Freud y Lacan para analizarse con. Esto debe ser activado de un modo que no sea anónimo. En este nuevo desciframiento que Lacan propone y al mismo tiempo permite, insiste en que la madre tenga un interés particularizado por el niño y que el padre sostenga una encarnación de la ley en el deseo, es decir que no esté desencarnado. Y el grave error fue considerar que Lacan, en la metáfora paterna, exaltaba la función paterna de la cual durante largo tiempo había señalado su decadencia. Se trata, al contrario, de una matriz de funciones freudianas que, presentada así, permite descubrir que sólo se trata de semblantes.
En esta nota Lacan introduce la referencia al síntoma del niño como representante de una verdad. Hay también observaciones muy interesantes que conciernen al síntoma somático del niño y los recursos que le ofrece, que hace pensar en lo que se ve hoy desgraciadamente del lado de ciertas familias de autistas que descubren un recurso inagotable para testimoniar de la culpabilidad, servir de fetiche o encarnar un rechazo primordial; estas tres versiones reflejan, me parece, la neurosis, la perversión y la psicosis.
Dicho de otra manera, propongo que adoptemos para las próximas Jornadas el tema familiar, ilustrado por los casos clínicos: ¿Porqué no “Los fenómenos familiares”? Más serio: “El lazo familiar en la experiencia analítica”. El lazo familiar es en efecto una forma bien particular del lazo social. Podríamos incluso decir que es el único lazo que se inscribe en una relación que podemos soñar que es natural. En fin, está sin embargo completamente desnaturalizado y tal como Lacan observa en el Seminario El Sinthoma, la naturaleza es un popurri de fuera de la naturaleza.
*Extraído de la intervención de Jacques-Alain Miller en las XXXIV Jornadas de la ECF en Noviembre de 2005, cuyo texto ha sido estableciodo por Monique Amirault y Dominique Holvoet.
1.J. Lacan, “Nota sobre el niño”, Autres Écrits, Seuil 2001, p. 373-374.
2.J. Lacan, El Seminario El sinthoma, Libro XXIII, Paris, Seuil, 2005, p. 12.
Traducción: Silvia Salman